Archives

Logement étudiant - Le Conseil d'analyse économique propose de lutter contre "la captation des aides au logement"

Le Conseil d'analyse économique (CAE) publie un focus de sa secrétaire générale, Hélène Paris, consacré au thème "Logement des étudiants et politiques publiques". A la différence des "Notes du CAE", qui visent à éclairer l'action des pouvoirs publics à travers des propositions parfois très innovantes, les Focus "visent à apporter des éclairages complémentaires aux Notes du CAE ou bien de la documentation sur des sujets d'actualité". Cette seconde partie de la présentation correspond bien à la situation actuelle du monde étudiant, secoué par la réduction des APL de cinq euros par mois et auquel le gouvernement vient d'annoncer un "plan étudiant", doté d'un milliard d'euros sur cinq ans et comportant un volet logement.

1,7 million d'étudiants "décohabitants"

Le Focus rappelle que la France compte 2,5 millions d'étudiants (chiffre 2015) : un tiers d'entre eux habitent encore le foyer parental, tandis que les deux tiers - soit près de 1,7 million d'étudiants - sont décohabitants. Parmi ces derniers, 1,4 million sont locataires ou sous-locataires (seuls, en couple, en colocation ou en résidence universitaire).
Il y a là pour le CAE un "enjeu de mobilité et d'accessibilité", d'autant plus que "pour les étudiants de familles aux revenus modestes, les difficultés d'accès au logement indépendant peuvent conduire à des choix de filières principalement en fonction de la proximité du domicile familial".

Des aides au logement "peu ciblées pour les étudiants"

Face à cette demande, l'offre de logements étudiants à caractère social, bien que difficile à évaluer, "ne répond que modestement à la demande", avec une capacité d'environ 230.000 logements : 165.000 logements "Crous", 47.000 logements sociaux hors Crous et 20.000 places environ en internat de classes préparatoires et STS (sections de techniciens supérieurs) des lycées. Cette part du logement étudiant à caractère social place la France loin derrière d'autres pays européens.
La majorité des étudiants (environ 1,2 million) se logent donc dans le parc privé, "sur des marchés immobiliers déjà tendus". Ils peuvent certes, pour la plupart, bénéficier de l'allocation de logement, ou de l'aide personnalisée au logement (APL) s'ils occupent un logement conventionné. Au total, 879.000 étudiants sont concernés, dont 266.000 boursiers et 613.000 non boursiers, mais ces aides sont "peu ciblées pour les étudiants".

Un système trop transparent pour les bailleurs

Selon le Focus, la réponse à cette situation passe par "un mix de politiques à revoir pour le logement étudiant". L'auteur suggère deux pistes principales pour sortir de l'impasse. La première consiste à "lutter contre le phénomène de captation des aides au logement". Sur ce point, le document rejoint la position du gouvernement sur les dérives potentielles des aides au logement, puisque "le fait que le bénéfice d'une allocation logement pour les étudiants soit plus souvent la règle que l'exception expose encore plus au risque de captation de l'aide par les propriétaires bailleurs, dans la mesure où ceux-ci peuvent aisément identifier les bénéficiaires et avoir une parfaite connaissance du montant des aides".
Reste que si "revoir le dispositif semble pleinement justifié, la question essentielle cependant est de savoir comment s'y prendre, sans pénaliser outre mesure les étudiants et leurs familles". Sur ce point, il n'existe pas de réponse univoque et une action susceptible d'un certaine efficacité passe nécessairement par "des diagnostics locaux, appliqués à chaque agglomération, [...] pour bien apprécier les tensions et distorsions éventuelles de marché". D'où l'intérêt des observatoires locaux du logement étudiant (voir notre article ci-dessous du 18 septembre 2017).

2,4 milliards d'euros pour doubler l'offre publique

La seconde piste est plus classique, puisqu'elle consiste à développer l'offre publique de logements étudiants, comme s'y sont employés différents plans gouvernementaux jusqu'à présent. L'effort budgétaire à consentir est toutefois important. Le CAE estime ainsi qu'il faudrait affecter aux Crous une dotation exceptionnelle de 2,4 milliards d'euros pour construire 200.000 logements étudiants supplémentaires (sur la base d'un coût estimé, par le Cnous, à 60.000 euros par logement et d'un taux de subvention de 20%).
Un tel apport doublerait l'offre actuelle, tout en réduisant la demande sur le marché libre. Cet investissement, à étaler sur plusieurs années, pourrait être facilité "en faisant appel à des techniques innovantes de constructions modulaires industrialisées, exécutées largement en usine, qui rendent possibles des livraisons en moins d'un an, et permettraient si besoin de déplacer les logements à l'avenir".