Financements de l’UE aux ONG : la Cour des comptes européenne déplore le manque de fiabilité des informations, quand elles existent

L'Union européenne a accordé environ 7,4 milliards d'euros à un grand nombre d'ONG entre 2021 et 2023, mais l'utilisation de ces fonds n'est pas suffisamment transparente, juge la Cour des comptes européenne. Aucune vérification n’est effectuée pour savoir si les pouvoirs publics exercent une influence au sein des ONG, pointe-t-elle.

"La Commission reconnaît que, dans certains cas, les programmes de travail soumis par les ONG et annexés aux accords de subventions contenaient des actions de plaidoyer spécifiques et des activités de lobbying indues." Après le scandale du Qatargate (lire notre article du 16 décembre 2022), la Commission vient de nouveau de faire acte de contrition, ce 1er avril, dans une déclaration officielle relative au programme Life impliquant une fois encore des organisations non gouvernementales. Ce plaider coupable est cette fois la conséquence de la mise au jour, par le Parlement européen, en janvier, d’un "lobbying fantôme" exercé par la Commission sur certaines députés européens en faveur du Pacte vert, via des ONG que Bruxelles finance par ailleurs. "Est-ce un incident circonscrit au programme Life ?", interrogeait le député Dirk Gotlink, le 22 janvier dernier, en s’adressant à Ursula von der Leyen. C’est possible, mais rien n’est moins sûr, à en croire un rapport spécial que vient de consacrer la Cour des comptes européenne sur la transparence des financements accordés par l’UE à des ONG. Au terme de ses investigations, cette dernière conclut en effet "qu’il n’existe aucune vue d’ensemble fiable" en ce domaine. "Globalement, notre audit montre que [ces] financements […] n’étaient pas suffisamment transparents, même si nous avons observé des améliorations à cet égard de puis notre rapport spécial précédent de 2018", précise-t-elle. Motif de consolation pour certains, "au cours de la période 2021-23, les ONG ont perçu moins de 4% des financements accordés […] par l’UE pour les politiques examinées", retrace la Cour. C'est tout de même une manne de 7,4 milliards d'euros.

Pas de suivi

Sur le fond, ses griefs sont multiples. La Cour relève en premier lieu que la notion même d’ONG n’est pas clairement définie, compliquant le suivi… quand il est possible. La Cour pointe ainsi le cas de la France, dont les autorités de gestion des programmes FSE+ et fonds Asile, migration et intégration (Fami) n’ont pu transmettre aucune donnée sur les montants engagés en faveur d’ONG, car elle "ne dispose d’aucune définition juridique pour les ONG qui exercent leurs activités dans le pays". Si la Cour remarque qu’"aucune exigence n’impose de rendre compte des paiements perçus [par des ONG] dans le cadre de la gestion partagée" (ce sera le cas à compter de 2028), il faut noter que la France est la seule, avec l’Allemagne, à ne pas avoir été en mesure de transmettre de telles informations. Quand il existe, la Cour juge que ce classement est par ailleurs souvent incorrect, incomplet et insuffisamment mis à jour. Pour preuve, plus de 25% de l’échantillon d’organisations qu’elle a contrôlées dans le cadre de la gestion directe "étaient indûment enregistrées en tant qu’ONG". Elle déplore encore que les autorités des États membres "n’assurent pas de suivi". "De manière générale", la Commission et ses différents organes "ne vérifient pas de manière proactive le respect des valeurs" de l’Union européenne par les ONG subventionnées, est-il ainsi observé. De même, la Cour souligne qu’"aucune vérification n’est effectuée […] pour déterminer si les pouvoirs publics exercent une influence par l’intermédiaire de leurs représentants dans les instances dirigeantes de l’ONG ou si des entités qui ont déclaré sur l’honneur être des ONG servent les intérêts commerciaux de leurs associés". De quoi donner du grain à moudre à l’heure où la Commission fait de la lutte contre les ingérences étrangères une de ses priorités.

 

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