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Les acteurs du commerce incitent à l'ouverture des magasins le dimanche

Face à des baisses de chiffres d'affaires allant jusqu'à 40% notamment pour la filière textile, les acteurs du commerce incitent le gouvernement à faciliter l'ouverture des magasins le dimanche. Si la procédure était automatisée en décembre 2020, elle nécessite un arrêté préfectoral avec concertation pour les mois qui viennent. Une majorité de départements ont pris des arrêtés collectifs pour janvier, mais il en reste encore pour lesquels les demandes des commerçants restent individuelles et donc complexes. L'enjeu est un minimum de rattrapage de chiffre d'affaires pour des artisans et entreprises déjà très impactés par la crise sanitaire et les fermetures successives.

Une baisse située de 20% à 25% du chiffre d'affaires en moyenne et un effondrement du "click and collect" mis en place par les commerçants. C'est l'impact du couvre-feu avancé à 18h mesuré globalement par les acteurs du commerce. "La baisse atteint même 40% pour le secteur du textile", estime pour sa part Procos, la fédération du commerce spécialisé. On comprend alors leur volonté de voir les magasins ouvrir leurs portes le dimanche. "L'ouverture le dimanche en janvier et février, notamment au moment où les soldes d'hiver commencent, nous paraît indispensable pour essayer de rattraper une partie du chiffre d'affaires et écouler les stocks", explique ainsi à Localtis Pierre Goguet, président de CCI France.

Et l'enjeu principal est d'obtenir, de la part du gouvernement, une fluidité des procédures. Car si en décembre, l'ouverture le dimanche était automatisée, pour le mois de janvier, on revient à une procédure classique, avec la mise en place d'arrêtés préfectoraux qui demandent plusieurs semaines de consultations entre collectivités et partenaires sociaux. "A l'heure actuelle, une soixantaine de départements sont couverts par un arrêté préfectoral collectif qui permet aux commerçants d'ouvrir ou non le dimanche selon leur souhait ; il faut que des arrêtés soient pris dans les autres départements, détaille Pierre Goguet, car c'est difficile pour un commerçant de faire une demande individuellement. Dans le Tarn par exemple, aucun arrêté collectif n'a été pris."

Fluidifier les procédures

La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), qui avec les principales autres fédérations professionnelles plaidait dans un communiqué commun pour la poursuite de la délivrance automatique des autorisations, est vite montée au créneau en signalant à la ministre du Travail la situation. "Il y a eu des contacts entre Jacques Creyssel, délégué général de la FCD, et Elisabeth Borne pour régler les points qui restaient problématiques là où aucun arrêté préfectoral n'a été pris", explique-t-on à la FCD. "A ce stade, des travaux sont en cours, les choses vont se faire, l'objectif étant qu'on puisse débloquer les situations. Il s'agit d'un processus classique qui est plus lent car il demande une concertation. Il faut accompagner les préfets dans ces concertations", poursuit-on. La FCD compte veiller à ce que les choses soient claires également pour le mois de février si les mesures de restriction des ouvertures des commerces devaient perdurer.

Le couvre-feu à 18h est pour le moment prévu pour quinze jours. D'après les informations obtenues récemment par Le Point auprès de l'Elysée et de Bercy, restaurants, bars et brasseries pourraient rester fermés jusqu'à Pâques. On parle même de juin pour les bars et les cafés, même si le gouvernement ne confirme rien pour le moment. "Les échanges ne visaient pas à modifier les pratiques, assure-t-on à la FCD, mais à fluidifier les procédures ; les travaux sont en cours pour débloquer les situations difficiles."

Mais les syndicats ne s'en laissent pas conter. La CGT multiplie les recours devant les tribunaux administratifs pour obtenir la suspension des arrêtés préfectoraux. "Nous avons entamé et gagné une procédure dans le Puy-de-Dôme, explique ainsi Amel Ketfi, secrétaire fédérale de la CGT Commerce, il faut absolument une consultation, et éventuellement un accord signé, c'est une étape dont on ne peut s'affranchir. Nous ne pouvons accepter ces dérives et les arguments sanitaires ne tiennent pas car l'ouverture du dimanche signifie aussi exposer les salariés aux contaminations. Tout ce dont rêvait le patronat depuis des années, on le lui offre sur un plateau d'argent sous prétexte sanitaire."

Renforcement du fonds de solidarité : "cela va dans le bon sens"

Concernant le renforcement du fonds de solidarité annoncé par Bruno Le Maire le 14 janvier, les acteurs du commerce se disent satisfaits. Le gouvernement s'est ainsi engagé à prendre en charge jusqu'à 70% des coûts fixes des entreprises fermées administrativement et des entreprises appartenant aux secteurs S1 et S1 bis (culture, tourisme, alimentation, etc. et toutes les filières aval) ayant un chiffre d'affaires supérieur à un million d'euros par mois. L'aide s'ajoute à l'aide du fonds de solidarité et est plafonnée à 3 millions d'euros sur la période de janvier à juin 2021. "Les magasins de montagne vont être concernés", détaille la FCD. Une aide importante au moment où le gouvernement semble s'orienter vers une année blanche pour les stations de ski qui ne pourraient rouvrir en février (voir notre article du jour).

"Cela va dans le bon sens, assure aussi Emmanuel Le Roch, cela ne résout pas tout et on reste dans la limite des 3 millions d'euros imposée par l'Union européenne, mais c'est une reconnaissance que les difficultés ne se limitent pas aux plus petits et que peu d'acteurs peuvent tenir en étant fermés pendant quatre mois. La barre des 3 millions d'euros va rester un problème. Pour les plus gros acteurs, l'enjeu sera le financement et la restructuration des prêts garantis par l'Etat (PGE). Nous avons eu une véritable écoute de la part du ministère de l'Economie, qui a toujours choisi de sauver un maximum d'acteurs, maintenant il ne faut surtout pas s'arrêter."

Bruno Le Maire a annoncé le 14 janvier un report du remboursement de ces PGE d'un an alors que les remboursements devaient commencer fin mars 2021. Lors de son audition devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement, a pour sa part estimé qu'entre 4% et 7% des PGE risquaient de ne pas être remboursés. Au total, plus de 130 milliards d'euros de PGE ont été accordés depuis le début de la crise à 660.000 entreprises, dont la plupart sont des TPE. "Nous sommes encore sous intraveineuse, on va permettre le report des remboursements jusqu'en 2022, donc 2021 ne sera pas encore très impactée, mais plus ça dure, plus il y a des risques de défaillances, on voit bien qu'il y a un problème de fragilité de fonds propres dans les PME, il faut des prêts participatifs".

Actuellement, les défaillances sont au plus bas, selon les chiffres d'Altares publiés le 19 janvier, avec une baisse de 40% par rapport à 2019 : seules 32.184 entreprises ont sollicité et obtenu l'accompagnement du tribunal de commerce ou judiciaire en 2020, soit 20.000 procédures de moins qu'en 2019. Mais si les conditions sanitaires difficiles se poursuivent, le rattrapage pourrait avoir lieu dans les années qui viennent, en 2021 et en 2022.