La proposition de loi "Attal" sur la justice des mineurs définitivement adoptée

La proposition de loi visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents, portée par l'ancien Premier ministre Gabriel Attal, a été définitivement adoptée par le Parlement. Plusieurs mesures supprimées pendant un temps – amende civile pour les parents ne répondant pas aux convocations du juge des enfants, procédure de comparution immédiate pour les mineurs d'au moins 16 ans, dérogation au principe dit de "l'excuse de minorité"… –, ont finalement été rétablies. D'autres ont été ajoutées, relatives notamment à la mesure éducative judiciaire.

Après l'Assemblée le 13 mai dernier, le Sénat a adopté, ce 19 mai, la proposition de loi visant à renforcer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents, dans sa version arrêtée en commission mixte paritaire (223 voix pour, 112 contre).

Porté par l'ancien Premier ministre Gabriel Attal en réaction aux émeutes de juillet 2023, le texte aura connu bien des vicissitudes en première lecture (lire notre article du 28 mars). Néanmoins, le texte adopté reprend finalement certaines dispositions qui avaient un temps été écartées, dans une version parfois remaniée.

Responsabilité des parents renforcée

Afin de responsabiliser davantage les parents, le texte crée une nouvelle circonstance aggravante applicable en matière de délit de soustraction d'un parent à ses obligations légales envers un mineur, lorsque cette soustraction a directement conduit à la commission, par le mineur, d'au moins un crime ou de plusieurs délits. Elle est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende. En revanche, la possibilité de prononcer une peine de travail d'intérêt général à titre de peine complémentaire aux parents défaillants n'a finalement pas été retenue.

Autre disposition, le texte double (de 3.750 à 7.500 euros) le montant maximum de l'amende pouvant être prononcée à l'encontre des représentants légaux du mineur poursuivi qui ne répondent pas à la convocation à comparaître devant la justice. Il instaure en outre la possibilité pour le juge des enfants statuant en matière d'assistance éducative de prononcer une amende civile aux parents ne déférant pas à ses convocations. Il étend encore la responsabilité solidaire de plein droit des parents pour les dommages causés par les enfants sur lesquels ils exercent l'autorité parentale, sauf lorsque ces derniers ont été confiés à un tiers par décision administrative ou judiciaire, consacrant ici une décision d'assemblée plénière de la Cour de cassation du 28 juin 2024.

Par ailleurs, afin d'impliquer davantage les parents dans la réparation d'un dommage causé par leur enfant mineur, le texte permet à l'assureur de se retourner contre ces derniers pour les faire participer à l'indemnisation financière de ce dommage dans la limite de 7.500 euros (à condition que l'un des parents ait été définitivement condamné pour un délit de soustraction et que ce délit soit en lien avec la commission du dommage).

Création d'une procédure de comparution immédiate, élargissement de la procédure d'audience unique

Mesure décriée, la création d'une procédure d'audience unique en comparution immédiate pour les mineurs d'au moins 16 ans (et non plus 15, comme l'avait décidé le Sénat) est adoptée, mais revue. Elle pourra être mise en œuvre lorsque le mineur a déjà fait l'objet d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an et qu'il encourt une peine supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement. La possibilité de recourir à la procédure d'audience unique est par ailleurs renforcée, via un abaissement du quantum de peine encouru à compter duquel un mineur peut être jugé sans "césure" (3 ans, contre 5 précédemment, pour les 13-16 ans ; 1 an, contre 3 jusqu'ici, pour les plus de 16 ans).

Excuse de minorité atténuée, renforcement des peines pour les infractions les plus graves

Autre mesure décriée, le texte revoit les modalités d'atténuation des peines pour les mineurs ("excuse de minorité"). Ces règles ne s'appliquent plus aux plus de 16 ans lorsqu’un crime ou un délit puni d’une peine d’au moins 5 ans d’emprisonnement a été commis en état de récidive légale, sauf décision motivée par la juridiction. 

Il étend par ailleurs les possibilités de maintien en placement éducatif des mineurs devenus majeurs, sans leur accord, lorsqu'ils ont été condamnés pour des faits de terrorisme ou lorsque la peine d'emprisonnement ou de réclusion criminelle encourue est supérieure ou égale à 10 ans et concerne une infraction commise en bande organisée. Il porte la durée maximale de ce placement à deux ans pour ces faits. Il ouvre en outre la possibilité d'assigner à résidence avec surveillance électronique un mineur d'au moins 13 ans lorsqu’il encourt une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à 5 ans pour des infractions à caractère terroriste ou à 10 ans pour une infraction commise en bande organisée.

En revanche, n'ont pas été adoptées les peines d'emprisonnement (ou de placement) "ultra-courtes" (1 mois ou moins) que le Sénat avait introduites "afin de réaliser dans le même temps une évaluation socio-psychologique du mineur, de mettre en place de premières mesures éducatives et de le protéger sans délai contre un risque d’entrée dans la délinquance".

Nouvelles modalités de la mesure éducative judiciaire

Parmi les mesures nouvellement introduites, relevons que la mesure éducative judiciaire peut désormais comporter pour le mineur l'obligation de se présenter périodiquement pour une durée maximale de 6 mois aux services, associations habilitées ou autorités désignés par la justice.

Le texte permet également le placement en rétention, pour 12 heures au plus, d’un mineur lorsqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a violé une des interdictions auxquelles il est soumis ou qu’il ne respecte pas les conditions d’un placement.

Il introduit encore le couvre-feu dans l'arsenal des mesures d'alternative aux poursuites dont dispose le procureur : concrètement, "ne pas aller et venir sur la voie publique sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux, pour une durée qui ne peut excéder 6 mois, sauf pour l’exercice d’une activité professionnelle, pour le suivi d’un enseignement ou d’une formation professionnelle, ou en raison d’un motif impérieux d’ordre médical ou administratif".

Opposés à plusieurs mesures, socialistes, écologistes et insoumis ont annoncé qu'ils saisiraient le Conseil constitutionnel.

 

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