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Nouvelle offensive de sénateurs pour réguler l’installation de médecins

Le débat sur la politique d'aménagement du territoire organisé au Sénat mardi 23 mars a été quasiment monopolisé par la question des déserts médicaux. L'occasion pour plusieurs sénateurs de relancer l'idée de réguler l'installation des médecins. Solution rejetée sans surprise par le secrétaire d'État Joël Giraud qui a défendu la palette des mesures de l'Agenda rural.

"J’ai parfois l’impression d’être le ministre de la Santé dans ce débat." Assailli par les questions des sénateurs, mardi 23 mars, lors d’un débat sur la politique d’aménagement du territoire, le secrétaire d’État à la ruralité, Joël Giraud, a eu du mal à dégager une véritable stratégie d’ensemble. Et les inquiétudes des sénateurs se portent encore et toujours sur les déserts médicaux. Un mois après la publication de l’étude de l’AMRF citée à plusieurs reprises, montrant que les écarts en matière d'accès aux soins ont tendance à s'aggraver, les témoignages affluent. "Même des régions attractives perdent des généralistes, comme à Ancenis, à 40 kilomètres de Nantes. Et la situation ne fait que se dégrader", a fait savoir Ronan Dantec (EELV, Loire-Atlantique). Selon lui "l’espérance de vie des hommes est inférieure de 2,2 ans à la campagne par rapport à la ville". "L’Occitanie, surdotée il y a dix ans, est désormais sous-dotée. Or 70% des médecins partiront à la retraite d’ici 2026 et le nombre de seniors dépendants augmentera de 60%", a abondé Angèle Préville (socialiste, Lot). "En Dordogne, on compte à peine 8,3 médecins pour 10.000 habitants, un niveau largement inférieur aux moyennes régionale et nationale, et 35% de ces praticiens ont plus de 60 ans", a encore témoigné Marie-Claude Varaillas (communiste, Dordogne), rappelant en outre que "les jeunes médecins assurent moins de consultations que leurs aînés".

"La coercition n’a jamais fait florès en matière médicale"

Alors que l’étude l’AMRF estime à 10 millions le nombre de Français qui résident dans des zones sous-dotées (à noter que le quatrième volet de cette étude consacré cette fois-ci à l'accès aux urgences vient d'être publié), les sénateurs disent en avoir assez des "mesurettes" et attendent des mesures plus coercitives sur l’installation des médecins. "La coercition n’a jamais fait florès en matière médicale. Les lobbies sont puissants, et jamais aucune mesure en ce sens n’a été adoptée au Parlement", a rétorqué le secrétaire d’État. Il a défendu l’Agenda rural, dont 60% des 181 mesures ont été mises en œuvre et 25% sont "en cours de réalisation" (voir notre article du jour). Or huit mesures de cet agenda relèvent de la santé. "Des médecins salariés ainsi que 1.545 assistants médicaux ont été recrutés en zone rurale, mais vous comprendrez qu’en cette période de pandémie, l’ARS peine à les redéployer", a expliqué le secrétaire d'État.

Quant au déploiement des internes, il se poursuit "avec des indemnités revalorisées à 900 euros et un forfait hébergement". Après le décret sur le contrat de début d’exercice paru en décembre, un décret sur l’encadrement des internes est en préparation en Conseil d’État. "Je crois beaucoup à cette mesure qui a fait ses preuves dans des territoires de montagne que je connais bien", a dit Joël Giraud. Il s’est aussi réjoui du développement de la télémédecine, avec le remboursement des téléconsultations.

19 milliards d'euros seront investis sur dix ans

Dans le cadre du plan de relance et du deuxième volet du Ségur de la santé, "19 milliards d’euros sur dix ans seront investis dans les territoires ruraux dès 2021". Les CRTE (contrats de relance et de transition écologique) comprendront un avenant santé, comme l’a récemment précisé une circulaire. Enfin, tenant compte des critiques formulées contre les ARS pendant la crise et des propositions du Ségur de la Santé, plusieurs mesures du projet de loi 4D (pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification) qui sera débattu au mois de juillet "visent à répondre aux besoins en santé des territoires". "Les élus seront plus présents dans la gouvernance des agences régionales de santé" et "les collectivités territoriales pourront investir dans les établissements de santé, en sus des 19 milliards d’euros du plan de relance, et auront des compétences pour gérer des centres de santé", a développé Joël Giraud alors qu’à l’instar du département de Saône-et-Loire, de plus en plus de collectivités créent des centres de santé et se dotent de médecins salariés.

Malgré cette palette de solutions nouvelles, Ronan Dantec n’en démord pas : "Il n’y a pas d’autre solution que de réguler les installations, comme on le fait dans d’autres professions", rejoint par Stéphane Sautarel (LR, Cantal) et Angèle Préville lui demandant "où en êtes-vous du déconventionnement ?"

Mercredi 24 mars, la commission des affaires sociales du Sénat a rejeté la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (dite loi "Ségur de la santé") et a annoncé le dépôt, en vue de son examen en séance publique le jeudi 1er avril prochain, d’une motion tendant à opposer la question préalable. La commission constate "le maintien de désaccords profonds" entre les deux chambres et regrette la suppression par l’Assemblée "de l’élaboration obligatoire d’un projet territorial de santé (PTS)".