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La régulation numérique a d'abord besoin de données

Le Conseil national du numérique (CNNum) a mis en ligne la synthèse des "états généraux des nouvelles régulations numériques". Près de 1.000 contributeurs ont débattu de la régulation des plateformes, des données d'intérêt général ou de la surexposition aux écrans. Si la nature de la régulation fait débat, la nécessité d'observer pour comprendre est consensuelle. 

La consultation confiée au CNNum en 2018 visait à alimenter la stratégie nationale et européenne en matière de régulation numérique. Durant l'année 2019, le CNNum a mené ces états généraux sous forme de débats thématiques et de consultations en ligne. La concertation a réuni 825 participants, issus de structures publiques ou privées, totalise 965 contributions et 2842 votes. Le rapport de 364 pages qui en résulte est organisé autour de six thématiques :

  • régulation des contenus illicites ;
  • adaptation des règles de concurrence et de régulation économique ;
  • création d’un observatoire numérique ;
  • protection des travailleurs des plateformes ;
  • données d’intérêt général ;
  • surexposition aux écrans.

Sans surprise, aucun consensus ne se dégage franchement en dehors de la nécessité d'une approche européenne sur ces sujets et de créer un observatoire du numérique.

La nécessité d'un observatoire du numérique

La nécessité de disposer d'informations fiables sur les phénomènes d'intermédiation, les plateformes et les pratiques apparaît en effet comme un préalable à toute régulation. Plusieurs contributeurs proposent d'instaurer "une régulation par la data" à l'image de celle en vigueur dans le domaine de télécoms, en s'appuyant notamment sur les données remontées par les utilisateurs. Ensuite, le périmètre et les pouvoirs de cet observatoire du numérique divergent. Si le renforcement des moyens des instances de régulations existantes fait consensus, l'articulation entre le niveau national et le niveau européen fait débat. Certains imaginent un observatoire national des plateformes qui ne ferait qu'observer quand d'autres l'imaginent au niveau européen avec un pouvoir d'investigation et de sanctions. Dans tous les cas la coordination entre les différentes instances de régulation est jugée primordiale avec l'idée de créée un "réseau européen du numérique", travaillant de concert avec les structures existantes dans le domaine de la concurrence et des données. 

Définir les données d'intérêt général

Le sujet des "données d'intérêt général" intéressera plus particulièrement les collectivités qui réclament depuis plusieurs années d'accéder à certaines données privées. Malgré les nombreux rapports et textes existants, les contributeurs relèvent qu'il n'existe à ce jour pas de "définition stabilisée" de la donnée d'intérêt général dans le droit positif. Comment ces données doivent émerger ? À l'approche basée sur le volontariat préconisé par une majorité de contributeurs, d'autres privilégient la voie législative. Les acteurs publics pourraient ainsi exiger le partage de données privées pour des finalités politiques précises ou développer l'innovation et en particulier l'intelligence artificielle. Autre objet de débat : le maintien d'une approche sectorielle (mobilité, santé…) ou la création d'un cadre juridique transversal. Concernant les données personnelles, une réflexion sur le droit de propriété appliqué à la donnée est souhaitée ainsi qu'"un guide de partage de données personnelles à des fins d'intérêt général". La nécessité de la normalisation et de la standardisation des données est enfin soulignée – de préférence à échelle européenne – de même que l'accompagnement de l'État pour faciliter le partage des données.

Des juges spécialistes du numérique

Sur la lutte contre les contenus illicites, les contributeurs préfèrent à l'autorégulation qui prévaut un renforcement des moyens alloués à une justice invitée à accélérer sa transformation numérique. Ils suggèrent la création d'un parquet numérique spécialisé et d'un juge dédié aux contenus illicites et aux procédures de référés. Plutôt que de renforcer la responsabilité des hébergeurs, la création d'un statut "d'opérateur de plateforme en ligne" est préconisée. Sur la surexposition aux écrans, fléau qui touches les jeunes comme les adultes, les contributeurs soulignent le manque de connaissances scientifiques. Ils insistent sur l'amélioration de la sensibilisation, en particulier des jeunes publics. Pour favoriser la responsabilisation, ils proposent la mise en place d'outils de mesure aidant à maîtriser le temps passé devant les écrans. Sont aussi proposés une régulation des "designs addictogènes" et la création d'un "droit à la maîtrise de l'attention".