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Habitat - Mal-logement : 600.000 enfants en danger

La Fondation Abbé-Pierre a rendu public, le lundi 1er février, son quinzième rapport annuel, dans lequel elle dresse un tableau fort sombre de la situation du logement, en privilégiant cette année le point de vue des enfants. Un état de fait très dur, auquel Benoist Apparu a tenté d'apporter des réponses.

"Dis, maman, c'est tout moche, tout moisi ici. Quand est-ce qu'on aura une vraie maison ?" Cette phrase d'enfant a été prononcée par une association lors de la présentation du quinzième rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre. Elle résume la violence du thème principal retenu cette année par la Fondation : la situation des plus jeunes, "victimes collatérales du mal-logement". La Fondation a, comme habituellement, dénoncé la situation du logement en France en s'appuyant sur de très nombreuses données statistiques et avancé des propositions destinées "à établir les fondements d'une grande politique du logement digne d'un pays comme la France". Des propositions auxquelles Benoist Apparu, le secrétaire d'Etat au Logement, est venu "réagir" après avoir rappelé que les "associations mettaient en débat les sujets de société" quand le gouvernement, pour sa part, "y apportait des solutions". Certains dans la salle n'ont pas apprécié d'être cantonnés à un rôle d'agitateur d'idées.

 

"Ecoper la barque avec une cuillère"

Raymond Etienne, président de la Fondation, a rappelé tout d'abord que l'important n'était pas tant de faire des lois que de les appliquer. Pour la Fondation, "tous les outils législatifs sont là", manquent les moyens. Patrick Doutreligne, directeur général de la Fondation, a ainsi dénoncé le désengagement de l'Etat et exprimé son sentiment "d'écoper la barque avec une cuillère". Pourtant, paradoxalement, les chiffres publiés (p.142 du rapport) témoignent d'une progression du nombre de logement sociaux financés ces dernières années : ainsi entre 2004 et 2009, les logements d'insertion (PLAI) sont passés de 6.000 à 20.000, les logements sociaux standards (PLUS) de 41.000 à 57.000, enfin la progression la plus importante concerne les logements intermédiaires (PLS) qui passent de 72.000 à 115.000. Or 2004, c'est la mise en œuvre des premières délégations des aides à la pierre, et c'est également le lancement du Programme de cohésion sociale. D'où la position quelque peu compliquée de la Fondation, qui tout en dénonçant le désengagement de l'Etat et en critiquant le poids des logements PLS dans le total, a reconnu l'importance des constructions de ces dernières années et demandé la poursuite du plan de cohésion sociale. Elle a dénoncé également le report de l'effort sur les collectivités territoriales, s'est inquiété des ventes des logements HLM ou du recentrage des crédits sur les zones tendues, destinés à "masquer le désengagement  de l'Etat". Plus largement, et comme toujours de manière informée, la Fondation a fait une vingtaine de propositions, sur lesquelles nous reviendrons dans notre édition de demain.

 

Les caisses sont vides, vendons des logements !

Face à ces critiques, Benoist Apparu a "rendu hommage" au travail de la Fondation et affirmé rechercher son "soutien". Il a assuré qu'une "grande partie de ses (orientations politiques) se retrouvent dans les propositions de (la) Fondation et sont en cours de mise en œuvre". Une affirmation qui a provoqué, dès le début du discours, des huées dans la salle. Mais, accroché à son texte, le secrétaire d'Etat a tenu le choc. Il a repris sa formule désormais célèbre selon laquelle parmi les 120.000 logements financés l'an dernier, 75% étaient situés en zone non-tendue ou moyennement tendue, et seuls 25% en "zone A". Une précision importante qui ne se trouvait pas dans ses précédentes interventions. La zone A : c'est Paris, la première couronne, la Côte d'Azur et le genevois français. Ainsi, un logement social construit à Lyon, Lille ou Rennes n'est pas en "zone tendue". La circulaire de programmation, dont on attend pour ces jours-ci la publication, devrait mettre ces discours à l'épreuve des faits.
Le secrétaire d'Etat a ensuite insisté sur sa volonté "là où il y a crise du logement" - comprendre qu'elle n'existe pas partout - , de "renforcer l'offre nouvelle", pas seulement par la construction mais aussi par l'acquisition-amélioration. Dans ce cadre, les organismes HLM devraient acheter des logements "en diffus", logements qui seraient "gérés par des associations". Benoist Apparu a ensuite affirmé vouloir "conjuguer" et "non opposer" les aides à l'investissement privé Scellier et les aides au logement social. Sur la réorganisation du secteur HLM, il s'est montré ouvert à des solutions autres que le regroupement d'organismes si les HLM lui "prouvent qu'elles seront plus efficaces". Enfin, appelant la salle à être "réaliste", il a jugé "évident que la dépense budgétaire publique pour le logement" ne pourra connaître une "croissance à deux chiffres"... et justifié ainsi sa politique de vente de logements sociaux. Tous ces points devraient être précisés lors d'une conférence de presse prévue mercredi.

 

Pourquoi un enfant reste dans sa poussette…

Des déclarations - on s'en doute - accueillies fraîchement par les élus et les praticiens du secteur du logement présents dans la salle. D'autant plus fraîchement que le début de la matinée avait été consacré à évoquer la situation des enfants qui survivent dans la rue, sont hébergés chez des tiers, à l'hôtel ou dans des structures d'hébergement. Plusieurs intervenants ont souligné la "bombe à retardement" que constituaient de telles situations : intoxication au plomb, affections respiratoires, manque de sommeil, problème d'hygiène, climat d'insécurité, absence d'espace privé, etc. Autant de souffrances qui empêchent ces enfants - dont la Fondation estime le nombre à 600.000 - de se construire un avenir. La quarantaine de pages du rapport consacrées à ce thème, fondées sur de nombreux travaux scientifiques, comportent des témoignages édifiants comme celui cette mère d'un enfant de deux ans qui ne marche pas. Elle explique pourquoi elle ne sort jamais son enfant de sa poussette : "A la maison, il reste dans son lit. Je ne peux pas le mettre par terre car il n'y a pas de place" (p.80).
 

Hélène Lemesle

 
 

 

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