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Culture - Musées : une fréquentation 2015 en repli

Alors que les premiers chiffres commencent à être publiés, la fréquentation 2015 des musées, mais aussi des monuments historiques, semble orientée assez nettement à la baisse, au moins en Ile-de-France. Ce recul tranche avec plusieurs années de croissance continue (voir nos articles ci-contre). Les attentats de janvier 2015 et, plus encore, ceux de novembre ont évidemment joué un rôle dans cette inversion de tendance. Mais il ne s'agit sans doute pas de la seule explication.

Une baisse de 5% pour les musées et les sites franciliens

En moyenne, la fréquentation des musées et des sites d'Ile-de-France aurait baissé d'environ 5%. Le Louvre - premier musée du monde par le nombre de visiteurs - enregistre ainsi un recul de 6,45%. Le Grand Palais - seul grand lieu d'exposition sans collections permanentes - voit sa fréquentation baisser de 6%, l'Orangerie de 4%, le musée des Invalides (musée de l'armée) de 7%, le centre Pompidou de 11% et le Quai Branly de 13%. Tous ces établissements souffrent notamment de l'impact du plan Vigipirate sur la fréquentation des publics scolaires. Ceux-ci ont ainsi reculé d'environ 25% l'an dernier au musée du Louvre comme au Quai Branly. En revanche, le musée d'Orsay s'en tire mieux, avec une quasi-stabilité (-1%).
Les quatorze musées de la ville de Paris affichent également un recul moyen de 7% du nombre de visiteurs, à l'exception du musée d'Art moderne, qui progresse de 14%.
Les monuments et sites gérés par le Centre des monuments nationaux (CMN) sont également orientés à la baisse, mais dans des proportions moindres, avec une baisse moyenne de fréquentation de l'ordre de 3%. Certains sites prestigieux et très touristiques affichent toutefois des reculs plus importants, comme le château de Versailles (-4%) ou celui de Fontainebleau (-9%).

Les attentats pèsent...

Le lien entre ce recul très marqué et les attentats de 2015 est indéniable, surtout sur la fin de l'année. Pour les musées les plus connus à l'international, la baisse de fréquentation résulte en premier lieu du moindre nombre de touristes internationaux, mais aussi français. Sur l'ensemble du mois de novembre (les attentats ayant eu lieu le 13), le nombre de nuitées hôtelières a ainsi diminué - par rapport à novembre 2014 - de 11,9% à Paris, de 6,9% en Ile-de-France et de 1,7% sur la France entière. Ce sont autant de visiteurs potentiels en moins pour les grands sites et musées.
Mais d'autres éléments - s'ils ne suffisent pas à éclairer la tendance générale - peuvent néanmoins expliquer certaines évolutions particulières. Ainsi, le musée d'Art moderne s'est distingué en 2015 par une programmation innovante, mais aussi des valeurs sûres comme Andy Warhol. De même, Orsay a tablé sur des expositions très grand public, pour ne pas dire à la limite de la provocation (le nu masculin, la prostitution…).

... mais n'expliquent pas tout

A l'inverse, certains musées connaissent une crise plus profonde, antérieure aux attentats. C'est, à l'évidence, le cas du centre Pompidou - concurrencé par le musée d'Art moderne ou la fondation Louis-Vuitton -, où la baisse de 11% succède à -7% en 2014. Dans d'autres cas, c'est l'actualité - ou son absence - qui jouent : le musée de l'Armée, qui avait battu son record de fréquentation en 2014 (centenaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale), n'a pas évidemment connu un contexte aussi porteur en 2015...
Pour porter un jugement sur l'ensemble de la fréquentation des musées en 2015, il reste à connaître les chiffres des grands établissements de province. Ceux-ci ne devraient pas afficher, en moyenne, un recul similaire à ceux des musées franciliens, d'autant qu'ils seront portés par l'ouverture de nouveaux lieux comme le musée de Confluences à Lyon (ouvert le 20 décembre 2014, il comptait plus de 800.000 visiteurs pour son premier anniversaire). Mais ces grands musées, qui ont connu des démarrages en flèche, pourraient montrer des signes d'essoufflement (Mucem, Louvre-Lens...), quand il ne s'agit pas de difficultés durables (Pompidou-Metz).

Jean-Noël Escudié / PCA