Entente anticoncurrentielle et allotissement : l'Autorité de la concurrence sanctionne
L’Autorité de la concurrence a publié ce 21 février une décision sanctionnant une entente anticoncurrentielle. Plusieurs entreprises appartenant à un même groupe se sont vu infliger des sanctions pécuniaires. Elles s’étaient concertées avant de déposer chacune des offres individuelles.
En l’espèce, la Société martiniquaise de HLM (SMHLM) et la société Ozanam, deux bailleurs sociaux, avaient formé un groupement de commandes pour la passation d’un marché public local relatif à l’entretien d’espaces verts en Martinique. 23 lots étaient en jeu pour un montant total de deux millions d’euros. Dans son règlement de consultation, le pouvoir adjudicateur avait cependant limité à cinq le nombre de lots qu’une entreprise pouvait remporter.
Quatre entités d’un même groupe, le groupe Fontaine, avaient présenté des offres à titre individuel. Deux de ces entreprises ont remporté trois lots. Elles ne dépassaient donc pas le quota imposé par les bailleurs sociaux.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a toutefois décidé de mener son enquête sur ces candidatures. Cette investigation a permis de constater que ces entreprises avaient présenté des offres distinctes alors qu’elles s’étaient concertées pour les élaborer, et ce afin de contourner la limitation du nombre maximal de lots attribués à une entreprise. Les entreprises du groupe Fontaine avaient en effet coordonné leurs offres dans le but d’obtenir 20 lots sur les 23 mis en jeu.
Pour sanctionner cette entente anticoncurrentielle (article L. 420-1 du code du commerce), la DGCCRF a proposé une transaction mais les sociétés ont refusé.
Saisie par le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, l’Autorité de la concurrence a donc tranché cette affaire.
Des comportements sanctionnés
De nombreux éléments ont permis à l’Autorité de la concurrence de caractériser l’entente anticoncurrentielle.
Pour rappel, plusieurs entreprises appartenant à un même groupe peuvent tout à fait candidater à un même marché public. Soit elles renoncent à leur autonomie commerciale et se concertent pour déterminer quelle entreprise est la mieux placée pour répondre à l’appel d’offres. Soit elles répondent de manière individuelle, à condition de ne pas s’être concertées pour établir leurs offres.
En l’espèce, des analogies de forme entre les offres des sociétés du groupe Fontaine ont tout d’abord été relevées. En effet, on retrouvait dans les offres "la même graphie, la copie de paragraphes entiers, l’utilisation du même vocabulaire et des mêmes illustrations [...]". Le contenu des offres a également permis d’identifier cette entente anticoncurrentielle. Il s’est effectivement avéré que les offres tarifaires des entreprises étaient corrélées par des coefficients de majoration. Pour chaque lot, l’une des entreprises proposait le meilleur prix parmi celles du groupe et les autres appliquaient alors un pourcentage de majoration donné, proposant ainsi un prix plus élevé.
Enfin, une audition a permis de révéler que toutes les offres avaient été élaborées par le service "marchés" du groupe. Des employés ont témoigné avoir "évalué les heures d’intervention pour l’ensemble des lots et pour les quatre entreprises du groupe" ou encore avoir "exceptionnellement fixé les prix pour les quatre entreprises du groupe Fontaine".
Dès lors, l’entente anticoncurrentielle ne pouvait plus être démentie. Les sociétés en cause ne l’ont d’ailleurs pas contesté, indiquant que cette coordination des offres "était nécessaire pour surmonter les difficultés financières" de l’une des filiales.
Confirmant que la pratique en cause était bien une entente anticoncurrentielle, l’Autorité de la concurrence a condamné trois des sociétés du groupe à un montant total de 80.000 euros.
Référence : décision n° 18-D-02 du 19 février 2018.