Les employeurs de l’ESS en quête d’attractivité pour leurs métiers

Déjà engagées par la nature même de leur activité et/ou par leur mode de fonctionnement, les entreprises de l’économie sociale et solidaire cherchent à progresser et à mieux valoriser leur impact social et environnemental. C’est le sens des démarches portées par l’Union des employeurs de l’ESS (Udes), qui a présenté ce 21 mars une enquête sur les attentes des Français vis-à-vis des entreprises et de l’emploi dans le contexte des transitions. Si les considérations sociales et environnementales sont bien présentes, en particulier chez les jeunes, la rémunération et la qualité de vie au travail sont en réalité les premiers critères d’un emploi qui "a du sens". Des résultats qui à la fois "confortent" et "bousculent" l’Udes, à l’heure l’ESS doit agir sur le front de l’attractivité de ses métiers et pourvoir dans l’immédiat plus de 90.000 emplois vacants.

L’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) poursuit ses travaux sur l’engagement social et environnemental des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS). Elle a publié ce 21 mars 2023 les résultats d’une enquête menée en janvier par l’institut Viavoice, avec le soutien d’Aésio mutuelle et d’UpCoop, sur "les attentes des Français à l’aune des transitions sociales et écologiques en cours". On y trouve à la fois une confirmation des fortes attentes vis-à-vis des entreprises dans la lutte contre le dérèglement climatique et d’une adhésion – au moins théorique – au modèle de l’entreprise de l’ESS.

"Les Français plébiscitent les valeurs de cette économie du quotidien"

L’ESS est ainsi considérée comme "en phase avec les évolutions de la société" par 72% des sondés, "un modèle d'entreprise attractif pour un salarié" par 71% ou encore un modèle qui "permet de mieux lutter contre le réchauffement climatique" par 60% des répondants. La part importante des répondants ne se prononçant pas (de 13 à 18% selon les questions) met toutefois en évidence "une connaissance qui reste perfectible" de l’ESS, selon Thomas Genty de l’institut Viavoice, qui s’exprimait ce 21 mars à l’occasion d’une conférence de presse organisée par l’Udes.

S’agit-il d’un "modèle d'entreprise dans lequel vous aimeriez travailler ?", interrogeait par ailleurs l’enquête. Question à laquelle 67% des personnes sondées répondent positivement (22% "oui, tout à fait" et 45% "oui, plutôt"). Ainsi, "les Français plébiscitent les valeurs de l’économie sociale, cette économie du quotidien présente 24 heures sur 24 dans nos vies", se réjouit Hugues Vidor, président de l’Udes, citant notamment l’accueil petite enfance, l’animation, les circuits courts alimentaires et l’accompagnement de la perte d’autonomie.

On observe cependant "un écart entre l’intention et la réalité", souligne-t-il, puisque l’ESS peine à attirer suffisamment de nouveaux candidats. L’Udes recense plus de 90.000 emplois vacants dans l’ESS, dont 50.000 dans le médicosocial, 20.000 dans l’aide à domicile et 20.000 dans le loisir et le sport. "Il s’agit notamment d’infirmiers, d’aides-soignants, d’éducateurs, d’accompagnateurs médicosociaux, d’auxiliaires de vie et de puériculture ou encore de formateurs", illustre le président de l’Udes. 

D’abord une bonne QVT et une juste rémunération

La dernière partie de l’enquête fournit des éléments de compréhension sur cet écart entre la théorie et la pratique. Qu’est-ce qu’un "emploi qui a du sens", était-il demandé avec plusieurs items proposés. "Une bonne qualité de vie au travail" est citée en premier (44% des sondés), suivie de près par une juste rémunération (39%, mais 47% parmi les "CSP-").

Les dimensions directement sociale ("un emploi dans lequel vous pouvez aider des gens en difficulté") et environnementale ("un emploi qui a un impact positif sur l’environnement") n’arrivent respectivement qu’en sixième et septième position. Même si elles sont bien davantage citées par les jeunes générations, ces dimensions communément rattachés aux "métiers qui ont du sens" sont jugées moins importantes que les aspects d’autonomie dans le poste et de responsabilités, les perspectives d’avenir ou encore l’utilité des services et productions au sens large. En revanche, l’impact social et environnemental de l’employeur semble bien peser puisque seuls 23% des sondés déclarent ne pas s’en soucier.

"L’Udes est confortée dans ces résultats, tout en étant un peu bousculée", commente Hugues Vidor. Certes, le travail d’une entreprise sur sa raison d’être, sa mission et son impact social et environnemental est un facteur d’attractivité mais "il est vrai que nombre de nos métiers indispensables à la société et contribuant à sa cohésion sociale ne sont pas toujours suffisamment rémunérés". Face à ce "frein à l’attractivité des secteurs" et alors que les marges de manœuvre sont réduites, "les employeurs s’engagent pour une plus grande transparence et équité dans les rémunérations avec des échelles de rémunération majoritairement de 1 à 10", fait valoir le président de l’Udes.

Aide et soins à domicile : réduire les "inéquités territoriales"

En matière d’action sociale et médico-sociale particulièrement, les leviers de la rémunération ne sont pas réellement aux mains des employeurs. Ainsi, dans le domaine de l’aide et des soins à domicile, trois départements – Mayotte, les Yvelines et les Hauts-de-Seine – n’ont pas tenu compte de la revalorisation de 15% obtenue au niveau national par la branche en octobre 2021 – "l’avenant 43" (voir notre article). "Certaines structures se sont retrouvées en grande difficulté et l’emploi à domicile a baissé dans ces territoires, tout simplement parce que l’employeur ne pouvait plus faire face aux charges nouvelles", indique Hugues Vidor, également directeur général d’Adedom.

Ce dernier ajoute que, malgré une aide de 11 millions d’euros qui a été débloquée récemment pour les centres de soins infirmiers (voir notre article), certains ont dû fermer du fait de la longueur de la phase d’instruction. Ainsi, plaidant pour une réduction des "inéquités territoriales" et pour un meilleur pilotage articulant l’aide et le soin, l’Udes soutient le projet de mise en place d’un "service public territorial de l’autonomie"

Transition écologique : mobiliser, outiller et former les employeurs

Sur l’attractivité des métiers de l’ESS, l’Udes agit à travers différentes démarches, dont son appel des employeurs engagés (voir notre article) pour encourager les entreprises de l’ESS à améliorer leurs pratiques "en termes de dialogue social, de gouvernance démocratique, de parcours professionnel des salariés, de qualité de vie au travail et de pratiques vertueuses en matière d’environnement". Ce sera d’ailleurs l’objet de la prochaine convention de l’Udes, qui devait avoir lieu ce 23 mars 2023 mais qui est finalement reportée du fait des mouvements sociaux annoncés.

Autre démarche : la plateforme Valor’ESS (voir notre article), "complétée cette année par un module d’impact environnemental". Cette plateforme s’inscrit dans un projet conduit sur trois ans et intitulé "Objectif transitions 2025", destiné à mobiliser les employeurs de l’ESS sur la transition écologique, à les outiller en termes de mesure d’impact social et environnemental et à développer l’offre de formation professionnelle continue pour une montée en compétence sur ces sujets.