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La piétonnisation des voies sur berge au centre de Paris annulée par le tribunal administratif

Nouveau rebondissement dans la piétonnisation controversée des voies sur berge rive droite à Paris : le tribunal administratif, qui avait été saisi par la région Ile-de-France, cinq départements et une centaine de communes franciliens, a annulé par un jugement rendu ce 21 février la délibération du Conseil de Paris du 26 septembre 2016 déclarant l'intérêt général de cette opération d'aménagement, ainsi que l'arrêté de la maire de Paris du 18 octobre 2016 créant une promenade publique sur l'emplacement de la voie Georges-Pompidou.
La délibération du Conseil de Paris avait été adoptée après une enquête publique réalisée sur le fondement d'une étude d'impact du projet, conformément aux dispositions du code de l'environnement. Mais le tribunal administratif de Paris a estimé que cette étude d'impact comportait des "inexactitudes", des "omissions" et des "insuffisances" concernant les effets du projet sur la circulation automobile, les émissions de polluants atmosphériques et les nuisances sonores, "éléments majeurs d'appréciation de l'intérêt général du projet". Le tribunal note que "ces imprécisions avaient été relevées par l'autorité environnementale dans son avis du 10 mai 2016" et que "la commission d'enquête publique avait émis un avis défavorable au projet le 8 août 2016, estimant ne pouvoir se prononcer sur l'intérêt général du projet".

"Procédure irrégulière"

Il a dès lors "considéré que le public n'avait pu apprécier les effets de la piétonnisation des voies sur berge au regard de son importance et de ses enjeux. Il a, par conséquent, annulé la délibération du 26 septembre 2016 adoptée sur le fondement d'une procédure irrégulière".
Le tribunal relève également que l'arrêté municipal du 18 octobre 2016 été pris sur le fondement de l'article L. 2213-2 du code de l'environnement "qui ne permet pas au maire de prononcer une interdiction permanente d'accès des voitures à une voie mais uniquement d'interdire cet accès, à certaines heures, pour des nécessités liées à la circulation et à l'environnement".
Voulue pour lutter contre la pollution de l'air et redonner aux piétons et vélos, l'usage de ces berges, la fermeture de la voie Georges-Pompidou, initiative ardemment défendue par la maire de Paris, Anne Hidalgo, interdit depuis l'automne 2016 aux voitures 3,3 km du quai bas le long de la Seine, de l'entrée du tunnel des Tuileries (Ier arrondissement) à la sortie du tunnel Henri-IV (IVe). Mais elle a été ardemment combattue par la région et de nombreux élus franciliens qui ont dénoncé une décision unilatérale de la capitale, prise sans étude d'impact sur la banlieue.

La région veut une "vraie concertation"

Dans un communiqué diffusé ce 21 février, la région Ile-de-France "prend acte" de la décision du tribunal administratif. Elle rappelle avoir souligné "à de multiples reprises" que "les conséquences négatives de la décision [de la Ville de Paris] sur l’environnement, la pollution atmosphérique des autres axes de circulation, les nuisances sonores, les embouteillages et la santé des Franciliens avaient été considérablement sous-estimées (…), l’enquête publique ayant porté sur un périmètre beaucoup trop restreint pour correctement les appréhender." "L’absence de concertation, d’évaluation et de cohérence régionale de ce projet est mise en évidence clairement par le Juge", estime-t-elle.
"La ville de Paris est désormais contrainte de reprendre toute la procédure avec une nouvelle enquête publique en établissant une étude d’impact complète afin d’apprécier les effets du projet d’aménagement envisagé au regard de son importance et de ses enjeux sur l’ensemble de Paris et de la région", ajoute-t-elle. Dans ce cadre, la région souhaite que "la ville engage enfin une vraie concertation" et se dit prête à en être "partie prenante". Elle rappelle qu’elle a fourni à la ville plusieurs scénarios alternatifs d’apaisement de la circulation sur les quais bas à titre transitoire et toute une série de mesures compensatoires et d’accompagnement nécessaires à ce type de projet, parmi lesquelles la création de parkings-relais aux portes de Paris, l’organisation de transports en commun supplémentaires ou la mise en place de carrefours intelligents sur les voiries alentours afin de mieux réguler la circulation.
La décision du tribunal administratif de Paris est "une première victoire" pour "40 Millions d'automobilistes", a indiqué pour sa part cette association en pointe contre la mesure, qui "espère désormais que la circulation automobile sera rétablie au plus vite sur ces axes éminemment structurants".

La mairie va faire appel

Le feuilleton est toutefois loin d'être clos puisque ce mercredi en fin de journée, Anne Hidalgo annonçait que la ville allait faire appel de la décision du tribunal administratif et que la piétonnisation ferait l'objet d'un nouvel arrêté.
"Avec mon équipe, nous avons décidé de faire appel de cette décision et de prendre sans attendre un nouvel arrêté de piétonnisation", a en effet affirmé la maire devant la presse, quelques heures après l'annonce du jugement. L'exécutif parisien a en outre indiqué qu'il allait présenter devant la cour administrative d'appel une requête pour un sursis à exécution du jugement, qui n'est néanmoins pas suspensive.
Anne Hidalgo, en notant que cette décision intervenait un "jour de pic de pollution", a affirmé que "les résultats sont là, tant en matière de baisse de la pollution que de baisse du trafic automobile". La décision de faire de la voie Georges-Pompidou un parc réservé aux piétons et cyclistes "a été saluée par les Parisiens mais aussi par des centaines de milliers de visiteurs venus du monde entier", a lancé la maire socialiste, en répétant que ce "parc des rives de Seine fait depuis un an et demi la fierté de notre ville".
"Alors que notre pays se voit reprocher par l'Union européenne de ne pas agir assez vite pour améliorer la qualité de l'air, alors que notre ville Paris a accueilli l'accord historique sur le climat en 2015, nous savions que bâtir une ville plus apaisée et respirable constituerait un combat de longue haleine sur lequel de nombreux obstacles seraient posés", a-t-elle ajouté.
Pour l'adjoint écologiste aux transports, Christophe Najdovski, "il n'y aura pas de retour des voitures sur les berges de Seine rive droite, ni dans les prochains jours, ni dans les prochaines semaines, ni dans les prochains mois". "D'abord parce qu'il se trouve aujourd'hui, suite à la crue, que les berges ne sont pas accessibles aux voitures", a ajouté l'élu parisien, avant de répéter : "Nous demandons à la cour d'appel, au tribunal administratif d'appel, de surseoir à l'exécution de la décision du tribunal administratif. Nous demandons que la décision ne soit pas appliquée avant la décision définitive du tribunal administratif d'appel."
La préfecture de police de Paris a de son côté conclu que l'aménagement "tel qu'il avait été projeté" ne pouvait "se poursuivre". Et souligné que le nouvel arrêté envisagé par la maire de Paris devra être soumis au préfet de Police "au titre du contrôle de légalité".

 

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