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Pouvoirs locaux - De la clarification des compétences... à la fusion

La réforme des compétences des collectivités voulue par le chef de l'Etat impliquera-t-elle un regroupement des assemblées départementales et régionales ? En tout cas, la question revient sur le devant de la scène. Avec plusieurs contributions attendues pour la semaine prochaine.

"Le moment est venu de poser la question des échelons de collectivités locales dont le nombre et l'enchevêtrement des compétences est une source d'inefficacité et de dépenses supplémentaires." Les déclarations se sont succédé ce week-end de la part de diverses personnalités politiques invitées par les médias à rebondir sur ces propos du chef de l'Etat.
Ainsi, le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, a-t-il déclaré que ce chantier pourrait "démarrer avant la fin de cette année" pour aboutir "dans le courant 2009", après le lancement d'une consultation auprès des collectivités et de leurs associations représentatives. Il n'a en revanche guère été précis sur le contenu possible de la réforme, au-delà de la nécessité de "rationaliser", d'aboutir à "un mode de relation beaucoup plus imbriqué, beaucoup plus coordonné" entre niveaux de collectivités. Et Claude Guéant de noter : "Peut-être n'y a-t-il pas qu'une solution à appliquer uniformément sur l'ensemble du territoire."
Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a pour sa part été plus tranché : "Le département et la région, je pense effectivement qu'ils doivent se regrouper et travailler ensemble. C'est l'une des propositions que je porterai." "Que les conseillers généraux et les conseillers régionaux soient regroupés, je pense que cela peut être une piste de travail intéressante. Les Français sont très attachés à leur commune et à leur département, et les niveaux de projets intéressants, c'est l'intercommunalité et la région. A nous de trouver les solutions", a poursuivi dimanche Xavier Bertrand, également secrétaire général adjoint de l'UMP.
Ce type de propos n'est pas foncièrement nouveau... Cela fait environ deux ans en fait que la problématique s'est progressivement imposée. Premiers constats et premières propositions avec le rapport Richard de décembre 2006, puis avec celui du sénateur Alain Lambert, un an plus tard. Mais aujourd'hui, c'est acté : la clarification des compétences est bien à l'ordre du jour.

 

Département : une brèche s'est réouverte

Il semble qu'on assiste à une accélération à la fois du calendrier des desseins gouvernementaux ou élyséens, des prises de parole et des initiatives. Sans que l'on sache toujours très bien, d'ailleurs, comment ses diverses initiatives sont appelées à cohabiter puis à prendre sens.
Parmi les lieux de réflexion et de concertation, il y a avant tout le groupe de travail mis en place dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs locaux et présidé par Michèle Alliot-Marie, qui va débuter ses travaux dans les tout prochains jours. Il y a aussi la mission d'information parlementaire créée en novembre 2007 par la commission des lois de l'Assemblée, qui a procédé à diverses auditions - d'Alain Lambert en janvier dernier à l'Assemblée des départements de France ce 17 septembre - et devrait quant à elle rendre ses conclusions le 8 octobre prochain. En sachant que deux jours plus tôt, le 6 octobre, Philippe Valletoux, rapporteur de la section des finances du Conseil économique et social (CES) et vice-président de Dexia Crédit local, devrait rendre son deuxième rapport  intitulé "L'évaluation et suivi des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales"... dans lequel il serait étonnant qu'il ne soit pas question de compétences. Car au-delà de préoccupations liées, par exemple, à la lisibilité pour le citoyen, c'est bien parce que les ressources se raréfient que la problématique "rationalisation" - avec, notamment, la chasse aux financements croisés - trouve aujourd'hui un tel écho.
Pour éviter les financements croisés, les réformes de pure gestion, comme celles qui était au centre du rapport de Pierre Richard, ne sont plus vraiment au coeur du débat actuel, même si l'on continue par exemple à discuter d'une éventuelle obligation pour la collectivité maître d'ouvrage de financer un pourcentage minimal de son projet. Les interrogations portant maintenant sur les structures elles-mêmes. Avec, c'est évident, un faisceau plus particulièrement dirigé vers le département. Car si la solution radicale de la commission Attali a rapidement été écartée, elle a probablement réouvert une brèche.

 

L'option "soft" : la voie contractuelle

En tout cas, la suppression de la clause générale de compétences dont bénéficient les départements est envisagée. Certains présidents de départements font valoir que sans cette clause, ils ne pourraient plus, par exemple, voler au secours des communes en difficulté. Mais d'autres élus de poids militent depuis fort longtemps pour cette suppression, tel le coprésident de l'Institut de la décentralisation, Jean-Pierre Balligand. Hasard de calendrier ou pas... celui-ci rendra le 8 octobre, en tant que député rapporteur d'une mission d'information sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités, son rapport intitulé "Investissement public local et maîtrise de la dépense publique".
Qu'est-ce qui accompagnerait cette suppression de la clause générale de compétence ? Selon le sénateur Alain Lambert, elle signifierait a minima le renforcement de la notion de chef de file. L'idée de mettre en place des schémas directeurs précis ayant un caractère obligatoire - et homogènes sur l'ensemble du territoire - est loin de satisfaire les associations d'élus. L'ADF, lors de sa récente audition par la mission parlementaire, souhaiterait que l'on se contente d'imposer à chaque niveau de collectivités de contractualiser avec les autres niveaux. Une version "soft" en somme.
Cette voie contractuelle est également celle que privilégie Adrien Zeller, l'autre coprésident de l'Institut de la décentralisation, qui a pour sa part élaboré une proposition de réforme - devenue proposition de loi  portée par les sénateurs Haenel et Grignon - qui prévoit de mettre fin aux interventions simultanées de la région et du département sur un même objet, soit par le renoncement de l'un des deux niveaux, soit par la conclusion d'une convention organisant le partage des rôles.

 

Couples fusionnels...

Une autre piste (alternative ou consécutive, selon les scénarios...) consisterait à la constitution de couples "quasi-fusionnels" entre communes et intercommunalités ainsi qu'entre départements et régions. "Entre le département et la région, il s'agit, dans un premier temps, d'approfondir la coopération, pour arriver à terme, à défaut de fusion, à une très forte intégration", expliquait ainsi Alain Lambert en janvier dernier.
On toucherait alors, non plus seulement aux compétences, mais aux assemblées elles-mêmes et à leurs élus. Sur ce terrain, deux propositions de loi UMP identiques ont été déposées au cours de la précédente session parlementaire. L'une à l'Assemblée en février, signée Jean-François Mancel et Jérôme Bignon, l'autre au Sénat en juin, signée Charles Pasqua. Si ce texte était resté plutôt discret, il semble subitement redevenir d'actualité. Son objet est clair : "confier à des conseillers territoriaux le soin d'assurer à la fois le mandat départemental et le mandat régional. Au chef-lieu de département, ils régleront par leurs délibérations les affaires départementales et les affaires régionales au chef-lieu de région, en lieu et place des conseillers régionaux." Et les parlementaires de préciser : "Naturellement, ils procéderont rapidement à une harmonisation des politiques et à une unification des administrations." De la clarification à la fusion... et de la fusion jusqu'à la suppression ?

Claire Mallet et Clémence Villedieu