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Sports - Grands équipements sportifs : les collectivités doivent faire baisser la pression

Le rapport sénatorial sur le financement des grands équipements sportifs appelle à plus de responsabilité de la part des collectivités, des clubs, de l'Etat et des fédérations. Les collectivités doivent notamment veiller à ne pas surdimensionner leurs infrastructures par rapport aux besoins réels de long terme.

En matière de grands équipements sportifs, les collectivités doivent se garder de la "folie des grandeurs". C'est avec cette formule sans ambages que Jean-Marc Todeschini a présenté, le 17 octobre dernier devant les commissions de la culture et des finances du Sénat, son rapport sur le financement des grands équipements sportifs, coécrit avec Dominique Bailly et mis en ligne le 6 novembre. L'idée d'orienter ses travaux de contrôle vers ce thème est venue au sénateur de la Moselle des difficultés posées par la participation du CNDS [Centre national pour le développement du sport] à la construction ou à la rénovation des stades de l'Euro 2016 de football. "La question centrale était alors celle-ci : que doit payer l'Etat, que doit payer le CNDS ?" s'est-il interrogé. Avant d'élargir sa réflexion : "L'essentiel des financements provient pour l'heure des collectivités territoriales. Les pressions qui s'exercent sur elles sont multiples."
La première partie du rapport, intitulée "Des pouvoirs publics sous pression", souligne les faits : la propriété publique des grands équipements sportifs demeure la règle quand 19 des 20 stades de Ligue 1 de football, 12 des 14 stades du Top 14 de rugby et la totalité des 18 salles utilisées en Pro A de basket appartiennent à une collectivité. Une situation qui trouve sa base juridique dans le second alinéa de l'article L. 100-2 du Code du sport, lequel pose le principe que "l'Etat et les associations et fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées".

"Une bonne approche" plutôt qu'un "modèle idéal"

Voilà donc les collectivités embarquées, parfois malgré elles, dans une aventure où elles sont sérieusement mises à contribution. D'abord pour l'organisation des grandes compétitions internationales, dont les cahiers des charges sont de plus en plus lourds. A titre d'exemple, celui de la Coupe du monde de football 1998 tenait en 15 pages tandis que celui de l'Euro 2016 en comporte 500 ! Ensuite pour la mise aux normes des équipements au gré de l'évolution des règlements des fédérations sportives nationales ou internationales. Et outre les normes obligatoires, les "incitations" à teneur commerciale – non obligatoires – sont légion depuis plusieurs années, par exemple à travers la "licence club" de football ou le "label stade" du rugby qui conditionnent une partie de la redistribution des droits télé aux clubs. Enfin, "la pression sur les pouvoirs publics provient souvent des clubs d'élite eux-mêmes, placés en situation de concurrence avec des rivaux européens en règle générale mieux lotis qu'eux".
Si la synthèse des situations observées et des difficultés rencontrées a mené les rapporteurs à écarter tout "modèle idéal", qui selon eux "n'existe pas", elle a fait émerger une "bonne approche", résumée en un mot, responsabilité : "Responsabilité des collectivités territoriales, qui ne doivent surtout pas décider de se doter d'équipements surdimensionnés dans l'atmosphère grisante d'un succès sportif […] ; responsabilité des clubs, qui doivent sortir du modèle 'paternaliste' à l'égard des collectivités […] et s'affirmer davantage en tant qu'acteurs économiques […] ; responsabilité de l'Etat, qui doit limiter ses financements à ce qui relève de son champ de compétences ; responsabilité des fédérations et des ligues, en tant qu'édictrices de normes et qu'organisatrices des championnats nationaux." Les propositions du rapport déclinent ce principe de responsabilité.

Garder la tête froide et se concerter

Elles s'adressent d'abord aux collectivités, auxquelles il préconise de proportionner la taille des infrastructures aux besoins réels de long terme du club utilisateur ; d'intégrer dans le débat public les conséquences pratiques et financières d'un scénario sportif pessimiste ; ou de faire prévaloir le principe de vigilance lors de la conclusion d'un contrat de type partenariat public-privé (PPP). Il leur est aussi demandé de faire émerger sur le terrain un "échelon modérateur", qui pourrait être la région, apte à porter un second regard sur le calibrage du projet avant son lancement, mais encore de procéder à des échanges réguliers sur les meilleures pratiques, par exemple au sein de l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes).
Ces propositions sont complétées par celles touchant aux relations entre collectivités et clubs professionnels : impliquer et intéresser davantage les clubs professionnels dans la possession ou l'exploitation de l'équipement ; à cette fin, permettre aux collectivités territoriales de soutenir financièrement les clubs pour la réalisation d'un projet privé ou l'acquisition en tout ou partie d'un équipement public (ce qui peut apparaître paradoxal si le but est de désengager financièrement les collectivités…) ; et enfin faire payer le "juste prix" de l'occupation ou de la concession.
Quant à l'Etat, les rapporteurs voudraient notamment le voir concentrer ses financements sur les seules enceintes destinées à l'accueil de grands événements internationaux, et assumer lui-même ce financement ou, au minimum, compenser intégralement le financement qu'il fait assumer à ce titre par le CNDS – les rapporteurs pointent ici les aides aux stades de l'Euro 2016 compensées à 75% par un prélèvement exceptionnel sur la Française des jeux, et dont un amendement rejeté de la loi de finances pour 2013 proposait de compléter le montant.
Ces propositions pourraient inspirer la rédaction de la loi-cadre sur la modernisation du sport, attendue début 2014. En suivant cette voie, Valérie Fourneyron, ministre des Sports, trouverait de nombreux soutiens au Sénat, tous bords confondus. Lors de la communication autour du rapport, les membres de la Haute Assemblée ont en effet démontré que le diagnostic et les propositions étaient largement partagés par les élus…

 

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