Le titulaire d'un marché public peut-il renoncer, par accord amiable, au paiement d'intérêts moratoires ?
Constat :
Bien que les parties soient généralement libres de trouver un accord pour régler leurs différends, et que les accords amiables soient encouragés pour résoudre les litiges, un titulaire de marché public ne peut en aucun cas renoncer à ses droits aux intérêts moratoires. Cette protection est d'ordre public et toute clause de renonciation est réputée non écrite.
Réponse :
1/ L'interdiction formelle de la renonciation aux intérêts moratoires : une règle d'ordre public
La renonciation au paiement des intérêts moratoires dans les marchés publics est formellement interdite et considérée comme nulle et non avenue, conformément aux articles L. 2192-14 et L. 2392-10 du Code de la commande publique. Ainsi, un titulaire de marché public ne peut pas, même par accord amiable, renoncer au paiement de ces intérêts. Cette disposition, codifiée à l'article L. 2192-14, précise explicitement que "Toute renonciation au paiement des intérêts moratoires est réputée non écrite". Cela signifie qu'indépendamment de la signature d'un accord amiable, toute clause de renonciation n'a aucune valeur juridique, et le titulaire conserve toujours le droit de réclamer les intérêts dus.
Le Conseil d'État a constamment affirmé le caractère d'ordre public de cette interdiction, laquelle s’applique, non seulement lorsque la renonciation intervient à l’occasion de la passation du marché, mais aussi ultérieurement.
Ainsi, toute transaction ou délibération d'un acheteur public qui autoriserait une telle renonciation est illégale et peut de ce fait entraîner l'annulation d’un protocole transactionnel. Cette position a été réaffirmée par plusieurs décisions du Conseil d'État et des Cours Administratives d'Appel (CAA Douai, 27 février 2020, n° 18DA02505 ; CE, 17 octobre 2003, n° 249822 ; CE, 10 novembre 2004, n° 256031 ; CE, 18 mai 2021, n° 443153)
Le Conseil d'État a d’ailleurs été plus loin en précisant que même après la conclusion d'une transaction fixant le montant du décompte général, les intérêts moratoires applicables en cas de retard de paiement sont ceux prévus par le règlement des marchés, et non le taux légal du code civil. La transaction ne peut faire "écran" entre le contrat initial et le paiement des intérêts moratoires (CE, 22 juillet 2025, n° 494323).
2/ La protection des entreprises et le caractère patrimonial des intérêts moratoires
La renonciation aux intérêts moratoires est considérée comme contraire à l'ordre public. Cela vise à protéger les entreprises, notamment les PME, contre les retards de paiement de la part des acheteurs publics, et à garantir le respect des délais de paiement légaux.
Le Conseil d'État considère d’ailleurs que les intérêts moratoires dus par l'administration aux entreprises titulaires de marchés publics ont un caractère patrimonial. Cela signifie que ces créances sont assimilées à des biens et que les litiges liés à ces créances sont soumis au droit à un procès équitable, tel que garanti par l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme (CE 5 juillet 2004, n° 236840).
Dès lors, le paiement des intérêts moratoires est un droit pour les entreprises titulaires ou sous-traitantes de marchés publics. Ces intérêts sont dus par les collectivités publiques dès le dépassement du délai maximum de paiement, même s'ils n'ont pas été réclamés, et les entreprises n'ont pas le droit d'y renoncer. Ce principe s'applique également aux marchés ayant fait l'objet d'une résiliation (CE, 2 octobre 1987, n° 55336).
En conclusion, un titulaire de marché public ne peut en aucun cas renoncer aux intérêts moratoires, même par accord amiable. Cette interdiction est d'ordre public et vise à protéger les droits des entreprises face aux retards de paiement.
Références :
Articles L. 2192-14 et L. 2392-10 du Code de la commande publique; CAA Douai, 27 février 2020, n° 18DA02505 ; CE, 17 octobre 2003, n° 249822 ; CE, 10 novembre 2004, n° 256031; CE, 18 mai 2021, n° 443153 ; CE, 22 juillet 2025, n° 494323 ; CE 5 juillet 2004, n° 236840 ; CE, 2 octobre 1987, n° 55336
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