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Lutte contre l'illectronisme : des subventions adaptées aux moyens des territoires

Le secrétaire d'État au numérique, Cédric O, était auditionné mercredi 9 septembre 2020 par la mission "lutte contre l'illectronisme et inclusion" du Sénat. L'occasion de détailler le volet inclusion numérique du plan de relance. Les financements, fléchés principalement vers les formateurs, devraient inclure un système de péréquation pour tenir compte des disparités territoriales.  

Sur un dossier qu'il suit depuis plusieurs années, en tant que conseiller au numérique du président de la République devenu secrétaire d'État, Cédric O a tenu à rappeler aux sénateurs de la mission "lutte contre l'illectronisme et inclusion" que le plan de relance s'inscrivait dans la continuité des actions déjà engagées. "Avant de dépenser de l'argent, il faut d'abord savoir ce qu'on va en faire. Ces dernières années, nous nous sommes attachés à structurer et mettre en réseau les acteurs de l'inclusion numérique, à faire en sorte que les territoires se parlent" a-t-il expliqué. C'est la stratégie des "hubs territoriaux" et des "fabriques numériques" de territoires lancées ces derniers mois. Une stratégie complétée d'un "outillage" des acteurs, avec notamment la mise en place de la Mednum, en 2017, cette coopérative des acteurs de la médiation numérique en France dont l'ambition est d’accompagner les transitions numériques des territoires (notre article du 30 novembre 2017) et le dispositif "aidants connect" pour la réalisation de formalités en ligne (notre article du 18 juillet 2019 ). Quant au pass numérique, s'il n'y a aujourd'hui que 200.000 pass délivrés, ce serait avant tout par "manque de formateurs financés".

L'aide adaptée aux moyens des territoires

Les 250 millions d'euros (sur deux ans) du plan de relance visent à remédier à cette carence en finançant pour l'essentiel des postes de formateurs spécialisés. Des bras qui doivent permettre d'accompagner "les 6 à 7 millions de personnes" qui peuvent devenir autonomes dans la manipulation des outils ou la réalisation de formalités. Quelles seront les modalités d'accès aux financements ? "Ce sera discuté avec les territoires" a assuré le secrétaire d'État. Interrogé sur la trentaine de départements en dehors de toute convention inclusion numérique et/ou manquant de moyens financiers – les conventions prévoit un financement 50/50 État/collectivités - Cédric O a affirmé que dans certains cas, l'État pourrait financer la totalité des postes "sous réserve que la personne fasse de la formation et non de l'accueil". 

Financement à discrétion des préfets ?

Les préfets devraient surtout être à la manœuvre pour accélérer le déploiement de l'offre de formation, notamment dans les départements où il n'y a rien. En clair, les financements ne passeront pas systématiquement par des appels à projets mais pourraient être gérées directement par les préfets. Une mécanique qui passe néanmoins par un état des lieux des besoins et des structures d'accompagnement. "Seules les collectivités peuvent le faire" a insisté Cédric O. Si les financements pourraient aussi profiter à des lieux, l'équipement des familles est a priori exclu. "Les stratégies d'équipement massif, comme on l'a vu dans l'éducation, se sont soldées par des échecs" a-t-il fait valoir. Quant à ce qui se passera dans deux ans, une fois les formateurs financés par le plan installés, le secrétaire d'État est resté très évasif.

Le CNNum demande un changement d'approche de l'inclusion numérique

Salwa Toko, présidente du Conseil national du numérique (CNNum), qui a précédé Cédric O au Sénat, a estimé que le chiffre de 13 millions de personnes victimes d'illectronisme était "largement sous-estimé". Si elle s'est félicitée du plan de relance, elle a estimé que le gouvernement "ne prenait pas les choses par le bon bout". La stratégie serait selon elle trop centrée sur l'outillage, le solutionnisme technologique, le financement des lieux au détriment de l'humain. "Créer des lieux dédiés à l'inclusion numérique n'est pas une bonne idée, car cela contribue à stigmatiser les personnes qui les fréquentent" a-t-elle aussi déploré. Elle a aussi pointé les limites du recours aux associations dans ce domaine car celles-ci "se font concurrence au lieu de travailler en réseau".  Elle a plaidé pour une approche "holistique de l'illectronisme", s'attaquant à la "littéracie" numérique (culture générale) comme à l'enseignement des outils techniques.