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LFR 2021 : le thermalisme peut sortir la tête de l'eau

Une enveloppe de 200 millions d’euros est prévue dans la loi de finances rectificative pour 2021 publiée le 20 juillet pour venir en aide aux régies publiques. Sur le total, 120 millions d’euros viendront directement compenser les pertes des régies publiques et 80 millions d’euros seront octroyés aux communes qui ont versé à leur régie une "subvention d’équilibre" pour leur permettre de tenir. Avec la reprise d'activité cet été, le plus dur est passé.

Une mesure importante dont il faudra suivre la mise en œuvre, notamment le décret d’application. C’est en substance l’avis de la députée des Hautes-Pyrénées Jeanine Dubié, présidente de l’Association nationale des élus de montagne (Anem) concernant la nouvelle disposition de la loi de finances rectificative pour 2021 parue au Journal officiel le 20 juillet (article 26, ex-article 10) venant compenser les déficits d’exploitations des régies municipales liés à la crise. "Je suis satisfaite qu’on ait pu faire avancer le sujet. Mais est-ce que ce sera suffisant pour compenser les pertes de la quinzaine de régies thermales ?", interroge l’élue qui, dès le mois de février, avait alerté le gouvernement sur la situation "catastrophique" des stations thermales contraintes de fermer depuis le premier confinement de mars 2020. Double peine pour les régies thermales : elles étaient exclues des mécanismes d’aide réservés au secteur privé. Cet article 26 est pourtant l’une des mesures emblématiques de ce "budget de transition", comme l’a appelé le gouvernement, qui, anticipant une hypothétique "sortie de crise" est venu recharger les dispositifs d’urgence (fonds de solidarité, activité partielle, compensation d’exonérations), tout en renforçant les compensations pour les pertes de recettes des collectivités. L’article vient ainsi corriger une double injustice. Tout d’abord vis-à-vis des collectivités (souvent les plus grandes) qui ont recours à des délégataires privés éligibles aux aides. En début d’année, un dispositif "ad hoc" avait été de surcroît instauré pour les stations de ski afin de couvrir leurs coûts fixes (notamment les dépenses d’entretien nécessaires même en période de fermeture). Ce dispositif, nécessitant une dérogation de Bruxelles, visait aussi bien les structures privées que publiques, dont les régies de remontées mécaniques. Par mimétisme, un dispositif similaire avait été accordé aux stations thermales au mois de mars, mais uniquement sous statut privé (voir notre article).

1.400 régies concernées

Pour remédier à cette situation, le collectif budgétaire a prévu une enveloppe de 200 millions d’euros, qui devrait bénéficier à quelque 1.400 régies en France (piscines, restaurants, parkings…), même si le dispositif a été taillé sur mesure pour les régies thermales. La loi exclut en revanche toute une série de services : production ou distribution d'énergie électrique ou gazière, abattoirs, gestion de l'eau ou assainissement des eaux usées, collecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés, chauffage urbain, pompes funèbres, aménagement, entretien des voiries, laboratoires d'analyse, numérique et secours et lutte contre l'incendie, organisation de la mobilité, exploitation de remontées mécaniques.

Concrètement, les régies (communales, intercommunales, syndicats mixtes et, après ajout du Sénat, départementales) exploitant un Spic (service public industriel et commercial) percevront une dotation pour couvrir leur perte d’exploitation brute (c’est-à-dire la différence entre les recettes réelles de fonctionnement et les dépenses réelles de fonctionnement, aussi appelée "capacité d’autofinancement") par rapport au niveau de 2019. La dotation est limitée à 1,8 million d'euros par régie, en raison du droit européen. A noter que la dotation n’est pas due "lorsque les dépenses réelles de fonctionnement de l'année 2019 de la régie étaient supérieures de 50% aux recettes réelles de fonctionnement de la même année". Par ailleurs, les dotations de moins de 1.000 euros ne seront pas versées. Les dotations devront avoir été notifiées avant le 31 décembre 2021.

Un compromis trouvé pour les "subventions d'équilibre"

Pour les SPA (services publics administratif), financés directement par les ressources propres des communes, un "fonds d’urgence" avait initialement été envisagé. C’est finalement une dotation qui est là encore proposée, prenant en compte à la fois leur perte d’épargne brute (supérieure à 6,5% par rapport à 2019) et la baisse de recettes tarifaires. A noter un amendement sénatorial qui a prévu de prendre en compte les pertes de recettes tarifaires subies par les centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS) et les caisses des écoles dans le calcul des pertes tarifaires des SPA.

Mais l’examen a fait ressortir un problème : que faire des "subventions d’équilibre" que les communes ont parfois versées à leur régie (du budget principal vers le budget annexe) pour leur permettre de maintenir la tête hors de l’eau ? Plusieurs parlementaires ont demandé à les défalquer des recettes de la régie afin de ne pas amoindrir d’autant la dotation. Le gouvernement s’y est opposé mais a proposé un compromis : consacrer 80 millions d’euros (sur les 200) à la compensation des recettes des collectivités qui ont ainsi vu leur épargne brute se dégrader fortement. "C’est une amélioration, mais cela ne répond pas totalement au sujet", regrette Jeanine Dubié.

"Un rattrapage normal au regard des exploitants privés"

Les professionnels attendent à présent le décret d’application avec impatience. C’est le cas de Joffrey Chalaphy le directeur des Grands Thermes de la Bourboule (Puy-de-Dôme), une régie autonome qui a enregistré une perte sèche de 430.000 euros en 2020. Elle a aussi été victime des imbroglios administratifs dans la gestion de la crise. Une situation "épique", témoigne le directeur, puisqu’elle avait reçu 273.000 euros d’aides (fonds de solidarité, coûts fixes…) avant que la DGFIP ne se rende compte de son erreur et en demande le remboursement. Il a fallu une intervention directe d’Olivier Dussopt demandant d’attendre la nouvelle mesure contenue dans le budget rectifié.

La régie, qui a connu une épargne de 350.000 euros en 2019 et une perte de 430.000 euros en 2020, s’attend donc à recevoir un chèque de 780.000 euros (le delta entre les deux). Sauf que, comme d’autres stations thermales, elle a reçu un à-valoir de 258.000 euros de la Cnam pour la période d’avril à juillet 2020, avec obligation de le rembourser avant le 31 décembre 2021. Or cet à-valoir avait été inscrit dans la comptabilité de la régie en recettes. La régie risquait donc de se trouver dans la même situation que pour les subventions d’équilibre. Finalement, un accord a été trouvé avec le Trésor public : l’argent a été mis sur un compte d’attente (dit de "classe 5") de façon rétroactive. "Si l’Etat nous compense les pertes de 2020, honnêtement c’est un moindre mal, ce serait un rattrapage normal au regard des exploitants privés qui ont reçu 90% de dédommagements au titre des frais fixes et du fonds de solidarité", explique Joffrey Chalaphy. Pour les pertes de 2021 en revanche, rien n’est encore prévu. Mais les stations thermales ont d’autres raisons de se réjouir. Elles ont obtenu d’être éligibles au nouveau fonds Avenir montagne de 331 millions d’euros. "C’est un point très positif pour les communes de montagne, car le thermalisme fait directement partie de la diversification économique qui est recherchée", estime Jeanine Dubié. Sur le plus long terme, le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme, Jean-Yves Gouttebel a bien remis son rapport sur l'avenir du thermalisme au gouvernement (voir aussi notre article). Mais il a pour le moment été mis sous le boisseau.