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Education - "Malgré les efforts, un collège implanté dans un quartier difficile reste repoussoir", mais les acteurs de l'éducation ne désespèrent pas

L'Association française des acteurs de l'éducation a organisé, le 2 mars dernier, à Lyon, le premier colloque interacadémique en Auvergne-Rhône-Alpes sur le thème de la mixité sociale. Les participants ont souligné la nécessité d'impliquer les parents, parfois "angoissés" à l'idée de "ce qui se passe non pas à l'intérieur mais autour du collège", a décrit Jean-Pierre Batailler, l'IA-Dasen de la Loire. Ce département est engagé dans l'expérimentation visant à améliorer la mixité sociale dans les collèges, comme la vingtaine d'autres en France.

"Nous avons observé dans d'autres pays des politiques volontaristes de mixité sociale, la France est en retard", affirme Nathalie Mons, présidente du Cnesco (Conseil national d'évaluation du système scolaire), lors du colloque de l'Association française des acteurs de l'éducation (Afae) qui a réuni près de 200 participants le 2 mars à Lyon. Les enquêtes Pisa "montrent que la France est le pays européen le plus affecté par le déterminisme social", ajoute la rectrice de Lyon, Françoise Moulin Civil.
Dans cette région académique, quatre départements (Haute-Loire, Loire, Puy-de-Dôme, Haute-Savoie) se sont engagés dans l'expérimentation visant à améliorer la mixité sociale dans les collèges, sur une vingtaine au total en France (voir notre article du 10 novembre 2015). Plusieurs démarches sont possibles : créer des secteurs communs à plusieurs collèges, redécouper les secteurs, fusionner des établissements...

Fermer certains établissements

Quand les parents ont le choix entre deux collèges dans un même secteur, "on prend en compte leurs contraintes, sans pour autant être dans une démarche d'évitement", explique Françoise Cartron, vice-présidente du Sénat et rapporteuse du projet de loi de refondation de l'école en 2013.
Jean-Pierre Batailler, IA-Dasen de la Loire, ne s'interdit pas de "réfléchir de façon collégiale" à la possibilité de fermer certains établissements. "Il y a 10 ans, un collège a fermé : l'établissement qui a récupéré ces enfants fonctionne très bien aujourd'hui", témoigne-t-il. Le Dasen cite les cas de collèges REP + qui ont reçu "beaucoup de moyens et où les équipes mènent un travail remarquable", mais qui n'arrivent pas à atteindre la mixité sociale et "où les résultats scolaires ne suivent pas (avec 23% de réussite au diplôme national du brevet par exemple)". Les parents "nous parlent de ce qui se passe non pas à l'intérieur mais autour du collège : malgré tous les efforts, un établissement implanté dans un quartier difficile reste repoussoir", décrit Jean-Pierre Batailler.

"Les parents avancent souvent l'argument du climat scolaire"

Les parents "qui veulent éviter un collège avancent souvent l'argument du climat scolaire plutôt que la qualité de l'enseignement : ils craignent pour la sécurité et la réussite de leurs enfants", confirme Valérie Marty, présidente nationale de la Peep. Elle croit néanmoins que "la majorité des parents sont favorables à la mixité sociale, car ils sont conscients de l'importance de côtoyer des élèves de milieux différents". La présidente de la Peep recommande l'organisation de rencontres pour expliquer le projet d'établissement d'un collège "et tisser un peu de confiance entre les parents et l'institution".
Les parents "sont angoissés, il faut les accompagner", ajoute Claude Bisson-Vaivre, médiateur du ministère de l'Education nationale et vice-président de l'Afae. Il conseille notamment aux chefs d'établissements "de mettre régulièrement les sites internet à jour", un moyen simple d'information pour les familles.

La collectivité peut accompagner l'innovation dans la pédagogie

La carte scolaire "n'est pas le seul levier pour améliorer la mixité et la réussite", affirme Michèle Maras, vice-présidente Education du conseil départemental de la Loire. L'élue indique que sa collectivité "peut aussi accompagner l'innovation dans la pédagogie, par un soutien logistique (avec les ENT, les tablettes...) ou encore une réflexion sur les espaces (pour reconfigurer un CDI par exemple)".
L'inspecteur général Eric Favey cite pour sa part "le levier des politiques éducatives territoriales". "Aujourd'hui 4,5 millions d'enfants (au lieu d'1,5 million avant la réforme des rythmes) bénéficient des projets éducatifs locaux", salue-t-il, regrettant que les PEDT "ne concernent que les enfants de la maternelle et du primaire, pas les collégiens ou lycéens". Il recommande l'organisation de formations communes aux personnels de l'Education nationale et des collectivités.

Anticipation chez les bretons

Le conseil départemental d'Ille-et-Vilaine, fait également partie de la vingtaine de départements qui participent à l'expérimentation. Pourtant, il "n'est pas touché par un phénomène de ghettoïsation scolaire", indique Franck Pichot, vice-président en charge de l'Education et de la Jeunesse. Mais avec 10.000 habitants de plus chaque année, la collectivité souhaite "anticiper" les questions de mixité.
"Nous avons retenu trois territoires très différents, avec une ville qui connaît un essor démographique, Redon, et deux zones urbaines avec des surcapacités dans les collèges : Rennes et Saint-Malo", explique l'élu. A Rennes, la collectivité a observé des écarts en matière de mixité sociale entre les différents établissements. A Saint-Malo, la répartition des élèves (en termes de CSP) n'est pas cohérente entre les deux collèges publics. Enfin, à Redon, les deux collèges publics accueillent une population différente : l'un présente une bonne mixité sociale, l'autre compte un taux de CSP défavorisées de l'ordre de 60%, et enregistre une légère perte des effectifs. Le collège privé de Redon est associé à la réflexion. "Pour chacun de ces territoires, nous nous posons la question de l'accueil des collégiens. Pas seulement l'accueil lié aux bâtiments, mais l'accueil lié au vivre-ensemble : quelle cohésion sociale ? Quelles conditions de réussite ?", détaille Franck Pichot.

"On ne va pas changer la donne en une ou deux rentrées"

Pour Redon, le travail mené par le conseil départemental, en lien avec la communauté éducative, devrait porter sur la multisectorisation, et devrait aboutir dès la rentrée 2016. "Nous pensons fondre les deux secteurs des collèges publics en un seul", explique Franck Pichot. "On répartira les effectifs au regard de certains objectifs, et on essaiera de corriger les choses petit à petit. Il est évident qu'on ne va pas changer la donne en une ou deux rentrées". Pour Rennes et Saint-Malo, la multisectorisation ne sera pas forcément la solution : "les territoires sont différents, on ne peut pas avoir le même schéma partout", prévient le vice-président du département. "On peut aussi jouer sur les bâtiments, les options, les politiques éducatives…" Il observe également qu' "un établissement a parfois une image dégradée, sans que la situation ne soit réellement problématique. On est sur de l'inconscient".

Avec AEF

Un Vademecum pour Agir sur la mixité dans les collèges

Le ministère de l'Education nationale a diffusé, auprès des académies, un vademecum pour donner des outils de pilotage aux territoires participant à l'expérimentation visant à accroître la mixité sociale et scolaire dans les collèges, et donner des idées aux autres. Le document de 64 pages liste les solutions possibles pour renforcer la mixité, donne des conseils sur les étapes à suivre et détaille la procédure pour installer une sectorisation multi-collèges. Le ministère donne également des pistes pour obtenir l'adhésion des familles dans ces projets.
Les solutions qui peuvent être engagées "en fonction du contexte local" sont au nombre de cinq : procéder à une sectorisation multi-collèges ; procéder à un redécoupage des secteurs ; agir sur l'attractivité des établissements ; mettre en réseau ou fusionner des établissements ; fermer et ouvrir des établissements. Pour chacune de ces options (qui peuvent être actionnées simultanément), le ministère liste les avantages et les points de vigilance. Par exemple, l'option "secteur multi-collèges" permet de "rechercher une plus grande homogénéité sociale entre établissements d'un même territoire", mais oblige à "intégrer à la réflexion les établissements du privé" et à "anticiper les éventuels coûts liés à l'éloignement pour les familles (transports, restauration, etc.)".
 

AEF


 

 

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