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Décentralisation : les communes nouvelles, l'exemple à suivre ?

Dans l'éventualité de la mise en œuvre d'une nouvelle étape de la décentralisation qu'elle appelle de ses vœux, l'Association des maires de France (AMF) estime que la commune nouvelle est un modèle dont il faut s'inspirer. Ses responsables ont martelé le message à l'occasion de la cinquième Rencontre nationale des communes nouvelles. Une journée au cours de laquelle les maires ont aussi plaidé en faveur de la "commune-communauté".

Initiée par les élus locaux eux-mêmes dans le but de rendre un meilleur service de proximité, la commune nouvelle est une idée qui doit inspirer l'exécutif et le législateur dans le cadre de la sortie du Grand Débat et la perspective d'un éventuel "acte 3 de la décentralisation". C'est en substance le message qu'ont adressé les participants à la cinquième Rencontre nationale des communes nouvelles organisée le 4 avril à Paris par l'Association des maires de France (AMF).

Les communes nouvelles donnent "la capacité de recapter de la puissance politique" et répondent au désir que les Français ont exprimé dans les cahiers de doléances de voir le pouvoir local renforcé, a estimé Stéphane Beaudet, maire d'Évry-Courcouronnes (70.000 habitants), ville née du regroupement au 1er janvier dernier du chef-lieu de l'Essonne avec sa commune voisine. Créée par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 et revisitée par la loi du 16 mars 2015 "pour des communes fortes et vivantes" - laquelle serait "le seul texte de liberté promulgué depuis les lois de Defferre" - les communes nouvelles incarnent la décentralisation, s'est enthousiasmé pour sa part Vincent Aubelle, professeur à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. L'expert a dit en tirer "une immense leçon pour la suite de la décentralisation". Avec la commune nouvelle, on est déjà dans une démarche de différenciation", a quant à elle considéré Françoise Gatel, sénateur UDI. L'ancien maire de Châteaugiron a aussi déclaré refuser l'idée que la commune nouvelle devienne une collectivité à statut particulier.

Ici ou là, les débats avec la population sont houleux

La dernière-née des collectivités territoriales n'est ni "l'enterrement de la commune comme je l'entends parfois", ni "l'ennemie de l'intercommunalité", a-t-elle encore fait valoir. "Il faut que tout bouge pour que rien ne change", a-t-elle expliqué. En concluant que la commune nouvelle est "une commune d'avenir". Les maires qui ont témoigné ont également souligné qu'ils n'ont pas conçu les nouvelles entités "pour eux" mais bien dans le but d'être en mesure de délivrer les services publics attendus par les citoyens. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs témoigné de la façon dont le regroupement des communes a permis de conserver des services aux habitants, d'en améliorer la qualité, voire de proposer une nouvelle offre, et ce sans augmenter les dépenses.

Depuis 2010, plus de 2.500 communes ont ainsi été réunies pour créer 777 communes nouvelles, dont 97% sont nées à partir du 1er janvier 2016. "En cinq ans, on est allé plus vite et plus loin" que la loi Marcellin de 1971 sur les fusions de communes, s'est réjoui Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou (Maine-et-Loire). "C'est un très beau succès", a pour sa part estimé Christine Pires Beaune, député socialiste, auteur - avec l'ex-président de l'AMF, Jacques Pélissard - de la loi du 16 mars 2015, un texte dont elle a vanté "la souplesse". Mais alors que les communes nouvelles se sont beaucoup développées dans le quart nord-ouest – des "terres démocrates chrétiennes qui avaient déjà été précurseurs en matière d'intercommunalité", selon Vincent Aubelle –, elles demeurent en faible nombre, voir totalement absentes dans d'autres zones, comme le pourtour méditerranéen. Là, les maires et les habitants sont encore "réfractaires", a témoigné Jean-Luc Bergeon. Le maire d'Entre-Vignes, la première commune nouvelle héraultaise à voir le jour - c'était au début de cette année - garde un très mauvais souvenir de la réunion d'information sur le projet. En raison d'une opposition acharnée de la part d'une partie de la population, celle-ci a dû se tenir en présence des gendarmes.

Proposition de loi Gatel : discussion "en juin" à l'Assemblée

Dans un tel climat, les communes nouvelles vont-elles encore gagner du terrain ? On peut s'interroger. D'autant qu'à l'approche des élections municipales, des candidats prennent pour cible les maires des communes nouvelles et appellent à ce que "des têtes tombent", regrette Jean-Luc Bergeon. Pour autant, le prochain scrutin offre l'occasion de proposer de nouveaux projets devant les électeurs. Ce qui rend les élus locaux optimistes. "Le prochain mandat sera celui de la commune nouvelle", a par exemple affirmé Christian Bilhac, maire de Péret (Hérault) et coprésident du groupe de travail en charge de ce dossier à l'AMF.

Autre raison de la confiance affichée par les partisans de la commune nouvelle : un certain nombre des freins qui subsistent pourraient être levés grâce à la proposition de loi "visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires", que le Sénat a adoptée en première lecture le 11 décembre dernier. Le texte permettrait notamment aux communes nouvelles de ne pas voir leur effectif de conseillers municipaux chuter trop brutalement au cours du prochain mandat. Alors que des listes commencent à se constituer en vue des élections municipales, il est "urgent" que celles-ci sachent combien de candidats elles doivent réunir et, donc, que la proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ont plaidé les participants. La majorité va essayer d"'inclure" la proposition de loi "dans le calendrier du mois de juin prochain", a précisé à ce sujet Nicole Dubré-Chirat, rapporteur (LREM) à l'Assemblée nationale. En cas de vote conforme - une éventualité qu'elle n'a pas exclue - le texte serait adopté au Parlement "avant l'été".

Commune-communauté : un temps de retard ?

Sur ce sujet, Françoise Gatel a mis en garde les députés contre la tentation d'extraire du texte sa proposition-phare, la création de la commune-communauté. Avec la mesure, une commune nouvelle issue de la fusion de toutes les communes membres d'une intercommunalité à fiscalité propre serait dispensée de se rattacher à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le gouvernement n'y est pas défavorable, mais à la condition de ne pas "déclencher une nouvelle refonte de la carte intercommunale", a précisé le directeur général des collectivités locales, Bruno Delsol, en clôturant la rencontre.
Selon les élus présents, la commune-communauté pourrait inciter à la création d'autres communes nouvelles et permettre de remobiliser des conseillers municipaux, nombreux à avoir montré des signes de démotivation ces dernières années. Ceux-ci se sont en effet sentis mis à l'écart d'une intercommunalité devenue le moteur de l'action publique locale. La commune-communauté n'est ni "un nouveau machin", ni "une feuille de plus dans le millefeuille", a jugé François Baroin, président de l'AMF, qui a rappelé "l'entier soutien" de l'association à cette idée. "Le fait intercommunal ne peut s'inscrire dans la durée que sur une base volontaire", a encore souligné le maire LR de Troyes.
S'ils en avaient eu la possibilité avant la refonte de la carte intercommunale du 1er janvier 2017, de nombreux élus locaux auraient opté pour la commune-communauté, a assuré un expert du cabinet Stratorial, en charge d'une étude pour l'AMF. D'après des témoignages qu'il a recueillis, le nouveau type d'organisation porté par la proposition de loi Gatel verrait donc le jour "probablement trop tard".

Avec Territoires Conseils, une étude sur les impacts financiers

Territoires Conseils était partenaire de cette cinquième Rencontre nationale des communes nouvelles, dans le cadre d'une "taskforce" mise en place sur le sujet avec l'AMF dès 1995. L'AMF et Territoires Conseils mènent ainsi actuellement une étude monographique qui permettra de mesurer les impacts de la création des communes nouvelles sur le plan financier. Territoires Conseils continue en outre d'accompagner sur le terrain les élus sur le terrain – un accompagnement particulièrement d'actualité à l'heure où nombre d'élus réfléchissent à la création d'une commune nouvelle en vue du prochain mandat.

Parmi les derniers documents en date consacrés par Territoires Conseils aux communes nouvelles :