Les pistes de la Cour des comptes pour développer l’emploi touristique en outre-mer
La Cour des comptes s’est penchée pour la première fois sur la situation de l’emploi touristique en outre-mer. Un secteur d’activité stratégique, facteur de développement local mais qui peine à assurer sa nécessaire transition d’un "modèle balnéaire" vers un tourisme "vert".
© thierry64 Istock/ Les Anses d'Arlet, Martinique
Que ce soit en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie comme en Polynésie française, le tourisme est un secteur majeur des économies locales qui contribue fortement au PIB des territoires ultramarins. Cependant, constate la Cour des comptes dans son rapport, "le dynamisme de l’emploi touristique y demeure limité et se heurte à des fragilités structurelles" : que ce soit sur le champs du recrutement, de la précarité des conditions de travail ou encore la vulnérabilité face aux crises sociales ou climatiques. La Cour des comptes conclut même à un essoufflement du "modèle balnéaire" hérité des décennies passées.
Vers la fin du "modèle balnéaire" et la massification des flux ?
S’agissant du poids économique du secteur du tourisme, le rapport fait état d’une alternance d’accélérations et de reflux du modèle prédominant : avec, d’un côté, un essor de l’équipement hôtelier, la mise en place de dispositifs d’incitation à l’investissement et par voie de conséquence une croissance de l’emploi du secteur du tourisme ; et, de l’autre côté, un impact non négligeable des catastrophes naturelles, des crises sociales et sanitaires et surtout, de la concurrence étrangère dans les bassins concernés. Ce que constate par ailleurs la Cour des comptes, c’est que l’essoufflement du secteur, préalable à la crise sanitaire, "ne s’est pas démenti par la suite" et que la reprise n’a pas été à la hauteur des attentes.
En réponse à ces difficultés, les pouvoirs publics ont mis l’accent sur la question des compétences et des qualifications, souligne le rapport, ainsi que sur la formation et l’emploi dans le secteur du tourisme "en lien avec l’émergence de la notion de tourisme durable". Mais avec un biais : la difficulté à quantifier l’activité touristique et donc à mesurer l’emploi touristique stricto sensu. En conséquence, il persiste une coexistence de tensions de recrutements entre le secteur du tourisme et un vivier de main-d’œuvre caractérisé par un taux de chômage important chez les jeunes ; un taux 2 à 4 fois plus élevé qu’en Métropole selon les territoires ultramarins. Un "paradoxe" à propos duquel la Cour avance une explication : le manque d’attractivité des métiers du tourisme est lié tout à la fois aux niveaux de salaires pratiqués, aux conditions de travail ainsi qu’à "des représentations symboliques" et à l’inadéquation entre les besoins de recrutements et les compétences disponibles. Phénomène largement amplifié par le vieillissement de la population ainsi que la mobilité des jeunes hors des territoires ultramarins (à l’exception notable de La Réunion).
Une offre de formation qui doit s’adapter aux besoins nouveaux
Face à ce constat, la Cour des comptes ébauche plusieurs pistes afin de mieux adapter les outils des politiques de l’emploi et de la formation aux réalités locales des territoires ultramarins. Le premier enjeu concerne l’accompagnement par les pouvoirs publics des territoires ultramarins "pour qu’ils disposent des moyens de mesurer les retombées de l’activité touristique de façon plus actualisée", notamment en termes d’emploi. Le second levier concerne la mobilisation des aides nationales à l’emploi et à la formation qui ne sont pas directement fléchées vers le champs du tourisme avec pour conséquence un décalage entre les outils de la politique de l’emploi et de la formation et la réalité économique des territoires. La Cour déplore ainsi une "absence de stratégie dans le secteur du tourisme en termes de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences". Enfin, l’offre de formation doit mieux s’adapter aux évolutions des besoins : le rôle des accords régionaux de développement de l’emploi et des compétences (Edec) est souligné par le rapport, et plus largement celui de l’Etat et des régions qui doivent mieux accompagner les mutations vers la transformation digitale et la mise en œuvre d’un tourisme durable.
Ce repositionnement vers un tourisme "vert", insiste la Cour des comptes, va nécessiter en premier lieu des diagnostics locaux détallés ainsi qu’une identification précise des domaines et métiers partagés entre les secteurs du tourisme et du développement durable. Un préalable à une meilleure coordination des acteurs locaux et à la construction de schémas d’organisation mieux définis. Au final, la Cour prône "une mise en cohérence de l’ensemble des documents programmatiques de l’Etat et des collectivités" afin de favoriser l’émergence d’une véritable stratégie pour l’emploi touristique, en s’appuyant notamment sur les pactes régionaux d’investissement dans les compétences (Pric).