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Déchets ménagers : les opérateurs prônent une sortie du maquis fiscal

Les débats entre élus et opérateurs du secteur des déchets ménagers auxquels ont donné lieu la conférence organisée à Paris le 27 novembre ont pris une dimension particulière dans le contexte d'examen parlementaire du projet de loi sur l'économie circulaire. Tous témoignent de difficultés à gérer ce sujet houleux et plombé par une fiscalité incomprise.

Pour l'agence Aromates qui organisait le 27 novembre une conférence sur le traitement des déchets ménagers, c'est "un sujet qui fâche d'autant plus que l'étau des contraintes fiscales se resserre" : "Les collectivités perçoivent l'application sans discernement de la TGAP comme une double peine. Dans le contexte d'examen parlementaire du projet de loi anti-gaspillage (passé en commission, ce texte sera examiné en séance publique l’Assemblée nationale à partir du 9 décembre, ndlr), les attentes de rétablissement d'un traitement équitable sont fortes."

Des CSR en renfort

Face à la saturation des centres d’enfouissement et au durcissement des règles de mise en décharge (progression de la TGAP jusqu'à 65 €/t en 2025), mais aussi au problème des territoires sous-dotés en capacité d'incinération, la solution défendue par les industriels présents consiste à réindustrialiser le tri tout en misant sur une politique privilégiant les combustibles solides de récupération (CSR). Issus de gisements hétérogènes (encombrants, déchets industriels, refus de collecte sélective), ces CSR, fabriqués dans des unités spécifiques à partir de flux ayant fait l’objet d’une valorisation matière maximale, induisent une haute performance du tri réalisée en amont. Pour Philippe Maillard, directeur général adjoint de Suez, "si on veut que 50% des déchets en moins soient enfouis, 8 millions de tonnes doivent quitter les décharges, il faut une vraie filière CSR".

Problème : une insécurité juridique pénaliserait, depuis la loi de transition énergétique, la création de grosses installations dédiées. La loi Économie circulaire corrigera-t-elle cet écueil ? "Pour qu'elle ait l'impact souhaité, il faut aussi qu'elle enclenche des mécanismes public-privé afin de mieux valoriser la matière recyclée et l'aider à devenir plus compétitive que la matière vierge", argumente la députée (LREM, Allier) Bénédicte Peyrol. Pour que l'enjeu du traitement des déchets interpelle les politiques territoriales "sans plus être une variable d'ajustement", Nicolas Soret, défendant les positions de l'Association des maires de France (AMF), conseille pour sa part d'ouvrir la réflexion sur ces sujets techniques et de créer "un élan commun" en associant un maximum d'acteurs "dont les associations de consommateurs". Dans l'Yonne, où il préside une interco, il estime que "le regard change sur les élus qui s'en saisissent et que l'enjeu remonte dans les priorités des politiques territoriales".

Retour à la base

Thomas Lesueur, commissaire général au développement durable et représentant l’État, insiste sur le rôle de facilitateur joué par ce dernier, "entre acteurs au sein d'un même territoire, afin de donner notamment accès aux mécanismes de financement". Tandis que selon le député (LREM, Moselle) Ludovic Mendes, l'échelon départemental serait le bon pour mieux planifier les sites de valorisation, le député (Libertés et Territoires, Bouches-du-Rhône) François-Michel Lambert souhaite voir les régions réaliser des schémas, "pilotés sous l'angle économique", sur l'économie circulaire et la gestion des déchets pour éclairer les citoyens.

"Car à trop marteler que le déchet est une ressource, on oublie de dire que son traitement a un coût, qui repose sur la collectivité et le contribuable. Taire la réalité n'est pas bon, en vérité nos filières s'écroulent, y compris pour le recyclage du papier, dans l'indifférence générale", alerte Martial Lorenzo, directeur général des services du Syctom. Ce syndicat mixte pèse pour la moitié des volumes en jeu dans le plan francilien de prévention de gestion des déchets, en passe d'être adopté. "Nos dix unités de traitement sont volontairement en sous-capacité car nous agissons en amont pour réduire les flux et améliorer le tri", complète son président, Jacques Gautier.

Une fiscalité qui avance masquée

Le besoin de réinventer une fiscalité favorable au recyclage semble ne pas pouvoir attendre. "C'est plus urgent que la consigne, mesurette qui dévie le débat et récréée une taxe", éreinte Stéphane Leterrier, directeur général adjoint de Paprec. La filière reviendra à la charge, les dispositions fiscales en cours restant insuffisantes à ses yeux, à travers des amendements souhaités au projet de loi économie circulaire ou plus vraisemblablement à la prochaine loi de finances. Notamment sur la modulation de la TGAP sur les refus de tri et la valorisation énergétique des CSR. "Pas certain que cela passe, quand nous avions proposé de moduler la TGAP incinération, qui pèse 30 millions d'euros par an au Syctom, en fonction d'efforts déjà accomplis, la tentative avait échoué sur les falaises de Bercy", relate Martial Lorenzo.

Un expert applaudi par la salle, l'enseignant à AgroParisTech Guillaume Sainteny, plaide aussi pour une fiscalité verte "moins instable, pas que de rendement ou budgétaire mais plus incitative". De complexe, elle est devenue opaque, s'accordent à dire les intervenants, "car on n'a pas fait de choix clair en France mais empilé des outils, pas forcément conçus au départ comme des outils de fiscalité écologique, c'est le cas avec la Teom", cite Bénédicte Peyrol. "Il n'y a plus de pilote dans l'avion et sur la TGAP, l'insécurité juridique est réelle pour les entreprises. On demande des outils, des rescrits fiscaux mais l'administration ne veut plus rien écrire. On est à un moment charnière, s'il faut stabiliser, c'est maintenant qu'il faut agir", presse l'avocat environnementaliste Yvon Martinet.