Le maire peut-il invoquer la "perte de confiance" pour décharger de ses fonctions un directeur général des services ?

Contexte : Dans la perspective des prochaines élections municipales, la décharge des fonctions (ou la fin de détachement sur un emploi fonctionnel) se profile habituellement comme l’une des premières décisions prises en début de mandat par des maires nouvellement élus ou réélus qui souhaitent se séparer définitivement de leur DGS. 

Juridiquement, il s’agit d’une procédure administrative, à l’initiative du maire, qui consiste à ne pas renouveler ou à mettre fin prématurément au détachement d’un DGS. 

En tant qu’autorités territoriales, certains maires justifient le lancement de cette procédure par un motif tiré de l’intérêt de service tel que « la perte de confiance ». A noter que le régime de la décharge de fonctions ne concerne pas l’agent contractuel recruté sur un emploi de DGS, qui est susceptible de faire l’objet d’une procédure de licenciement de droit commun dont le motif de licenciement peut porter sur une « perte de confiance ».

Si le code général de la fonction publique apporte un encadrement juridique sur tous les aspects procéduraux, c’est la jurisprudence administrative qui vient apporter des précisions sur la régularité d’un tel motif. 

Réponse :  Compte tenu de l'importance du rôle de l'agent qui occupe un emploi fonctionnel de DGS et à la nature particulière de ses responsabilités, la confiance de l’autorité territoriale est nécessaire au bon accomplissement des missions. Si celle-ci venait à être rompue par les agissements ou négligences du DGS, elle pourrait justifier la fin anticipée du détachement.

Selon la jurisprudence administrative, assez abondante sur ce point, la décision de mettre fin aux fonctions du DGS doit être suffisamment motivée. Elle doit en outre être étayée par des éléments probants qui permettent d’attester de l’existence des faits allégués au titre de la perte de confiance. 

En la matière, le juge administratif n’impose pas un degré de précision des faits à l’instar de celui exigé dans le cadre d’une procédure disciplinaire. En revanche, « la perte de confiance nécessaire au bon fonctionnement des services municipaux », sans aucune précision quant aux faits sur lesquels se fonde la décision de l’autorité territoriale, peut être censurée par le juge pour insuffisance de motivation.

A titre d’illustration, le constat de négligences, d'absences répétées et injustifiées, des retards dans le suivi de projets et l’inexécution de certaines attributions ont placé un DGS dans une situation ne lui permettant plus de disposer de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions, et ce, malgré ses évaluations antérieures et la circonstance que le maire a continué à lui confier quelques missions importantes jusqu'à la fin effective de ses fonctions. De même, le fait que l'indisponibilité prolongée pour raison de santé d'un DGS ne soit plus compatible avec l'exercice normal de ses fonctions a pu légalement justifier qu'il soit mis fin à son détachement pour perte de confiance.

A l’inverse, le changement de l’équipe municipale y compris en cas de nouvelle orientation ou stratégie politique ne suffit pas, à lui seul, à justifier la décharge des fonctions. Dans le même sens, le fait de formuler avec modération des remarques sur l'illégalité de mesures prises par l'autorité territoriale et l'assemblée délibérante ne peut justifier non plus une fin de détachement fondée sur la perte de confiance.

En conclusion, sous peine d’être censurée par le juge, la décharge de fonctions doit être dûment justifiée et étayée par des faits pouvant induire une perte de confiance. Cette précaution étant prise, la fin de détachement d’un DGS détaché sur emploi fonctionnel doit être organisée en respectant un ensemble de formalités énoncées par le code général de la fonction publique. 

Chronologiquement, les formalités requises sont les suivantes :

  • La décision de fin de fonctions qui ne peut intervenir qu'après un délai de six mois suivant soit la nomination dans l'emploi soit la désignation de l'autorité territoriale par l'organe délibérant, et ce, même en cas de réélection.

  • La signature d’un protocole qui peut être conclu entre l’autorité territoriale et le fonctionnaire afin d’organiser cette période de transition, dans le respect des dispositions statutaires en vigueur. En tout état de cause, pendant le délai de six mois, l’autorité territoriale permet à l’agent concerné de rechercher une nouvelle affectation, en mobilisant à cette fin, le cas échéant, les moyens de la collectivité.

  • La tenue d’un entretien préalable qui doit être prévu entre l'autorité territoriale et l'agent concerné.

  • L’information de l’assemblée délibérante qui permet d'assurer la publicité et la transparence de la décision. Une information auprès du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion doit être prévue également.

  • La fin de fonctions prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante.

Références : articles L.544-1 à L.544-16 du code général de la fonction publique ; Conseil d'Etat, 4ème sous-section jugeant seule, du 27 juin 2005, 266767, inédit au recueil Lebon; CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 28/12/2017, 15VE01902, Inédit au recueil Lebon; CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 29/10/2021, 19VE01102, Inédit au recueil Lebon ; CAA de BORDEAUX, 6ème chambre, 16/01/2024, 22BX01811, Inédit au recueil Lebon

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