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Culture - La France défend son système d'aides au cinéma

La France a marqué un point, au moins temporaire, dans le différend qui l'oppose à la Commission européenne sur la question des aides au cinéma. Lors du conseil des ministres européens de la Culture, le 26 novembre, Aurélie Filippetti a en effet défendu, avec une dizaine de ses collègues, les systèmes des aides d'Etat au cinéma. Cette intervention s'est déroulée en présence du commissaire chargé de la concurrence, Joachim Almunia.
C'est en effet un problème de concurrence qui est à l'origine du contentieux. Depuis le début de l'année, Bruxelles travaille à la refonte du cadre réglementaire des aides au tournage des films, mis en place en 2001 et qui expire normalement à la fin de cette année. La difficulté en la matière vient du principe de territorialité. Celui-ci permet d'exiger qu'en contrepartie de l'aide financière apportée au tournage d'un film, 80% du budget de la production en question soient dépensés sur le territoire national. Dans les premières moutures du texte en préparation, le principe de territorialité se limiterait à la contrepartie exacte de l'aide apportée. Par exemple, pour une aide représentant 30% des coûts de production, il ne pourrait être exigé de réaliser ces dépenses sur le territoire concerné que jusqu'à hauteur de 30% des dépenses engagées pour la réalisation du film. En outre, l'aide publique ne pourra dépasser 50% du budget total du film. Le débat en cours ne concerne que les aides d'Etat, mais il paraît difficile d'imaginer que des règles similaires ne s'appliquent pas aux aides des collectivités territoriales, et notamment à celles des régions, souvent liées à celles de l'Etat (voir notre article ci-contre du 12 octobre 2012).
Dans un communiqué du 27 novembre, la ministre de la Culture indique que "la France a rappelé que la territorialisation des aides au cinéma n'a pas nui à la réalisation du grand marché des films européens. Elle a au contraire favorisé les coproductions et la circulation des œuvres : la France finance un quart de la production européenne et coproduit 120 films avec 40 pays, 90% étant investis en Europe". Cette mobilisation française - soutenue notamment par l'Allemagne et l'Autriche - a produit son effet. Joaquim Almunia, le commissaire européen à la concurrence, a en effet accepté de repousser la date butoir du 31 décembre 2012 et de reprendre les travaux en janvier. Selon Aurélie Filippetti, "il s'est montré ouvert à une réélaboration du projet".
Au-delà des résultats de cette réélaboration, le danger pourrait aussi venir de la Cour de Justice de l'Union européenne. Dans un arrêt récent, celle-ci a en effet remis en cause le principe de territorialité dans le secteur de la recherche pharmaceutique. A l'occasion d'un recours, elle pourrait être tentée d'appliquer la même jurisprudence au secteur du cinéma. Par ailleurs, le report obtenu par la France pourrait également faire quelques perdants. Le texte préparé par la Commission prévoyait en effet d'étendre le système des aides à deux autres secteurs dans lesquels il ne peut s'exercer pour l'instant : celui du scénario et celui de la postproduction.