La disparition du timbre rouge sous le feu des critiques

L'envoi de courriers prioritaires passe désormais par une procédure semi-dématérialisée. La Poste justifie cette décision par l'évolution des attentes des usagers. La complexité de ce nouveau système suscite de nombreuses interrogations au premier rang desquelles son accessibilité.

Depuis le 1er janvier 2023, le timbre rouge qui garantissait une réception du courrier le lendemain, (J+1 en jargon postal) a disparu. Il est remplacé par une procédure partiellement dématérialisée. Et si le timbre vert subsiste, son délai de délivrance passe à la même date de J+2 à J+3.

Courrier imprimé à destination

L'acheminement d'un courrier prioritaire passe désormais par une "e-lettre rouge" vendue 1,49 euros contre 1,43 euros pour le timbre rouge. L'usager doit rédiger ou scanner sa lettre manuscrite en passant par le site de La Poste, cette dernière se chargeant de le rematérialiser avant de le remettre à son destinataire. Seuls les courriers ordinaires, sur la base de trois pages, peuvent être ainsi envoyés. En d'autres termes, les feuilles de Sécurité sociale, chèques ou tout autre document officiel doivent être nécessairement envoyés par un autre moyen. Les personnes non équipées ou peu à l’aise avec le numérique sont invitées à se rendre dans le bureau de Poste le plus proche – le cas des agences communales n’est pas évoqué - pour réaliser la formalité avec l’aide d’un agent.

Moyens disproportionnés

La Poste justifie la suppression de ce service par "l’évolution des usages des clients", avec une diminution constante des volumes de courriers ordinaires, les Français envoyant en moyenne à peine 5 lettres prioritaires par an. Des volumes faibles qui mobilisent des "moyens complètement disproportionnés" au dire de La Poste. "Nous avons 3 avions quotidiens, 300 liaisons routières quotidiennes", a détaillé Philippe Dorge à nos confrères de France info le 30 décembre 2022. Le directeur adjoint de la branche courrier-colis ajoute que "le digital a capté les envois les plus urgents. Pour les envois courants, la lettre verte convient parfaitement".

Fracture numérique

Cette annonce a suscité de nombreuses critiques sur Twitter. Le sénateur Bruno Retailleau s’est inquiété "d’une e-lettre qui va pénaliser encore plus les Français qui vivent la fracture numérique". Le député européen Gilbert Collard a dénoncé la "fin du secret des correspondances". Des critiques balayées par la Poste. Philippe Dorge évoque ainsi l’équipement des facteurs en terminaux pour scanner les courriers à domicile. Quant à la confidentialité, elle serait "totale". Les courriers scannés ne resteront ainsi pas sur l’appareil des agents, la procédure d’impression et de mise sous pli étant réalisée "immédiatement dans des locaux sécurisés". Quant à l’envoi de documents non numérisables, les usagers sont voués à utiliser les lettres vertes ou un nouveau produit, la lettre "turquoise" acheminée en deux jours avec la possibilité d’un suivi.

Une fin annoncée ?

La disparition du timbre rouge n’est en fait pas réellement une surprise. La création du timbre vert en octobre 2011 avait déjà interpellé le régulateur en charge du contrôle du service universel postal. L'enquête administrative lancée par l'Arcep relevait que les acheminements prioritaires n’étaient plus proposés sur les machines automatiques ou dans les distributeurs de billets de La Poste. Et si les agences proposaient bien l'ensemble de l’offre, l'enquête ne "préjugeait pas des informations effectivement apportées aux consommateur". Aucune suite n’avait cependant été donnée à cette enquête.

La e-lettre serait en définitive "un enterrement de première classe" pour le courrier prioritaire selon Alain Bard en charge de la qualité opérationnelle en région Paca et délégué de la CGT qui s’exprimait au micro de France culture le 2 janvier. Le syndicaliste dénonce aussi les failles du nouveau système. Ainsi il s’avère que la vingtaine de plateformes régionales ne sont pas toutes équipées pour rematérialiser le courrier et que l’ensemble des 17.000 agences postales ne sont pas en mesure de traiter les demandes d’e-lettre. Le délai de J+1 est enfin "non garanti". Autant d’éléments qui interpellent sur l'effectivité du service universel postal.