Autour de Rennes, la gestion publique de l'eau potable convainc les petites communes (35)

La Collectivité eau du bassin Rennais prend en charge la compétence eau, du captage au robinet, pour 75 communes du Bassin Rennais. Dix ans après la création de cette structure, la gestion de l’eau est devenue totalement publique et le bilan est concluant : prix maîtrisé, compétence et technicité renforcées, proximité et lisibilité vis-à-vis des usagers, rendement optimisé des réseaux et capacité prospective nouvelle. 

Dix ans après son entrée dans la Collectivité eau du bassin Rennais (CEBR), Pascal Pineau, maire de La Chapelle-Chaussée (1 300 habitants), reste convaincu de son choix. « Face au peu d'argent investi dans le renouvellement de notre réseau et au manque de transparence dans la gestion de notre délégation de service public, le conseil municipal avait décidé sans hésitation de rejoindre Rennes métropole et la nouvelle Collectivité eau du bassin Rennais. Le prix du mètre cube d’eau a baissé, des tarifications sociales pleines de bon sens profitent à nos habitants et tous les réseaux du bourg ont été remis à neuf. »

Le choix du tout public

La décision est prise en 2015. Le Syndicat mixte de production d’eau potable du bassin Rennais se transforme en accueillant Rennes métropole et cinq communautés de communes. La compétence eau est transférée à une nouvelle entité : la Collectivité eau du bassin Rennais (EBR), qui réunit dans sa gouvernance les élus des 56 communes et membres. Elle devient alors l’autorité organisatrice du service de l’eau, compétente pour protéger la ressource, produire et distribuer l‘eau. CEBR crée une société publique locale (SPL) pour proposer aux maires une exploitation publique du service de l’eau. Et ça marche ! Progressivement, les élus de la CEBR décident, lors de la fin des contrats de délégations de services publics, de transférer la gestion de l’eau à la SPL. Au 1er janvier 2025, la SPL est l’unique opérateur du service public de la CEBR. 

Un principe de solidarité urbain-rural 

En principe, avec une forte densité d’habitants par kilomètre de réseau, les habitants des grandes villes profitent d'un prix de l’eau plus attractif. « En 2015, la ville de Rennes proposait un prix de l'eau à moins de deux euros du mètre cube pour une facture type de 120 mètres cubes, quand les plus petits syndicats d'eau étaient généralement entre 2,75 euros et 3 euros le mètre cube », confirme Véronique Meury, responsable du pôle tarification à la CEBR. La Collectivité a étendu le modèle rennais à tout le territoire, avec une convergence progressive des tarifications des 25 anciennes autorités organisatrices vers un prix cible, fixé à 2,70 euros du mètre cube, atteint en 2024 pour les 56 communes d'origine. « Nous avons institué des tarifs progressifs par tranches pour les abonnés directs et la gratuité des 10 premiers mètres cubes ». Un écrêtement « famille nombreuse » permet d'atténuer la progressivité par tranche et une « allocation eau » est accordée aux titulaires de la complémentaire santé solidaire (ex CMU-C). « Depuis quelques années, 20 euros sont automatiquement versés aux allocataires : nous touchons ainsi 87 % des bénéficiaires potentiels, contre 60 % quand les bénéficiaires devaient solliciter cette aide. »

Un renouvellement conséquent des réseaux

« Notre SPL ne fait pas de bénéfice, cela signifie que les ressources dégagées sont utilisées pour investir sur le renouvellement des réseaux ou l’ingénierie », souligne Pascal Hervé, président de la SPL EBR. Désormais, 1,25 % du réseau est remplacé chaque année, ce qui permettra une remise à neuf totale du réseau en 80 ans. « Nous renouvelons environ 55 kilomètres par an, avec, comme priorité, les secteurs à faible rendement ou ceux qui ont connu des casses de canalisations anciennes, précise Cédric Ducruix, responsable du pôle distribution à la CEBR. Un accord-cadre avec 10 entreprises nous permet de profiter de prix intéressants au vu des volumes que nous proposons. » La Collectivité fixe un seuil maximum de 8 % de fuites par an à la SPL. Auparavant, les délégataires privés n'avaient aucun intérêt à améliorer le réseau, une fois le taux de rendement cible atteint, puisqu'ils étaient payés au mètre cube vendu. « Pour chaque reprise de délégation de service public, l’année qui suit, nous avons constaté une progression automatique de 3 % du taux de rendement, grâce au travail de recherche de fuite et de réparation de la SPL ! , note le responsable distribution. Nous avons aussi gagné en technicité, en expertise juridique et en conseil, les anciens syndicats d’eau n'ayant parfois qu'un ou deux salariés pour répondre aux demandes des communes. » 

La proximité avant tout

Analyser la couverture défense incendie est l'un des nouveaux services proposés par la CEBR : « c'est pour nous une information essentielle, opposable aux demandes de permis de construire », souligne Pascal Pineau. La petite commune de La Chapelle-Chaussée a bénéficié de la première vague de diagnostics communaux de couverture défense incendie, accompagné d’un plan d'action à 15 ans. Mais quid alors de la proximité de ce « mastodonte » de 75 communes ? « Aucune dégradation du service de ce côté-là », rassure le maire. « Nous nous attachons à garder une proximité forte avec toutes les communes », explique le responsable du pôle distribution, qui pilote une équipe de 6 référents géographiques, un pour 15 communes environ. Depuis le 1er janvier 2025, la SPL a créé deux antennes de proximité, en plus de son siège rennais. « Au vu de tous nos résultats, de nouvelles collectivités nous ont ainsi rejoints en 2020, après la loi Notre, et sept nouvelles communes s’apprêtent à intégrer le périmètre de la Collectivité, fin 2025 », note le président de la SPL. Et d’ajouter : « l’eau potable est un enjeu majeur et nous travaillons avec l'Université de Rennes pour mieux anticiper les impacts du réchauffement climatique sur la disponibilité de notre ressource, constituée à 80 % d'eau de surface ». 

L'enjeu de la ressource en eau 

La CEBR et la SPL se sont engagées à ne pas augmenter la quantité d'eau produite dans les prochaines années, malgré une hausse de la population, en s’appuyant sur le programme Ecodo qui décline les économies d’eau à toutes les étapes, de la production à la distribution. Mais à l'heure où les traitements pour potabiliser l'eau sont de plus en plus lourds, le prix du mètre cube risque d'augmenter au fil des ans. « Garder l'exigence et la compétitivité en situation de monopole, c’est un enjeu majeur pour l'avenir », reconnaît le responsable du pôle distribution. Et le maire de la Chapelle-Chaussée de conclure : « nous avons pu faire installer une borne-fontaine dans un village du Togo avec lequel nous sommes jumelés. Nous n'aurions jamais pu financer seul ce projet à 30 000 euros. C'est ça aussi l'effet levier de la CEBR : une capacité nouvelle de solidarité internationale avec des territoires moins bien dotés en eau que nous ! »

L’Eau du Bassin Rennais en quelques chiffres

  • 26,8 millions de mètres cubes d'eau produits par an
  • 42 mètres cubes par an : consommation moyenne domestique par habitant (contre 54,6 mètres cubes, sur l’ensemble du territoire français)
  • 4 615 kilomètres de réseaux de distribution d'eau.
  • 55 kilomètres de réseaux de distribution d'eau renouvelés par an, pour un montant moyen de 10 millions d’euros
  • 91,3 % de rendement du réseau de distribution
  • 161,92 euros : facture type pour une consommation de 60 mètres cubes (326,99 euros pour 120 mètres cubes)
  • Gratuité des 10 premiers mètres cubes, 2,45 euros le mètre cube entre 11 et 50 mètres cubes, 2,61 euros le mètre cube entre 51 et 100 mètres cubes, 3,02 euros le mètre cube entre 101 et 150 m3, 4,55 euros le mètre cube  au-delà de 151 mètres cubes. Ces prix sont appliqués dans les 56 communes entrées en 2015. Les 19 communes ayant rejoint la Collectivité en 2021 sont en phase d'harmonisation, la convergence se terminera fin 2028.
  • 20 euros : montant de l'allocation eau versée à 16 600 bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (ex CMU-C)

Collectivité eau du bassin Rennais

Anne-Marie Aquilina

Directrice générale adjointe

Voir aussi

Découvrez nos newsletters

  • Localtis :
    Propose un décryptage des actualités des collectivités territoriales selon deux formules : édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques.

  • Territoires Conseils :
    Recevez tous les quinze jours la liste de nos dernières publications et l'agenda de nos prochains rendez-vous.

S'abonner aux newsletters