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La justice administrative encadre – aussi – les centrales photovoltaïques

Après le tribunal administratif de Toulouse, la cour administrative d'appel (CCA) de Bordeaux a confirmé la validité d'un arrêté préfectoral de 2013 refusant de donner son aval à un projet de centrale photovoltaïque de plus de 30.600 panneaux sur 16,5 hectares. En prenant notamment en compte le classement du site en zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique (Znieff), et le fait que la réalisation d'un tel équipement était de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants et aux paysages naturels, la CAA a estimé que l'arrêté préfectoral reposait sur "une exacte application des dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme".

Alors que l'acceptation sociétale des éoliennes diminue et que les recours se multiplient au point que le gouvernement envisage d'aménager la doctrine en la matière (voir nos articles ci-dessous des 19 et 24 février 2020), la voie semble en revanche davantage dégagée pour l'énergie photovoltaïque. Cela ne signifie pas, pour autant, que les considérations énergétiques l'emportent systématiquement sur d'autres éléments liés au contexte. Une décision de la cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux, remontant à quelques semaines, en apporte la démonstration.

Un parc de 30.600 panneaux sur 16 hectares

En l'espèce, la société "Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 13" contestait un arrêté du préfet de l'Aveyron, en date du 6 juin 2013, lui refusant un permis de construire. La demande portait sur un projet important, puisqu'il prévoyait d'installer une centrale photovoltaïque sur une emprise foncière de 16,5 hectares comprenant 30.648 modules, huit bâtiments, une réserve incendie de 120 m3, 2,8 km de voiries internes stabilisées et une clôture de 2 m de hauteur. Le tout sur le territoire de la commune de Rodelle (1.000 habitants), dans l'Aveyron.

Dans un jugement du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le recours de la société, après – fait plutôt inhabituel – s'être rendu sur les lieux pour apprécier de visu la situation. La société s'est donc pourvue devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, qui a rendu sa décision le 14 novembre dernier, confirmant en tous points le jugement de première instance.

Après divers points de procédure, l'arrêt rappelle qu'aux termes de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme (alors en vigueur), "le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales". Pour cela, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

Une visite sur place qui change tout

En l'espèce, la CAA de Bordeaux constate que le projet est situé dans un secteur naturel légèrement vallonné et dominé par des pelouses sèches et des massifs d'arbres ou d'arbustes sauvages, classée en zone N au PLU de la commune de Rodelle, au cœur du Causse Comtal. En outre, le territoire concerné "se caractérise par un paysage ouvert, à vocation agro-pastorale et dépourvu d'infrastructures marquantes" et se trouve dans la zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique (Znieff) dénommée "Causse Comtal et Causse de Lanhac". Enfin, les parcelles concernées se situent "à proximité" des châteaux de Dalmayrac et de Lagarde, classés au titre des monuments historiques.

La société faisait pourtant valoir que le projet de centrale photovoltaïque se situait "pour sa plus grande partie au centre d'une dépression, afin d'en limiter l'impact visuel". Mais, s'appuyant notamment sur les résultats de la visite sur place du tribunal administratif, la CAA observe qu'"il est également prévu d'installer des panneaux au point culminant du terrain d'assiette de la centrale, situé à environ 590 mètres d'altitude, à partir duquel s'ouvre une vue lointaine panoramique sur des paysages naturels et qu'ainsi les secteurs les plus élevés des sites de Dalmayrac, La Vayssière et La Garenne, situés entre 1,5 et 3 kilomètres du projet, restent en situation de covisibilité partielle avec le site d'implantation des équipements de la centrale photovoltaïque". Pour les mêmes raisons, la CAA écarte également les autres mesures envisagées par la société pour diminuer l'impact visuel du site.

Dans ces conditions, "c'est par une exacte application des dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme que le préfet de l'Aveyron a estimé, au regard notamment à la qualité du site naturel et à sa préservation, ainsi qu'à l'impact massif sur la zone naturelle de la réalisation d'une centrale de 30.648 modules et de huit bâtiments, étendue sur plus de 16 hectares, était de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants et aux paysages naturels".

 
Référence : Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4e chambre, arrêt n°17BX00473 du 14 novembre 2019 (inédit au recueil Lebon).
 

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