Archives

Congrès des maires - Numérique dans les territoires ruraux : opportunités et principe de réalité

Lors de l'atelier du Congrès des maires consacré au numérique, des élus ruraux ont témoigné des difficultés financières auxquelles ils sont confrontés, malgré les aides de l'Etat, pour améliorer la couverture. Lors d'une séquence consacrée aux usages, l'AMF a en outre donné la parole au Syndicat des hôteliers et à l'entreprise Airbnb.

L'atelier "Territoires connectés : une transformation numérique pour tous les territoires" a constitué l'un des derniers temps d'échange du Congrès des maires, le 2 juin. Dédiée à la couverture du territoire par les réseaux très haut débit fixe et mobile, une première séquence a permis aux élus de prendre connaissance des avancées de la stratégie gouvernementale en la matière - exposée récemment en détail par Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au Numérique, lors d'une audition à l'Assemblée nationale (voir notre article du 3 juin 2016).
Pour atteindre le 100% très haut débit (THD) d'ici 2022, le gouvernement mise principalement sur la fibre - avec l'objectif d'atteindre 7 millions de prises jusqu'à l'abonné (FttH), soit un investissement de 12 milliards d'euros -, mais pas uniquement. Outre la modernisation du réseau cuivre, "on regarde des technologies non filaires, hertziennes, telles que la 4G et le satellite, des solutions qui ne seront pas équivalentes à la fibre optique jusqu'à l'abonné, mais qui permettront d'avoir du THD pour tous les abonnés", a précisé Antoine Darodes, directeur de l'Agence du numérique.

Contraintes financièrement, certaines collectivités renoncent à la fibre 

Dans cette optique, l'entreprise Eutelsat est ainsi en train de revoir toute sa stratégie et de concevoir des satellites THD qui pourraient atteindre 30 mbps en 2020. Misant sur un marché potentiel de 800.000 à 1 million de foyers à cette date, Jean-François Bureau, directeur des affaires institutionnelles et internationales d'Eutelsat, dit son entreprise prête à assumer l'investissement nécessaire – estimé à un milliard d'euros – en contrepartie de garanties des pouvoirs publics visant à réduire le risque – notamment un accès privilégié assuré aux foyers ne pouvant avoir la FttH et la création pour eux d'un "RIP satellite".
Comparant cette offre de 30 mbps aux potentialités bien supérieures de la fibre, un élu, dans la salle, s'est déclaré plutôt sceptique. Les maires et conseillers communautaires des territoires les moins bien desservis n'entendent pas être lésés sur la qualité, d'autant qu'ils ont déjà le sentiment d'une injustice, vis-à-vis des zones urbaines et périurbaines, sur les délais et leur nécessaire implication financière. Pourtant, ils sont parfois bien contraints, faute de moyens suffisants, d'accepter le compromis. Le maire de Vertheuil-en-Médoc a dû ainsi renoncer au THD : il aurait fallu pour cela "débourser 700.000 euros en cinq ans, ce qui était tout à fait impossible". Le plan finalement adopté, fondé sur la rénovation du réseau cuivre, coûtera deux fois moins cher.
"Il ne peut pas y avoir de déploiement très rapide du THD sans l'implication financière de tous les niveaux", a répondu Antoine Darodes. Ce dernier admet cependant la difficulté : selon lui, "du prêt, il y en a" - Caisse des Dépôts, Plan Juncker… - mais certains de ces prêts n'ont jusque-là pas rencontré le succès escompté.

Couverture mobile des sites stratégiques : "le reste à charge demeure trop important" pour l'AMF

C'est toutefois sur la téléphonie mobile que le groupe de travail Numérique de l'Association des maires de France (AMF) recueille le plus de "remontées, souvent négatives". Selon Michel Sauvade, maire de Marsac-Livradois (Puy-de-Dôme), le "rapprochement de la couverture" peut s'avérer "d'autant plus frustrant" pour les territoires qui ne sont pas encore concernés. Un certain "flottement", d'ailleurs, aurait accueilli la veille l'affirmation par Jean-Michel Baylet, ministre de l'Aménagement du territoire, qu'il n'y aurait plus une seule zone blanche avant fin 2016. "Ce n'est pas réaliste", a corrigé Michel Sauvade, "c'est vraiment après que cela se déploiera". L'AMF est toutefois "globalement satisfaite" de la forme actuelle du programme "zones blanches centres-bourgs". L'association n'a en revanche "pas souhaité s'associer" à la convention d'amélioration de la couverture dans les 800 sites stratégiques - passés depuis à 1.300 sites -, "le reste à charge demeurant trop important pour les collectivités". Pas question pour autant d'abandonner le dossier des zones grises : "Nous serons très offensifs sur ce point", prévient Michel Sauvade.
Sur ce nouveau programme, "tout n'est pas complètement stabilisé", a admis le directeur de l'Agence du numérique, rappelant que l'agence "ne s'occupait que des réseaux fixes jusqu'à la fin de l'année dernière". Suite aux conventions qui seront signés d'ici fin juillet, Antoine Darodes "espère" que les premiers projets seront engagés "d'ici la fin de l'année". "C'est la première fois qu'on entre sur le terrain de la qualité de la couverture mobile", a renchéri Axelle Lemaire, venue clôturer l'atelier. La secrétaire d'Etat a insisté sur le "changement de paradigme" que représentait la méthode proposée d'"appel à problèmes" au niveau local et de "responsabilisation de l'ensemble des acteurs".

Caroline Megglé / EVS

Tourisme : l'AMF donne une tribune au Syndicat des hôteliers et à Airbnb

Au cours d'une deuxième séquence de l'atelier consacrée aux expérimentations locales sur des usages extrêmement variés – le fab lab de Biarne (Jura), le déploiement des bornes de recharge de véhicules électriques en Haute-Savoie, un système billettique innovant dans l'agglomération de Saint-Omer ou encore le futur géoportail de l'urbanisme de l'IGN -, les représentants du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs et de la plateforme de location entre particuliers Airbnb ont eu l'occasion de s'exprimer.
Si le président du premier, Didier Chenet, a reconnu que l'offre de son concurrent "[répondait] à une certaine attente", il n'en a pas moins dénoncé le caractère "déloyal" de cette concurrence. Pour davantage de régulation, le Syndicat demande l'élargissement à l'ensemble des communes de la disposition contenue dans le projet de loi pour une République numérique relative à la possibilité pour une commune de plus de 200.000 habitants de mettre en place une procédure obligatoire de notification du nombre de nuitées par les hôtes, afin de limiter les abus.
Axelle Lemaire a laissé la porte ouverte à un élargissement de la mesure aux communes balnéaires ou de montagne, mais s'est opposée à un élargissement systématique, afin de ne pas freiner le développement touristique favorisé par de telles plateformes.
Nicolas Ferrari, directeur France d'Airbnb, a en effet mis l'accent sur l'accueil de "flux touristiques inexistants" jusque-là, du fait de l'absence d'hôtel. Il recense 17.000 communes dans lesquelles se trouvent au moins un "logement Airbnb". Le représentant de l'entreprise a annoncé la création prochaine d'"un programme de revalorisation du patrimoine privé" et d'un outil destiné à faciliter le relogement des populations en cas de catastrophes naturelles… Un positionnement fondé sur l'innovation et la proximité qui ne sera sans doute pas de nature à rassurer les hôteliers. Ces derniers pourront au moins se réjouir du fait que l'entreprise Airbnb collectera directement la taxe de séjour à partir de 2017, alors que cette collecte dépend aujourd'hui de la libre appréciation des propriétaires des logements loués.

C. Megglé