Centres-villes : les maires veulent pouvoir réguler les baux commerciaux
Préserver la diversité commerciale des centres-villes passe en particulier par des moyens accrus accordés aux maires pour réguler les loyers commerciaux, d’après les échanges qui ont eu lieu le 21 mai 2025 à Montpellier, à l’occasion des 19e Assises nationales du centre-ville. Plus de 600 personnes - élus, managers de centre-ville, consulaires et autres acteurs participent à cette rencontre annuelle.

© Valérie Grasset-Morel
"Nos centres-villes sont en danger". A la veille des 19e Assises nationales du centre-ville qui se tiennent à Montpellier du 21 au 22 mai 2025, Philippe Laurent, maire de Sceaux et président de l’association Centre-Ville en Mouvement, a donné le ton des débats sur la diversité commerciale qui ont eu lieu à cette occasion, dans une tribune publiée sur son blog. L’essor du e-commerce et des marques chinoises de fast fashion ne sont pas les seuls responsables de cette situation. Les consommateurs français le sont eux aussi. Tout en déclarant être attachés à leur centre-ville, 75% disent qu’ils effectuent leurs achats courants de préférence dans un centre commercial de proximité, d’après le 10e baromètre des attentes des consommateurs de centre-ville (voir notre article du 15 mai).
Pour Philippe Laurent, la spéculation immobilière explique la désertification des centres-villes : "Chaque jour, des commerces ferment, étranglés par des loyers exorbitants, des propriétaires peu scrupuleux et des charges insoutenables." Les édiles de Montpellier et d’Avignon accusent également le coût des baux commerciaux. "Il nous faut plus de moyens pour les réguler", réagit le maire de Montpellier Michaël Delafosse. "Nous devons tous nous mobiliser contre ces loyers trop élevés", ajoute la maire d’Avignon Cécile Helle qui avoue se sentir "démunie avec les outils dont disposent les maires aujourd’hui".
Mettre en place des réglementations locales
Il est temps, selon le président de Centre-Ville en Mouvement que les élus locaux "prennent la main sur ce sujet". Il souhaite pour cela qu’un "vrai travail de fond soit entrepris par le gouvernement et le législateur pour aller au-delà de ce qui a déjà été fait avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) via les programmes Action Cœur de ville et Petites villes de demain. Philippe Laurent en appelle en particulier à "la mise en place de réglementations locales pour préserver le commerce de centre-ville".
Le propos des maires ne consiste pas cependant à opposer les commerces de centre-ville et les centres commerciaux. D’ailleurs, les centres-villes ne sont-ils pas "de grands centres commerciaux à ciel ouvert", comme l’indique André Deljarry, président de la CCI de l’Hérault ? A Albi, la Fnac, souvent vue comme la fossoyeuse des librairies de quartier, s’est ainsi implantée en plein centre… à la place de la librairie historique de la ville, et avec son appui. "Il s’agit d’une histoire de transmission", raconte la maire, Stéphanie Guiraud-Chaumeil. "La librairie a elle-même organisé la succession, ce qui a entraîné la confiance des Albigeois convaincus que la Fnac n’allait pas faire mourir le petit commerce. Aujourd’hui, c’est le vaisseau amiral de la ville."
Des commerces non désirés
La question des mutations commerciales en centre-ville est un autre problème qui préoccupe les maires. "Nous nous trouvons démunis face au remplacement de commerces traditionnels par des commerces non désirés et financés avec l’argent du narcotrafic : épiceries de nuit, kebabs, barbers, bars à chicha, ongleries… ", témoigne Sébastien Cote, adjoint au maire de Montpellier, en charge de la protection de la population et de la tranquillité publique. "Les maires sont démunis face à ces commerces parfois de façade qui génèrent du bruit et des règlements de compte. Nous demandons à reprendre la main sur la mutation des baux commerciaux car ce n’est plus possible."
Une commune a toujours la possibilité d’exercer son droit de préemption commercial pour éviter une mutation non désirée. C’est ce qu’a fait la maire d’Albi pour qu’un pressing vendu dans son centre-ville historique ne soit pas racheté par un kebab. "On peut en effet agir par préemption – Montpellier y consacre 20 millions d'euros mais ce n’est pas la vocation de l’argent public qui doit aller aux écoles par exemple", souligne Sébastien Cote. Une autre solution consiste à investir dans une société foncière qui lance des programmes neufs et loue à qui elle veut. "Dans les Hauts-de-Seine, un grand nombre de communes le font, ce qui leur permet de garder la maîtrise des locaux commerciaux", observe Philippe Laurent.
La capacité d’adaptation des commerçants
Le développement des centres-villes dépend aussi de la faculté d’adaptation des commerçants, comme en témoigne la maire de Millau, Emmanuelle Gazel dont les halles sont désormais ouvertes du mercredi au samedi matin et le dimanche matin durant l'été. "Le marché couvert attire ainsi en centre-ville davantage d’habitants et de visiteurs à la recherche de produits locaux." À Sète, les commerçants se sont alignés sur les horaires des navires de croisière. "En général, ils arrivent après la fermeture. Nous avons donc créé une application qui permet aux commerçants d’être informés de l’arrivée des bateaux et d’ouvrir dès que les croisiéristes débarquent", déclare André Deljarry.
La question de l’ouverture des commerces apparaît comme un sujet crucial pour le développement des centres-villes, selon le sociologue David Lestoux qui a participé à la rédaction du rapport national sur les centres-villes ayant donné naissance au programme Action Cœur de Ville. La maire d’Albi en témoigne : "Depuis que nous avons obtenu le classement du centre-ville en zone touristique, ceux qui ouvrent le dimanche ne le regrettent pas."