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Mobilités - De la loi Notre au covoiturage, les autocaristes au carrefour de multiples enjeux

Enjeux de gouvernance et relations aux autorités organisatrices, difficultés de recrutement et modèle économique des "cars Macron" : le congrès organisé le 14 novembre par la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) a fait le plein de participants et convié à témoigner des représentants d'élus et patrons d'entreprises.

Une réforme est à peine digérée qu'une autre approche. Plus de trois ans après sa promulgation, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) fait encore sourciller bien des acteurs du transport routier de voyageurs. En confiant les transports interurbains et scolaires aux régions, avec la possibilité d'une délégation donnée aux conseils départementaux, c'est tout un mécanisme qui a été mis en branle. "Le précédent modèle était ahurissant, des lignes entre elles se concurrençaient, des cars roulaient à vide, sans connexion aux gares. Désormais entre l'organisation des lignes routières régulières de transport de voyageurs et celles de transport scolaire, nous pouvons enfin optimiser et rationaliser les schémas de transport", assume sans regret le président de Régions de France Hervé Morin. Le passage de relais, comme annoncé (voir notre article du 1er septembre 2017), ne s'est pas fait sans heurt : "Leur bascule sous la coupe des Régions s'est traduite par une forte diminution de l'offre : certaines lignes du transport à la demande ont tout bonnement disparu", relate Dominique Bussereau à la tête de l'Assemblée des départements de France (ADF).

Un millier d'emplois non pourvus

L'un des enjeux pour les Régions était de trouver le bon niveau de délégation des transports scolaires en s'appuyant sur les acteurs locaux et la proximité. Mais selon Dominique Bussereau, seulement deux régions, l'Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes, se sont emparées de la possibilité de déléguer aux départements cette nouvelle responsabilité nécessitant un fort ancrage local et une relation de proximité : "Il faut dire que certains départements ont refusé net de le faire". En réorganisant des réseaux par une mise en concurrence tout en privilégiant l'allotissement, du détricotage est déploré. Par exemple par la filiale SNCF Keolis en Charente-Maritime où, "en combinant transport interurbain et scolaire sur l'ex-réseau de lignes Les Mouettes, fraîchement remplacé par Transports Nouvelle-Aquitaine, nous parvenions jusqu'alors à garantir des pleins temps aux chauffeurs mais face à cette logique d'allotissement et d'acheteur, le risque est de tirer les prix et le service vers le bas, non sans conséquences sociales", raconte Jean-Pierre Farandou, PDG de Keolis.
 Or le secteur du transport routier de voyageurs se porte mal : "La rentrée scolaire ne s'est pas bien passée. Nous souffrons d'un manque d'attractivité et de lourds problèmes de recrutement, avec un millier d'emplois non pourvus et une généralisation du temps partiel", martèle Jean-Sébastien Barrault, président de la FNTV. Le ministre de la Transition écologique François de Rugy promet d'y travailler avec ses homologues Élisabeth Borne (Transports) et Muriel Pénicaud (Travail). L'organisation des lots par les services régionaux et ses effets sur l'organisation et l'exécution des services font l'objet de travaux en cours entre la FNTV et Régions de France. A la clé, un guide des bonnes pratiques de contractualisation. Les transporteurs souhaitent que s'achève la tendance aux contrats courts. "Nous en avons besoin le temps de réorganiser les choses et pour ne pas se laisser enfermer dans des schémas", répond Hervé Morin. "Nous veillons à ce que ces lots soient pertinents", appuie Martine Guibert, vice-présidente en charge des transports de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

La LOM : surprises ou déceptions ?

La réduction des zones blanches de la mobilité qui ne sont pas couvertes par une autorité organisatrice est un enjeu de taille qui sera débattu lors de l'examen parlementaire du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) en 2019. "Au vu du contexte actuel, la LOM n'a pas le droit de décevoir. Ma crainte, c'est que certaines intercos auxquelles reviendra la gestion des transports de proximité n'aient pas les moyens de le faire. En l'état actuel du texte, elles n'auront pas la possibilité d'associer les départements", témoigne Dominique Bussereau. Quant à la maille régionale, elle paraît trop large et éloignée des besoins concrets de petites autorités organisatrices. "La LOM veut permettre des expérimentations dans les zones peu denses. Sur le modèle des agences d'urbanisme, il y a peut-être intérêt à créer des agences d'ingénierie pour aider les intercommunalités à gagner en moyens techniques et financiers", suggère Jean-Pierre Farandou. "Nous mobiliserons les nouvelles agences techniques départementales (ATD) sur le sujet", complète Dominique Bussereau.

Cars Macron et Blablacar

Interrogé lors du congrès sur les "cars Macron", François de Rugy a rappelé qu'à l'époque des débats parlementaires sur la "loi Macron", les autocars étaient vus comme "anti-écologique". Deux des trois opérateurs de ce marché desservant aujourd'hui 280 villes en France, FlixBus et Ouibus (SNCF), ont fait un point sur ces services de transports par autocar sur longue distance libéralisés en 2015 par le ministre de l'Économie d'alors. Le premier, leader européen, ne possède aucun bus en propre, s'appuie sur des partenaires autocaristes, pointe les difficultés persistances d'accès aux aménagements et cherche à améliorer le taux de remplissage des cars. "Avec la distribution, c'est le nerf de la guerre dans un contexte de modèle économique fragile", reconnaît son concurrent le directeur général de Ouibus Roland de Barbentane.
 Ouibus a beau être déficitaire, coup de théâtre dans ce secteur : il va être cédé au... leader du covoiturage Blablacar ! "Nous voulons donner un coup d'accélérateur au bus longue distance, en France et à l'international", explique Nicolas Brusson, directeur général de ce fleuron français de l'économie dite de plate-forme qui part de l'usage, des requêtes (parfois sans réponse) et millions de données fournies par ses utilisateurs (Blablacar revendique 50 millions de passagers au niveau mondial). Et de conclure : "Nous avons testé la complémentarité car + covoiturage en Russie, où cela a très bien marché. Le covoiturage n'en reste pas moins un animal très différent du bus. L'intégration des offres de bus à notre plate-forme représente un travail techniquement complexe, qui n'aboutira pas avant mi voire fin 2019."

 

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