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Handicap - Le CNCPH taille en pièces le projet d'ordonnance sur l'accessibilité

Compte tenu des commentaires des associations autour du projet de loi d'habilitation, on pouvait s'attendre à des critiques, voire à un avis défavorable. Mais l'avis rendu, dans sa séance du 10 juillet, par le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sur le "projet d'ordonnance relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées" et sur sept décrets d'application va bien au-delà. C'est en effet à une véritable exécution en règle que s'est livré le CNCPH.

Un projet "inacceptable en l'état"

Si le conseil n'a "pas d'opposition de principe" au dispositif des Ad'AP (agendas d'accessibilité programmée), il n'en va pas de même pour leurs modalités de mise en œuvre et pour les autres mesures prévues par l'ordonnance et ses textes d'application. Ainsi, l'avis estime que le projet est "inacceptable en l'état". En outre, il "commet une erreur d'analyse en méconnaissant l'historique de deux lois inappliquées" (lois de 1975 et de 2005). Le CNCPH pointe notamment de nombreuses dispositions, comme les délais pouvant aller jusqu'à dix années supplémentaires pour assurer la continuité d'une chaîne de déplacement ou la possibilité d'aller au-delà de trois ans pour la mise en accessibilité d'un ERP (établissement recevant du public) de cinquième catégorie. Le rapport souligne aussi des incohérences juridiques dans différentes dispositions du texte, notamment en matières de délais. De façon plus large, l'avis dénonce la trop grande souplesse du texte, "au seul bon vouloir des acteurs".
Le CNCPH juge également les sanctions en cas de non-respect des Ad'AP "non-dissuasives". Il s'irrite aussi de la surexposition des difficultés financières - invoquées pour justifier l'assouplissement des règles et des normes -, qui "s'avère insupportable au regard" de la mobilisation d'un certain nombre de moyens, comme les prêts à taux bonifiés de la Caisse des Dépôts (18 milliards d'euros) ou de Bpifrance. En termes de priorités dans la critique, c'est le secteur des transports qui remporte la palme. L'avis évoque ainsi "l'enterrement de première classe des objectifs initiaux de la loi du 11 février 2005, en prévoyant que tous les points d'arrêts d'un service public de transport ne seront pas rendus obligatoirement accessibles (sauf impossibilité technique avérée)".

Décrets : "un cortège de reculs et de non-avancées"

Les neuf projets de textes réglementaires ne trouvent pas davantage grâce aux yeux du CNCPH, qui y voit "un cortège de reculs et de non-avancées", notamment sur l'accessibilité des ERP et des IOP (installations ouvertes au public). L'avis relève ainsi toute une série de dispositions, souvent techniques, mais qui remettent en cause le principe général de l'accessibilité.
L'avis du CNCPH pâtit sans doute de son ton très polémique : parler de "deux lois inappliquées en l'espace de 40 ans" - en visant les lois de 1975 et de 2005 - est peut-être un peu excessif, au regard des progrès - même partiels - accomplis ces derniers temps, comme le constate d'ailleurs chaque année l'APF (Association des paralysés de France) dans son enquête sur l'accessibilité des villes.
En outre, l'avis ne semble pas mesurer que certaines dispositions sont là uniquement pour être retirées dans le cadre de la négociation. Il reste néanmoins que l'on est bien loin du relatif consensus - certes résigné - qui avait accueilli le rapport de la sénatrice Claire-Lise Campion, qui a servi de base au projet d'ordonnance. En mars dernier l'avis du CNCPH sur le projet de loi d'habilitation était également beaucoup plus modéré (voir notre article ci-contre du 20 mars 2014).
Avec le projet d'ordonnance et ses décrets d'application, le gouvernement a réussi à mobiliser contre ces textes l'ensemble du monde du handicap. Et celui-ci fourbit déjà ses armes pour en appeler à l'opinion.

 

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