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La Cour des comptes épingle les conditions de la création de l'établissement public local Paris La Défense

Dans un référé rendu public ce 9 avril, la Cour des comptes juge précipitée la création de l'établissement public local Paris La Défense effective au 1er janvier 2018. Elle estime que les intérêts de l'Etat n'ont pas été respectés et que l'entretien et la rénovation des équipements publics ne sont pas garantis.

La Cour des comptes a rendu public ce 9 avril un référé adressé le 18 janvier dernier au Premier ministre sur la création de l'établissement public local Paris La Défense issu de la fusion de l'établissement public d'aménagement de la Défense Seine Arche (Epadesa) avec l'établissement public de gestion de la Défense (Defacto). "Si le retour à un établissement unique est bienvenu, la création précipitée au 1er janvier 2018 ne respecte pas les intérêts de l'État, ne garantit pas le nécessaire entretien des équipements publics et soulève d'importantes difficultés techniques", pointent les Sages de la rue Cambon.

Intérêts de l'Etat

Ils commencent par rappeler la "stratégie inconstante" de l'Etat qui a été notamment à l'origine d'un déficit d'entretien des infrastructures du quartier d'affaires. Mais si à leurs yeux le projet de création de l'établissement public local Paris La Défense n'appelle "dans son principe aucune observation", "la conduite du projet ne préserve pas les intérêts stratégiques et patrimoniaux de l'Etat". Les magistrats relèvent ainsi que l'Etat ne dispose d'aucun siège au conseil d'administration du nouvel établissement, composé presque exclusivement de représentants de collectivités territoriales et majoritairement de représentants du département des Hauts-de-Seine.
Surtout, alors que dans une conjoncture favorable aux ventes de droits à construire, l'Epadesa était propriétaire de biens évalués dans une fourchette de 0,76 à 1,18 milliard d'euros, le projet a prévu un transfert de ces biens au nouvel établissement en pleine propriété et à titre gratuit. "Cette dévolution gratuite (…) est seulement assortie d'une indemnité conditionnelle d'un montant théorique forfaitaire de 150 millions d'euros, non justifié et particulièrement éloigné de la valeur réelle des actifs cédés", note la Cour. Elle souligne aussi que le nouvel établissement a de surcroît bénéficié d'un transfert de propriété supplémentaire, celui des quelque 22.000 places de stationnement du quartier d'affaires, d'une valeur estimée entre 369 et 667 millions d'euros, sans avoir à s'acquitter de la moindre contrepartie. Autre point soulevé par la Cour : la possibilité donnée au nouvel établissement public local de créer des filiales "sans aucune restriction".

Rénovation des équipements publics

Les magistrats de la rue Cambon alertent par ailleurs sur la question de l'entretien et de la rénovation des équipements publics, en estimant que "l'Etat ne dispose plus à ce jour de la garantie d'exécution des travaux de sécurité indispensables et urgents par le nouvel établissement, ni des moyens d'imposer à 'Paris La Défense' de réaliser les investissements correspondants".
Enfin, la Cour souligne des "difficultés techniques" engendrées par la "création précipitée" du nouvel établissement. Outre une "adaptation des normes de la comptabilité publique locale", elle estime que le bilan d'entrée "va être rigoureusement impossible à établir à la date du 1er janvier 2018" car, selon les calculs qu'elle a effectués, "des dizaines de millions d'euros de biens, transférés à Defacto par l'établissement d'aménagement depuis 2008, n'ont fait l'objet d'aucune comptabilisation dans ses comptes et, de surcroît, leur valeur exacte n'est pas connue à ce jour ".

Pas de consultation préalable des collectivités

La création de Paris La Défense prévoyait de plus une consultation préalable des collectivités territoriales au sujet du "périmètre géographique des prérogatives du futur établissement". Mais l'ordonnance créant le nouvel établissement a été publiée sans que cette consultation ait été organisée. "En conséquence, la loi de ratification de l'ordonnance prévoit une phase de 'concertation' et de recueil de l'avis de ces collectivités dans les mois qui suivront la création du nouvel établissement : le nouvel établissement Paris La Défense va donc devoir démarrer ses activités dans une incertitude sur ses périmètres de compétence".
"Au vu de toutes les insuffisances du projet de fusion, la Cour avait, dans un rapport d'observations provisoires daté du 10 octobre 2017, recommandé aux administrations chargées respectivement de l'aménagement et du budget, de différer la fusion prévue au 1er janvier 2018 et d'en revoir les modalités, pour écarter le risque d'une opération précipitée sur des bases incertaines et fragiles, aux dépens des intérêts de l'État", indique le différé.
La fusion n'ayant pas été différée, la Cour recommande donc "de revoir les dispositions relatives à l'établissement public 'Paris La Défense', notamment les modalités de transfert des biens de l'Epadesa au nouvel établissement, afin de rétablir le contrôle stratégique de l'État sur les activités d'aménagement et de préserver les intérêts patrimoniaux de celui-ci".