Le gouvernement lance un programme de 12 millions d'euros pour les commerces ruraux

Les ministres Olivia Grégoire et Dominique Faure ont lancé le 22 février un nouveau programme de reconquête du commerce rural. Doté de 12 millions d'euros en 2023, il vise à soutenir l'installation de commerces en zones rurales, avec une cible d'un millier de communes rurales.

12 millions d'euros, c'est l'enveloppe pour 2023 que vient de consacrer le gouvernement pour le lancement d'un programme de reconquête du commerce rural. Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, et Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, ont détaillé le 22 février ce programme d'installation des commerces destiné aux zones rurales. À l'heure actuelle, d'après l'Insee, plus de 21.000 communes n'ont pas de commerces, soit 62% des communes françaises.

Le nouveau programme permettra à l'État d'apporter son soutien à des projets de commerces "en dur" ou de commerces itinérants, l'aide à l'investissement pouvant aller jusqu'à 80.000 euros pour les premiers.

Les commerces sédentaires pourront ainsi obtenir une prise en charge à hauteur de 50%, dans la limite de 50.000 euros pour l'acquisition des locaux ou les travaux relatifs à leur remise en état, un budget auquel s'ajouteront 20.000 euros pour l'aménagement des locaux et l'acquisition du matériel professionnel, avec une majoration à 25.000 euros si le projet présente un intérêt particulier en matière de développement durable ou un caractère innovant dans son modèle économique (circuits courts, insertion de publics défavorisés, implication du tissu associatif local, expérimentation d'un lieu de collecte mutualisé pour les commandes numériques). Les commerces non sédentaires pourront quant à eux bénéficier d'une aide à hauteur de 50% des dépenses d'investissement (principalement l'acquisition d'un véhicule professionnel de tournée) dans la limite de 20.000 euros.

Par ailleurs, les commerçants pourront recevoir une aide supplémentaire de 5.000 euros pour des prestations d'accompagnement leur permettant de concevoir, mettre en œuvre et faire vivre leur projet.

Un guichet ouvert dès le 1er mars 2023

Le pragmatisme est le mot d'ordre de ce programme, qui s'inscrit dans le cadre des Assises du commerce et en synergie avec le futur France ruralités qui devrait être lancé en mars 2023 (voir notre article du 20 février 2023). "Souvent, il faut remplir des dossiers et nous avons eu des alertes de la part des élus nous demandant d'être pragmatiques, nous essayons de faire des dossiers les plus simples possible à remplir", explique le cabinet d'Olivia Grégoire.

Tout porteur de projet, public ou privé, disposant de l'appui de la commune d'implantation (ou bien la collectivité elle-même), va pouvoir se faire connaître auprès de sa préfecture de département. Le guichet sera ouvert à partir du 1er mars 2023, avec des dépôts de dossiers au fil de l'eau. Une première sélection sera effectuée en mai 2023, l'objectif étant que les premiers travaux puissent démarrer dès l'été 2023. "Nous souhaitons quelque chose de très opérationnel, et nous n'aurons pas de difficulté à délivrer parce qu'il y a beaucoup de communes qui sont en attente d'avoir un soutien de l'État pour mener à bien leur projet", explique-t-on au cabinet de la ministre. Les préfets seront chargés de repérer les projets. Une certaine répartition géographique est souhaitée, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) indiquant sur son site (voir encadré ci-dessous) que "10 à 15 projets serons identifiés, dans chaque région, par les préfectures dès mars 2023". Les projets les plus réactifs, les plus engagés, les plus solides avec un engagement plein des élus de la commune ou de la communauté de commune, auront la priorité. "Il faut les collectivités derrière, c'est un des critères clés" assure le cabinet.

S'agissant du type de commerces visés, le gouvernement songe avant tout à l'ouverture de commerces multi-services dans des communes qui ne disposent plus d'un seul commerce. Mais se dit ouvert à d'autres options en fonction du contexte local. Un commerce mono-activité (une boulangerie par exemple) ne sera ainsi pas nécessairement exclu, pas plus que la création d'un deuxième commerce dans le cas où cela permettrait de "consolider" l'unique commerce déjà présent dans la commune.

1.000 communes rurales ciblées

D'après le ministère, le programme devrait permettre d'apporter aux habitants de 1.000 communes rurales une offre commerciale, puisque tous les projets ne recevront pas l'enveloppe maximale de 80.000 euros. Et si c'est un succès, le programme pourrait être reconduit en 2024.

L'échelle est toutefois largement moins importante que ce qu'avaient préconisé Bruno Belin, sénateur LR de la Vienne et Serge Babary, sénateur LR d'Indre-et-Loire, au nom de la commission d'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques du Sénat, dans un rapport adopté le 15 mars 2022 (voir notre article du 17 mars 2022). Les deux sénateurs avaient proposé un programme d'actions territorialisées "400 territoires de commerce", piloté par l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) doté de 600 millions d'euros sur 5 ans pour soutenir environ 2.000 projets de maintien ou d'implantation de commerce de proximité.

Départements de France a réagi ce 23 février en fin de journée au lancement du programme, pour s'interroger : est-ce bien là le rôle de l'Etat, alors que les départements sont déjà présents "au plus près des besoins du terrain" ? "Que l’État laisse la gestion de la vie quotidienne aux échelons locaux pertinents, dont nous faisons partie", déclare ainsi le président de l'association, François Sauvadet. "Il est surprenant que le gouvernement n’ait pas jugé bon de nous consulter sur cette initiative louable, que nous aurions pu aider à concevoir et amplifier", ajoute l'élu de Côte d'Or. Pour lui, "le vrai problème est de mesurer, avec précision, la pertinence du projet commercial afin de s’assurer de sa viabilité dans le temps". Or "seuls les maires en coopération avec les départements sont capables de poser ce diagnostic". François Sauvadet craint aussi un saupoudrage de cette enveloppe de 12 millions d'euros : "N’aurait-il pas mieux valu la réserver à des départements ciblés, identifiés pour connaître de réelles difficultés budgétaires et permettre aux autres de mettre en place leurs propres dispositifs d’aide à l’économie de proximité ?". Et en profite pour demander une nouvelle fois que l'on revienne sur la loi Notr afin de permettre aux départements volontaires de "réinvestir le champ de l’économie de proximité" et donc entre autres de contribuer à la "revitalisation du commerce en zone rurale".

  • Un cahier des charges exigeant

Si le ministère met en avant la simplicité et la souplesse du dispositif, le cahier des charges de 7 pages mis en ligne sur l'espace dédié du site de l'ANCT montre que le processus de sélection puis de financement des projets est néanmoins très cadré. Avec, au passage, plusieurs précisions intéressantes :

  • Communes concernées : "commune peu dense ou très peu dense", "bourg rural, rural à habitat dispersé, rural à habitat très dispersé". Et "en priorité les territoires pour lesquels le trajet routier médian pour se rendre au pôle commercial le plus proche est supérieur à dix minutes".
  • Seront privilégiés "les projets d’installation dans des locaux vacants existants". Ainsi, " le projet ne doit pas mener à une artificialisation des sols, sauf en cas d’absence de locaux ou de friches disponibles".
  • "Le projet doit répondre à un besoin non satisfait en matière d’offre commerciale à l’échelle de la zone de chalandise" et, est-il précisé, doit concerner "un commerce multi-services" répondant "en priorité, à des besoins de première nécessité".
  • Pour un commerce itinérant, "la tournée hebdomadaire doit prévoir un passage de 4 jours minimum par semaine dans des communes rurales dépourvues de commerces.
  • Les porteurs de projet "peuvent être des entités publiques ou privées". Les porteurs de projets privés "devront obligatoirement disposer de l’appui de la collectivité territoriale d’implantation du commerce et démontrer leur capacité à mener à bien leur projet d’implantation, en bonne intelligence avec le tissu local existant et les besoins de la population". "A ce titre, une délibération du conseil municipal ou du conseil communautaire formalisant son appui au projet sera exigée".
  • Subvention à l'acquisition des locaux ou à leur remise en état : la subvention, qui consiste en une prise en charge du déficit d’opération (à hauteur de 50%, dans une limite de 50.000 euros), "s’adresse en priorité aux porteurs de projet publics ou parapublics (commune, EPCI ou opérateur spécialisé de droit public ou privé contrôlé par une collectivité territoriale) afin que la collectivité locale du territoire d’implantation conserve la maîtrise foncière dans la durée". "Cette dernière devra s’engager à mettre en location le local pendant une durée minimale de cinq ans".
  • Les Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) "pourront également émarger au fonds, sous réserve qu’elles s’engagent à rester propriétaires ou à accorder un droit de préférence à la collectivité en cas de cession du local restructuré afin de garantir l’occupation du local par l’exploitant pour une durée minimale de cinq ans". Dans ce cas, "le prix de cession à la collectivité sera minoré du montant de la subvention accordée à la SCIC par ce même fonds".
  • Les aides "pourront être cumulées avec d’autres dispositifs d’aides" mais ce cumul sera plafonné.
  • Les projets identifiés par les préfectures "feront l’objet d’un dossier de présentation". La liste des éléments attendus est conséquente, que ces éléments concernent le porteur de projet ou l'activité envisagée. Parmi eux, "une étude de faisabilité, s’appuyant sur les besoins non satisfaits de la population, démontrant la viabilité économique du projet, réalisée dans la mesure du possible avec l’aide d’un expert indépendant", éventuellement "une lettre de soutien d’un réseau d’accompagnement à l’entrepreneuriat en zone rurale", "une présentation des mesures d’animation et de communication mises en place par la commune"…
  • Il est précisé que l'ANCT accompagnera les préfectures de département "dans leur travail d’instruction, notamment pour l’évaluation du déficit d’opération lié à l’acquisition d’un local".
  • Les candidatures seront transmises à l'ANCT via la plateforme https://fondscommerce.anct.gouv.fr/ puis seront examinées et notées par un "comité technique" sur la base d'une "grille d’évaluation".

    C. Mallet
 

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