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Les Français et l’eau, cette inconnue

Si la crise sanitaire n’a pas altéré la confiance dans la qualité de l’eau potable, elle semble avoir renforcé les attentes des consommateurs, estime l’édition 2021 du baromètre "Les Français et l’eau". Conduite depuis 25 ans, l’enquête montre toutefois que le taux de satisfaction, élevé, évolue peu sur la période. Et que la méconnaissance de l’eau reste importante.

La 25e édition du sondage "Les Français et l’eau" réalisé par l’institut Kantar pour le Centre d’informations sur l’eau (C.i.eau) – association des professionnels de la gestion de services d’eau et d’assainissement en France – vient de paraître. Les résultats témoignent d’une relative stabilité par rapport à l’année précédente (voire par rapport à 1996 !), même si "les consommateurs sont moins nombreux, cette année, à saluer la performance du service de l’eau sur plusieurs critères", indique le baromètre. Le C.i.eau y décèle un "retour à la normale". Si le sondage de l’an passé avait montré que la crise n’avait pas altéré la confiance portée à la qualité de l’eau (voir notre article), la présente édition relève qu’elle a "renforcé les attentes vis-à-vis du service de l’eau". Les consommateurs interrogés attendent ainsi, entre autres, davantage d’informations sur la qualité de l’eau ou d’innovations pour garantir cette dernière ou pour suivre sa consommation de manière plus régulière (39% des sondés déclarant "ne rien attendre de plus" depuis la crise). Relevons toutefois que 87% des sondés se déclarent cette année satisfaits du service de l’eau de leur commune, taux qui était de 83% en 1996, date de la première édition de ce baromètre (un taux qui a oscillé sur la période dans une fourchette comprise entre 78% au pire, 89% au mieux).

Montée des considérations environnementales

La comparaison des résultats sur le long terme met en revanche en avant la montée en puissance des considérations environnementales. Ainsi, 64% des sondés déclarent en 2021 craindre de manquer d’eau dans leur région – très majoritairement à un horizon de 10 à plus de 50 ans (18% de 10 à 20 ans, 22% de 20 à 50 ans, 18% au-delà de 50 ans), soit le double d’il y a 25 ans (32%). Et 86% déclarent désormais être attentifs aux quantités consommées – contre 66% seulement en 1996 –, et ce majoritairement pour des raisons environnementales (26% pour "participer à la sauvegarde de la planète" et 35% pour "contribuer à la préservation de la ressource en France", 39% avouant le faire pour des raisons financières). D’autres chiffres témoignent encore du chemin parcouru : 82% des sondés estiment désormais les contrôles suffisants (contre 54% en 2016) et 56% s’estiment bien informés (contre 19% il y a 25 ans).

Méconnaissance de l’eau potable et de ses usages

L’enquête montre une marge de progression certaine en matière de connaissance du cycle de l’eau potable, pointant quelques paradoxes. Ainsi, 78% des sondés pensent que l’eau potable existe à l’état naturel ("une conviction qui n’est pourtant que rarement avérée", pointe le C.i.eau), alors qu’ils sont dans le même temps 69% à estimer que les ressources naturelles en eau sont polluées et 89% à indiquer que l’eau du robinet a été traitée pour être potable… Ce dernier chiffre ne surprend guère quand on apprend par ailleurs que 53% des sondés pensent que les eaux usées sont retraitées en usine pour être transformées en eau potable (et 7% qu’elles sont rejetées telles quelles dans la nature), "alors que ce n’est jamais le cas en France", souligne le C.i.eau (les eaux sont nettoyées avant d’être rejetées dans la nature). De même, on comprend aisément alors que 87% des sondés se déclarent prêts à utiliser des eaux usées recyclées pour leurs usages domestiques (hygiène, sanitaire, nettoyage…) et même à la boire. En revanche, le fait qu’ils soient seulement 81% à accepter qu’elles soient utilisées pour arroser les légumes ne manque pas d’interroger…
Leurs usages de l’eau témoignent encore de cette méconnaissance. Ainsi, 61% des sondés déclarent utiliser directement l’eau chaude du robinet pour cuisiner – ce qui est "fortement déconseillé", pointe le C.i.eau. Ce dernier s’alarme de même que seuls 53% des sondés savent qu’il ne faut pas laisser une carafe d’eau à l’air libre, et moins d’un sur deux qu’il faut éviter de consommer l’eau d’une bouteille ouverte depuis plus de 48h ou laisser une bouteille entamée à température ambiante.

Méconnaissance du système de gestion, mais plutôt bonne connaissance du montant de la facture

La même ignorance se retrouve à l’égard de la gestion des services de l’eau. Les sondés sont majoritairement persuadés que le gestionnaire du service public fixe le prix de l’eau (49%) et décide du contrôle de la qualité (57%), alors que, rappelle le C.i.eau, "la tarification est toujours du ressort de la municipalité et que le contrôle qualité est de la responsabilité des pouvoirs publics".
De même, si 59% des sondés considèrent que le prix du service de l’eau est "plutôt cher" (en augmentation de 5 points par rapport à 2020), 63% avouent n’avoir aucune idée du prix du m3 d’eau (les 37% restants ayant toujours tendance à le surévaluer). Un paradoxe apparent à relativiser fortement toutefois, puisque les dépenses annuelles pour l’eau "sont globalement bien évaluées", même si cette fois le montant avancé est "probablement un peu en dessous de la réalité". Bref, si les sondés ne connaissent pas le prix du m3 d’eau (4,14 euros en moyenne, indique le C.i.eau) et n’ont sans doute pas une idée précise de leur consommation (autour des 100m3 par ménage en moyenne annuelle), ils ont globalement en tête le montant de leur facture, qu’ils trouvent par ailleurs précise (à 82%) et facile à comprendre (à 73%).

Une facture qui va grimper… mais pas à n’importe quel prix !

À 81%, les sondés s’attendent à payer plus cher le service de l’eau dans les années à venir, non sans raison (voir notre article). Parmi les causes proposées par l’institut qui expliqueraient cette tendance haussière, les sondés ont retenu la raréfaction de la ressource (invoquée par 54% des sondés), parce que "tout augmente" (52%), le renchérissement des traitements (46%), la pollution (41%), des normes plus sévères (31%), davantage de contrôles qualité (30%) ou de recherches et d’analyses (22%). N’étaient en revanche pas proposées l’évolution de la fiscalité et des modalités de gestion du service, qui selon l’association Amorce constituent pourtant des menaces particulièrement réelles en la matière (voir notre article).
On relèvera d’ailleurs que "l’amélioration de la performance environnementale du système" avancée par le gouvernement pour revoir le modèle de gestion de l’eau ne semble pas une raison susceptible de faire basculer les foules. En effet, si plus de 86% des sondés trouvent "normal" de payer pour le coût du traitement de l’eau potable (et 81% pour celui des eaux usées), seulement 67% des personnes interrogées trouvent "normal" de payer "des redevances pour protéger l’environnement". En outre, 52% refusent de "payer le service de l’eau plus cher pour contribuer à des mesures de solidarité".