La hausse récente des emplois dans l'industrie n'est pas forcément un signe de bonne santé, prévient la Fabrique de l'industrie

Augmentation des emplois, baisse de la productivité, effet multiplicateur sur les autres secteurs... dans une note parue le 29 août 2025, la Fabrique de l'industrie analyse la brève reprise industrielle de ces dernières années et ses effets sur le reste de l'économie. Une embellie qui risque d'être temporaire, étant donné la baisse de compétitivité de l'industrie française par rapport aux voisins européens.

"Comment l'industrie crée de l'emploi aujourd'hui ?" C'est la question à laquelle répond une note de la Fabrique de l'industrie, publiée le 29 août 2025. Car après un soutien fort à l'industrie dans le cadre de la politique gouvernementale, et après des décennies de déclin, le secteur manufacturier a progressé : +6,8% entre 2018 et 2024, de 2.624.000 emplois à 2.803.000. "C'est la première fois en plus de quarante ans que cette croissance a pu être observée sur une si longue période", signale l'auteure de la note, Diana Karachanski. Une évolution surtout due à la baisse des destructions d'emplois.

En analysant dans le détail ce dynamisme, la Fabrique de l'industrie fait trois constats principaux. Le premier : tous les secteurs et tous les territoires n'ont pas bénéficié de ces créations d'emplois avec la même ampleur. Ce sont surtout l'aéronautique et l'automobile qui sont gagnantes en termes de créations d'emplois, tandis que la métallurgie n'a pu que ralentir le rythme des destructions.

"Un fort effet local"

En matière géographique, des régions comme la Bretagne ou les Pays de la Loire ont été très dynamiques et ont maintenu des créations nettes d'emplois même pendant la crise Covid, tandis que d'autres, comme l'Île-de-France, n'ont que brièvement cessé de perdre des emplois industriels. La région francilienne ou encore le Centre-Val de Loire ont ainsi continué d'enregistrer un recul des emplois nets pendant l'essentiel de la période 2016-2024.

Pour expliquer ces données territoriales, la note avance trois causes principales : un effet "supra territorial", lié aux déterminants macroéconomiques (productivité dans l'industrie, évolution de la demande, contexte international) et identique pour tous les territoires, une spécialisation sectorielle des territoires, qui pourrait expliquer 10% de la variation locale observée, et un fort effet résiduel, l'effet local, qui pourrait être à l'origine de la dynamique propre d'un territoire sous l'effet de conditions économiques locales (prix du foncier, disponibilité de main-d'œuvre, climat, qualité de la gouvernance, etc.). Ce dernier effet pourrait expliquer la variation locale de l'emploi à hauteur de 40%.

Diminution de la productivité depuis 2019

Autre constat : l'industrie a perdu le rôle moteur qu'elle occupait dans la contribution aux gains de productivité. Une contribution devenue négative depuis la crise Covid, au moment même où la part du secteur dans l'emploi total se maintient. "C'est bien le signe que les gains intrinsèques de productivité des emplois manufacturiers suivent une trajectoire problématique depuis la pandémie, détaille la note. Contrairement à la période 2017-2019, la progression post-Covid de l'emploi manufacturier s'est faite au profit d'emplois globalement moins productifs et s'avère donc porteuse de signaux ambigus sur la santé à moyen terme de l'économie", estime l'auteure. Selon elle, plusieurs facteurs expliquent cette chute de la productivité : le soutien à l'apprentissage, avec la création d'une aide exceptionnelle pour l'embauche en 2020 et la politique de soutien aux entreprises mise en place durant la pandémie, qui a permis d'éviter des faillites mais qui a également permis la survie d'entreprises peu productives qui auraient disparu, le coût du travail et les dispositifs de chômage partiel. "La hausse de l'emploi manufacturier n'est pas nécessairement révélatrice d'une amélioration de la santé économique de l'industrie, signale la note, car elle est concomitante à une diminution de la productivité de l'industrie depuis 2019."

Une parenthèse qui se referme

Enfin, la note s'intéresse à l'activité que l'industrie engendre indirectement, dans les autres secteurs économiques et notamment les services, à l'échelle nationale et locale. Et cet effet multiplicateur a été particulièrement important entre 2007 et 2023, autour de 1,34 : sur cette période, la création de 100 emplois dits "exposés" à la concurrence internationale a entraîné la création de 134 emplois abrités, contre 64 entre 2004-2013, puis 80 entre 2008-2016. "L'emploi industriel a donc toujours une incidence positive sur l'emploi total", assure la Fabrique de l'industrie. La note relève ce paradoxe : l'effet d'entraînement de chaque emploi industriel sur l'emploi abrité a pu continuer à augmenter alors que la contribution totale de l'industrie à la productivité a diminué.

"Toutefois si elle devait se poursuivre, cette contribution négative de l'industrie aux gains de productivité finirait certainement par peser à la baisse sur la valeur du multiplicateur au cours des prochaines années", indique l'auteure qui estime que cette "parenthèse heureuse" semble sur le point de se refermer en 2024 puis 2025, avec un nombre de destructions d'emplois qui repart à la hausse. Elles ont doublé en 2024. "Il paraît difficile de concevoir que cette récente dynamique positive de l'emploi industriel se maintienne si la France ne corrige pas plus complètement qu'à ce jour son déficit de compétitivité vis-à-vis des autres pays européens", prévient la Fabrique de l'industrie.

 

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