Les futures modalités de l’"amortisseur électricité" partiellement dévoilées

Agnès Pannier-Runacher a dévoilé les modalités du futur amortisseur électricité, qui ne sera prolongé qu’au bénéfice des collectivités et entreprises ayant souscrit des contrats avec leurs fournisseurs au plus mauvais moment. Ce maintien est rendu possible par la prorogation de six mois de certaines dispositions de "l’encadrement temporaire de crise" décidée par la Commission européenne. Une prorogation qui a également permis au président de la République d’annoncer ce 28 novembre la reconduction de l’aide au carburant des pêcheurs.

"Un véritable effort pour nettoyer la situation". C’est le résumé qu’a dressé Agnès Pannier-Runacher – auditionnée ce 29 novembre par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale – de l’action que le gouvernement conduit à l’égard des entreprises – et des collectivités – toujours asphyxiées par des prix de l’électricité particulièrement élevés. En effet, si, comme le relevait récemment RTE (voir notre article du 8 novembre), les tarifs actuels de l’électricité sont sans commune mesure avec ceux de l’an dernier, certains consommateurs n’en restent pas moins prisonniers de contrats conclus au pire de la crise, comme l’alertait le maire des Orres, Pierre Vollaire (voir notre interview du 8 septembre).

Amortisseur reconduit…

Pour y remédier, l’amortisseur électricité est donc "prolongé" (de même que "le bouclier pour les logements collectifs"), a rappelé la ministre de la Transition énergétique, confirmant ainsi l’annonce faite il y a un mois par son homologue des comptes publics, Thomas Cazenave (voir notre article du 23 octobre)… et les mesures prévues dans le projet de loi de finances 2024. Un prolongement partiel toutefois, comme le redoutait le sénateur LR des Vosges Daniel Gremillet : "Si les boucliers sont reconduits, ce n’est pas pleinement le cas de l’amortisseur électricité, ni du filet de sécurité. S’agissant de l’amortisseur, l’article 52 du PLF en prévoit le principe mais ses conditions d’éligibilité sont renvoyées au décret. Or le gouvernement a indiqué envisager de recentrer l’aide 'sur les contrats le plus chers signés jusqu’au 30 juin 2023 et encore actifs en 2024' et de réviser en conséquence 'le seuil de déclenchement et le taux d’aide'", alertait-il. Ce qui le conduisait d’ailleurs à proposer dans son rapport "d’inscrire dans la loi les bénéficiaires de cet amortisseur".

… avec des modalités revues

Non sans raison. "[L’amortisseur] permettra de prendre en charge les contrats qui ont été conclus au moment où le prix de l’électricité était au plus haut, c’est-à-dire jusqu’au 30 juin 2023", déclare en effet Agnès Pannier-Runacher. Elle précise : "Tous ces contrats, qui pour certains se prolongent en 2024, parfois jusqu’en 2025, nous allons les traiter maintenant en faisant en sorte que le surplomb que nous constatons par rapport à 350 euros [250 euros, corrige son ministère] sera pris en charge à 75% et sans plafond, puisque certains se voyaient imposer un plafond au-delà de 500 euros. Là il n’y aura pas de plafond." 

Concrètement, outre le fait que seuls certains contrats sont donc concernés, le seuil de déclenchement serait relevé de 180 euros/MWh à 250 euros/MWh. "Quid des entreprises qui ne seront plus couvertes et subiront une hausse de leur facture pouvant atteindre 38%", interroge en conséquence Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des indépendants et des TPE, également concernés. Le taux de l’aide serait en revanche, lui, porté de 50 à 75% et son montant serait désormais proportionnel au prix contractuel même lorsque ce dernier dépasse les 500 euros/MWh (voir notre article du 4 janvier).

Collectivités éligibles

Les autres conditions d’éligibilité ne devraient pas être modifiées. L’amortisseur devrait continuer de bénéficier à toutes les collectivités (et leurs groupements) non éligibles au bouclier électricité (et aux sites non éligibles au bouclier des collectivités éligibles à ce dernier), aux personnes morales de droit public qui emploient moins de 250 personnes et dont les recettes annuelles n’excèdent pas 50 millions d’euros ainsi qu’aux personnes morales de droit public dont les recettes annuelles provenant de financements publics, de taxes affectées, de dons ou de cotisations sont supérieures à la moitié des recettes totales. 

Une prolongation rendue possible par la Commission européenne

"Je vous annonce que nous avons obtenu l'accord de la Commission européenne pour prolonger les aides [électricité] en 2024", confirmait ce 30 novembre la Première ministre au salon Impact PME. Soulignons que cette prolongation est permise par la décision de la Commission du 20 novembre dernier modifiant en partie l’encadrement temporaire de crise et de transition en matières d’aides d’État, adopté le 23 mars 2022 pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, et révisé le 9 mars 2023. C’est en effet cet encadrement qui avait rendu possible l’an passé ce régime d’aides "amortisseur électricité" d’un montant de 3,5 milliards d’euros, validé par la Commission en avril (voir notre article du 5 avril).

Relevons qu’avec sa décision de la semaine passée, la Commission prolonge de 6 mois (jusqu’au 30 juin prochain) à la fois :
- les "montants d’aides limités" pouvant être accordés par les États membres – montants par bénéficiaire qu’elle porte d’ailleurs de 250.000 à 280.000 euros pour le secteur de l’agriculture, de 300.000 à 350.000 euros pour les secteurs de la pêche et de l’aquaculture et de 2 à 2,5 millions d’euros pour tous les autres secteurs. C’est dans ce cadre qu’ont pu également être apportées les aides françaises de 60 millions d’euros aux agriculteurs biologiques, de 5 millions d’euros aux producteurs de pommes de terre, de 9 millions d’euros aux producteurs de lavande ou encore l’aide aux carburants pour les pêcheurs (voir notre article du 12 octobre). C’est d’ailleurs cette décision qui a permis au président de la République d’annoncer ce 28 novembre, lors des assises de l’économie de la mer, la prolongation de cette aide au carburant (de "20 centimes par litre") jusqu’en juin prochain ;
- la possibilité pour les États membres d’octroyer des aides destinées à compenser les prix élevés de l’énergie, uniquement "si les prix de l’énergie dépassent de manière significative les niveaux d’avant-crise" (par exemple les aides aux secteurs à forte intensité). 

Notons toutefois que les autres sections de l’encadrement relatifs à la crise (c'est-à-dire les garanties publiques et les prêts bonifiés d’une part, les mesures visant à soutenir la réduction de la demande d’électricité d’autre part) ne sont, elles, pas reconduites. En revanche, les mesures relatives à la transition vers une économie à zéro émission nette de l’encadrement restent, elles, disponibles jusqu’au 31 décembre 2025. Parmi elles, figure notamment le régime d’aides français de 300 millions d’euros aux entreprises investissant dans l'utilisation de combustibles solides de récupération (CSR).

  • La Commission propose de prolonger également d’autres mesures d’urgence énergétique

La Commission européenne a proposé ce 28 novembre au Conseil de prolonger pour un an d’autres mesures d’urgence prises pour répondre à la crise énergétique – et initialement prévues pour être temporaires : les mesures dites de solidarité gazière (règlement 2002/2576 du 19 décembre 2022), les règles relatives à l’octroi de permis pour les projets d’énergies renouvelables (règlement 2022/2577 du 22 décembre 2022 – voir notre article du 10 novembre 2022) et les mesures du mécanisme de correction du marché du gaz (règlement 2022/2578 du 22 décembre 2022). Si les deux premiers textes avaient pu être adoptés sans trop de douleur (voir notre article du 29 novembre 2022), le dernier, qui prévoit notamment un mécanisme de plafonnement du prix du gaz, avait peiné à voir le jour (voir notre article du 3 janvier).

 

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