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CIR 3 - Comité interministériel aux ruralités : ce qui s'est dessiné à Privas

L'actualité de ce trimestre en matière d'aménagement du territoire a été marquée par le troisième comité interministériel aux ruralités (CIR), qui a réuni une bonne partie du gouvernement le 20 mai à Privas en Ardèche. Principale décision nouvelle : conclure des "contrats de ruralité" devant permettre d'"agréger" les divers dispositifs sectoriels (et leurs financements) destinés à un même territoire rural. On n'en sait guère plus depuis, mis à part le fait que François Hollande a précisé, lors de son discours du 2 juin au Congrès des maires, que 400 millions d'euros devraient être fléchés vers ces contrats (voir notre article du 3 juin). Autre annonce du 20 mai : une accélération du calendrier sur les schémas départementaux d'amélioration et d'accessibilité des services au public" (SDAASP). Pour l'heure, un seul département a signé son schéma : l'Aude, le 8 juillet (voir notre article du 25 juillet). Parmi les 36 autres nouvelles mesures listées lors de ce CIR, on a pu retrouver beaucoup de dispositions déjà connues qu'il s'agissait simplement d'élargir, de renforcer ou d'accélérer. Santé, accès aux services publics, école, téléphonie mobile, agriculture... les champs concernés étaient nombreux. Et donnent donc une vision assez transversale de ce qui se prépare pour les mois à venir.

Article initialement publié le 23 mai 2016

C'est finalement à Privas, en Ardèche, que le gouvernement s'est déplacé en nombre - une dizaine de ministres - autour de Manuel Valls ce vendredi 20 mai pour un comité interministériel aux ruralités (CIR). Le troisième du genre, après ceux de mars et septembre 2015 (voir nos articles du 16 mars et du 15 septembre 2015). Comme l'avait annoncé Jean-Michel Baylet, il s'agissait en premier lieu par ce "CIR 3" de dresser un bilan des 67 engagements des comités de Laon et de Vesoul. A ce titre, il sera dit que "100% des mesures sont lancées, 36 se déploient et 31 ont atteint ou dépassé leur objectif". Il s'agissait aussi d'impulser une série de 37 nouvelles mesures dont une bonne part sont en fait déjà dans les tuyaux ou du moins déjà connues. Avec sept entrées thématiques : santé, internet et téléphonie mobile, accès aux services publics, éducation, agriculture et économie, logement, "vive et s'épanouir" (jeunesse, culture, sport...). On y ajoutera un chapitre "normes", dans la lignée de la liste des allègements annoncés à Vesoul, portés à l'époque par le secrétaire d'Etat André Vallini (voir notre article du 16 octobre 2015). Et, surtout, un volet transversal relatif à l'action de l'Etat sur les territoires ruraux.

Une nouvelle contractualisation à l'échelle des PETR

C'est là que l'on trouvera ce qui constitue sans doute la principale annonce du rendez-vous de Privas : la décision d'instaurer des "contrats de ruralité". L'idée étant d'"agréger", de donner de la cohérence, à l'échelle d'un territoire, à la pléthore de mesures sectorielles, dispositifs et financements lancés au fil du temps, notamment mais pas seulement au gré des trois CIR. "Ces contrats permettront d'éviter les effets de saupoudrage et de mieux adapter les politiques publiques à la réalité de chaque territoire", a résumé Manuel Valls lors de son allocution à Privas. Il n'a pas été établi a priori de cartographie ni de nombre des territoires concernés, les acteurs locaux étant appelés à manifester eux-mêmes leur intérêt pour cette nouvelle contractualisation qui leur est proposée. Les acteurs locaux... en l'occurrence, en priorité, les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR, ex-"pays"). "La contractualisation se fera à l'échelle des PETR, avec au passage l'idée de pousser à la constitution de PETR. A défaut de PETR, cela se fera au niveau de l'intercommunalité. Ce sera en tout cas à une échelle infra-départementale", précise l'entourage de Jean-Michel Baylet, en sachant toutefois que départements et régions pourront s'y associer en lien avec leurs compétences.
Maisons de services au public, maisons de santé, téléphonie mobile, revitalisation des bourgs-centres... tout ou presque pourra figurer dans ces contrats. Avec les divers financements correspondants. Il s'agit bien aussi, souligne le ministère, d'y inscrire et de "conjuguer" les financements "de droit commun". Et donc d'y inclure le volet territorial des contrats de plan Etat-régions (CPER), les fonds européens (et de participer ainsi à la lutte contre leur sous-consommation), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), le fonds de soutien à l'investissement local (le "fonds de 1 milliard"), etc.
Un petit air de famille avec la proposition de loi de l'ancien sénateur UDI Pierre Jarlier visant à créer des "contrats territoriaux de développement rural" sur le modèle des contrats de ville ? (voir notre article du 26 octobre 2015) La filiation avec cette proposition de loi adoptée en octobre dernier contre l'avis du gouvernement (Sylvia Pinel, alors ministre en charge de la ruralité, avait jugé le dispositif "complexe" et "inadapté") n'est pas vraiment assumée. La comparaison avec "la dynamique des contrats de ville" l'est en revanche. Au ministère, on insiste sur le fait qu'il s'agira de "contrats très souples" permettant d'éviter toute lourde phase de diagnostic et de rédaction. L'objectif est que les premiers contrats soient élaborés à l'automne pour une signature début 2017.

Deuxième point de ce volet transverse : la nomination de "référents ruralité" auprès de chaque préfet. Un référent qui doit être "l'interlocuteur privilégié des élus et des acteurs locaux" pour la mise en œuvre des mesures prises lors des CIR. Ces référents seront donc multicartes, y compris par exemple pour les enjeux liés à la téléphonie mobile. Leur nomination est en principe déjà en cours puisqu'elle a fait l'objet d'une circulaire du 29 mars sur "la mise en œuvre des mesures gouvernementales en faveur des territoires ruraux", laquelle prévoit aussi la constitution de "comités de suivi" associant les services territoriaux de l'Etat, les associations d'élus, des représentants du département et de la région... (sur cette circulaire, voir notre article du 6 avril). Les mesures des CIR "sont insuffisamment connues" des élus locaux, avait commenté à ce sujet Jean-Michel Baylet le 10 mai lors d'une audition à l'Assemblée nationale (voir notre article du 13 mai).

Le CIR 3 évoque par ailleurs une extension du dispositif d'ingénierie rurale "Aider" (Accompagnement interministériel au développement et à l'expertise en espace rural) annoncé lors du CIR de mars. Extension et non généralisation puisque ce dispositif devant en quelque sorte apporter un substitut à la suppression de l'Atesat, jusqu'ici expérimenté pour des missions sur quatre territoires (dans la Nièvre, la Lozère et l'Ariège – voir notre article du 9 décembre) concernera désormais "dix missions par an, pendant cinq ans".
Enfin, le gouvernement compte mieux impliquer dans la "dynamique des CIR" non seulement l'Etat, les collectivités et les opérateurs, mais aussi les associations. Et prévoit à ce titre l'élaboration d'une charte de partenariat avec les grands réseaux associatifs intervenant en milieu rural.


Accès aux services publics : accélérer sur les schémas

Les "schémas départementaux d'amélioration et d'accessibilité des services au public" (SDAASP) instaurés par la loi Notr doivent commencer à être élaborés. Un travail mené conjointement par l'Etat et le conseil départemental. Certains d'ailleurs n'avaient pas attendu la loi Notr pour s'y mettre. Parmi eux, des départements en sont au stade de la consultation et du pré-diagnostic, tandis que d'autres, à l'instar de l'Aude, seraient sur le point d'approuver leur schéma. Un décret du 6 avril est venu préciser la démarche et le calendrier (voir notre article du 7 avril 2016). Ce décret fixait une échéance : fin 2017. Le CIR de Privas vient accélérer les choses puisque les préfets sont maintenant "invités à conclure les schémas dès la fin de l'année 2016". En outre, d'ici là, avant fin juillet, "l'ensemble des administrations centrales devront établir, sur une base départementale, un état des lieux prospectif de l'évolution des services publics de l'Etat dans les territoires et les transmettre aux préfets". Et ces préfets disposeront d'un "pouvoir d'alerte" auprès du gouvernement pour signaler une évolution jugée préjudiciable.

Les Maisons de services au public (MSP) font désormais partie des mesures en cours de déploiement depuis le CIR de Laon (on en comptait début avril 115 nouvelles depuis le lancement du plan, portant leur nombre total à 479 - voir notre article du 15 avril et nos articles précédents en lien), avec toujours un objectif de 1.000 MSP à la fin de l'année. Ce CIR de Privas vient simplement y ajouter un petit dispositif expérimental de "services publics itinérants en milieu rural, montagnard et périurbain", suivant en cela les préconisations d'un rapport confié au député Nicolas Bays suite, toujours, au CIR de Laon. Ces véhicules itinérants, adossés à une MSP, seront expérimentés dans l'Aisne, le Jura et le Pas-de-Calais. "C'est quelque chose que l'on va tester, voir si cela répond bien aux besoins, sachant que cela reposera sur la volonté des collectivités", confie-t-on au ministère.

Dans un référé sur la modernisation du réseau de La Poste rendu public le 10 mai (voir notre article du 12 mai), la Cour des comptes encourageait le recours aux MSP... et aux facteurs-guichetiers exerçant alternativement la double fonction de facteur et de guichetier. La Cour déplorait la lenteur de déploiement de ces derniers : selon elle, 155 bureaux avaient été remplacés par des postes de facteurs-guichetiers en septembre 2015 sur les 1.000 prévus d'ici 2018. Dans sa réponse du 27 avril, le gouvernement assurait que ce déploiement avait concerné "305 bureaux à la fin 2015". Le dossier du CIR semble là encore marquer une petite accélération, indiquant que "365 sites sont d'ores et déjà concernés" et que "1.000 le seront avant la fin 2017".

Les services publics, ce sont aussi les forces de sécurité... avec à ce titre le rappel par le CIR de deux mesures déjà effectives. Il s'agit, d'une part de "permettre l'accès aux réseaux radio des forces de sécurité intérieure par les polices municipales". Cela faisait partie des décisions prise en janvier dernier lors d'une réunion entre l'Association des maires de France (AMF) et le ministère de l'Intérieur sur la protection des polices municipales (voir notre article du 27 janvier) et cela a été validé en avril. D'autre part, le CIR reprend les termes d'une circulaire du 14 mars demandant aux préfets de mieux insérer les 55.000 "gardes particuliers" (gardes chasse, gardes pêche et gardes généralistes) dans le maillage territorial de la sécurité (voir notre article du 5 avril).

Santé : des mesures en nombre, mais pas si nouvelles

Sur la thématique santé, le retour sur les dernières années l'emporte sur les mesures nouvelles. Même si les difficultés d'accès aux soins sont loin d'avoir disparu dans les territoires ruraux, le dossier du comité interministériel aligne en effet quelques chiffres - parfois un peu anticipés - qui attestent l'effort consenti : 798 maisons de santé pluriprofessionnelles, 1.750 contrats d'engagement de service public signés pour l'installation de jeunes praticiens dans les territoires fragiles ou encore formation de 500 médecins correspondants du Samu dans les zones isolées.

Les mesures nouvelles présentées lors du comité interministériel ne sont pas si nouvelles que ça. Il en va ainsi du dispositif pour renforcer la présence de jeunes praticiens dans les hôpitaux publics dans les zones peu denses. Celui-ci - qui devrait prendre la forme d'une "prime d'engagement hospitalier" et d'une accélération de la carrière - a été présenté par Marisol Touraine le 2 novembre dernier dans le cadre de son "plan d'action pour l'attractivité de l'exercice médical à l'hôpital public" (voir notre article du 4 novembre 2015).

Il en est de même pour la création des 600 nouvelles maisons de santé pluriprofessionnelles à l'horizon 2018. Cet objectif, qui poursuit sur la lancée de la réussite de ce dispositif très apprécié des collectivités, a déjà été évoqué a plusieurs reprises, notamment lors de la présentation du "Pacte territoire santé 2" (voir notre article du 30 novembre 2015). L'objectif affiché était alors même plus ambitieux, puisqu'il consistait - dans la lignée du premier pacte - à créer 1.000 maisons de santé à l'horizon 2017. En tout état de cause, selon le comité interministériel, le nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles en activité devrait atteindre 1.200 et 2017 et 1.400 en 2018.

Sur l'installation des jeunes médecins dans les territoires fragiles - en contrepartie d'une aide financière durant leurs études – le gouvernement a annoncé 800 contrats d'engagement de service public (CESP) supplémentaires sur 2017 et 2018, ce qui porterait le total à 2.550 contrats (sachant que leur effet est différé puisqu'il faut que l'étudiant en médecine achève ses études avant de s'installer). Le Pacte territoire santé 2 prévoit pour sa part un objectif un peu plus modeste, avec 1.700 CESP signés à la fin de 2017.

Enfin, le renforcement de la modulation régionale du numerus clausus - le principe de cette dernière existe depuis toujours - doit entrer en vigueur dès cette année. Son principe a été annoncé par Marisol Touraine dans le Pacte territoire santé 2 et par Manuel Valls lors de la "grande conférence de santé" le 11 février dernier (voir nos articles du 16 février 2016 et du 30 novembre 2015). Les dix régions concernées - qui devraient bénéficier d'une hausse moyenne de 6,4% de leur numerus clausus - sont d'ailleurs déjà connues, puisqu'il s'agit (avant redécoupage des régions) d'Antilles-Guyane, Auvergne, Basse-Normandie, Bourgogne, Centre, Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Réunion et Rhône-Alpes.

Ecole : conventions ruralité, activités périscolaires et numérique

Le comité interministériel de Privas annonce que "15 départements ont déjà signé une convention ruralité, et de nombreux autres ont engagé ce dialogue", dans le droit fil du précédent CIR. Se fondant sur les recommandations du rapport remis ce jour-là par le sénateur Alain Duran au Premier ministre suite à une mission qui lui avait été confiée en octobre 2015 (rapport sur lequel nous reviendrons dans une prochaine édition), le gouvernement a décidé de prolonger la démarche en la déployant dans de nouveaux départements "et en poursuivant le dialogue avec les territoires déjà couverts, de manière à pérenniser les conventions en cours". Il assure que "des outils seront mis à disposition des acteurs locaux, notamment pour faciliter l'élaboration du diagnostic" et qu'un "suivi régulier sera mis en place aux niveaux académique et national" lequel "associera tous les acteurs intéressés et, notamment, les associations d'élus locaux".
Pour rappel, les conventions ruralité faisaient déjà l'objet du précédent CIR. Elles consistent à passer un "marché" avec les associations départementales de maires dans lequel l'Etat s'engage à ne pas réduire le nombre d'enseignants durant trois ans sur le territoire départemental (ou à le réduire dans une moindre proportion que la baisse démographique l'impliquerait mécaniquement) en échange d'un engagement des collectivités à s'organiser en regroupement pédagogiques intercommunaux (RPI).
"Les élus ruraux ne sont pas dupes. Ils ne seront ni les alibis ni les cautions de conventions lorsqu'elles sont des rabougrissements de l'offre scolaire en milieu rural", avait fait savoir l'Association des maires ruraux de France (AMRF) dans un communiqué du 24 mars intitulé "Non à la concentration territoriale de l'école rurale !". Parce qu'il y a RPI et RPI, le RPI "éclaté" (le CP dans une commune, le CE1-CE2 dans une autre et le CMI-CM2 dans une troisième) leur va bien parce qu'il permet de maintenir les écoles des villages ouvertes. Et encore : dans les limites du raisonnable compte-tenu du rythme de l'enfant contrarié par les trajets en autocars. Mais le RPI "concentré" qui consiste à "concentrer l'offre scolaire dans les pôles urbains", ça, l'AMRF n'en veut pas du tout.
Et puis, le maintien des effectifs enseignants d'une année à l'autre sur un département n'empêche pas les fermetures de classes dans les zones rurales au profit d'ouvertures dans les centres urbains. Un département comme les Pyrénées-Atlantiques y est particulièrement sensible.
Pour l'AMRF, les conventions ruralité, "déployées depuis 2014 sans avoir pour objectif le respect de la dynamique des projets de territoires et l'engagement des élus" n'ont en réalité qu'un seul objet : "L'Etat, depuis des années, organise la réduction du nombre d'écoles dans le seul but de remplir les objectifs de réduire l'investissement public scolaire". Elle "regrette que cette démarche impacte prioritairement les écoles rurales et en particulier les écoles à classe unique sans prendre en compte la réalité locale". "Il y avait 11.796 classes uniques dans les écoles rurales publiques et privées de 1980, il en reste environ 3.500 aujourd'hui alors qu'il n'y a jamais eu autant de jeunes dans le monde rural d'aujourd'hui", rappelle l'association, citant les données diffusées dans un rapport paru en 2015 du député du Lot Jean Launay.

Sur la base des préconisations du rapport de la sénatrice Françoise Cartron (voir notre article dans cette même édition), le CIR a décidé que "l'accompagnement des élus sera renforcé dans la durée pour les aider à développer des activités périscolaires de qualité, accessibles à tous les enfants". Les termes de cet accompagnement n'est pas précisé.
Par ailleurs, pour la prochaine année scolaire 2016-2017 et au-delà, "les possibilités d'adaptation prévues pour la réforme des rythmes scolaires de manière expérimentale en 2013 et 2014 (taux d'encadrement des activités périscolaires, organisation de temps scolaires dérogatoires) seront pérennisées" (il s'agit du décret Hamon et de la dérogation à l'encadrement, voir notre article sur le rapport Cartron).
D'autres préconisations du rapport de la sénatrice Françoise Cartron feront l'objet de mesures qui seront annoncées avant l'été, sans que celles-ci ne soient pour l'heure précisées.

Le numérique éducatif dans les écoles n'a pas été oublié, bien que l'enveloppe ne soit manifestement pas à la hauteur des besoins - 50 millions d'euros - et pour un temps de déploiement assez lointain, 2018, sachant que les appels à projets définissant l'opération seront lancés en 2016 et surtout en 2017. Cette dotation entre dans le cadre du développement des usages du numérique dans le but de financer : des équipements destinés aux élèves, des ressources numériques pour les écoles et le développement des infrastructures (montée en débit, réseaux WiFi, mise en réseau des écoles et du collège rattaché). Saupoudrage ou opération de préfiguration en vue de faire progresser la communauté éducative sur les solutions adaptées aux écoles rurales ? On peut craindre qu'il s'agisse d'une démarche à classer dans la première catégorie. Ou, au contraire, espérer que ce crédit sera dédié à des expérimentations significatives permettant d'avancer sur la voie d'une industrialisation des solutions aussi bien sur le plan pédagogique que sur celui des équipements et matériels.

TÉLÉPHONIE MOBILE : L'ÉTERNELLE QUESTION DES ZONES BLANCHES

Sur le volet communication, surtout consacré à la résorption des zones blanches ou partiellement desservies en téléphonie mobile, cinq propositions sont formulées, même si les deux premières - les plus importantes en termes d'impact - semblent en partie se chevaucher avec les annonces du précédent comité interministériel aux ruralités tenu en mars 2015.

Concernant les campagnes de mesures réalisées dans le cadre du plan de résorption des zones blanches dans les centre-bourgs, plan auquel 268 nouvelles communes avaient été intégrées fin 2015 (sur 1.200 candidates environ), le gouvernement annonce une nouvelle campagne de mesures d'ici l'automne 2016, destinée à intégrer au dispositif gouvernemental "Pylônes" les communes dont l'éligibilité n'aurait pas encore été prise en compte. Rappelons que le dispositif associé à ces campagnes prévoyait initialement une prise en charge de l'Etat de 50% des investissements d'infrastructures (dalle et pylône), passée à 100% (dans la limite d'un plafond de 100.000 euros par site qui passe à 130.000 euros en zone de montagne) à l'issue d'une vigoureuse vague de protestation menée par les associations d'élus. Restent néanmoins à la charge des collectivités la fourniture du foncier, la viabilisation du site et le raccordement à un réseau d'énergie.

Pour compléter ce premier dispositif, quelques ajustements sont également apportés aux territoires présentant des sites à caractère économique ou touristique mal desservis. Les collectivités rurales concernées pourront signaler leurs problèmes de couverture mobile aux commissions consultatives régionales d'aménagement numérique du territoire (CCRANT) afin que les opérateurs "y répondent par le moyen le plus adéquat" (pylônes, mutualisation, solutions de couverture à l'intérieur des logements). Pour les démarches non satisfaites par les opérateurs, les collectivités locales seront invitées à se tourner vers le guichet national de couverture mobile pour obtenir un cofinancement sur la construction des pylônes (50% couvert par l'Etat, dans ce cas et pour un plafond général fixé à 50.000 euros et à 75.000 en zone de montagne). Le nombre de sites retenus va augmenter : il passerait de 800 unités à 1.200. La seule incertitude reste le temps de déploiement des projets. En effet, le plan lancé en mars 2015 a vu son premier appel à projets clôturé le 12 mai 2016 pour une annonce sur le nombre de projets retenus prévue à la fin juillet. La deuxième vague sera lancée le 28 juillet prochain pour une décision fin octobre.

Trois autres mesures, plus limitées, sont également annoncées. D'abord, l'élargissement des compétences des CCRANT à la téléphonie mobile et aux usages numériques afin d'en faire l'instance privilégiée "de dialogue et de suivi du respect par les opérateurs de leur engagement de couverture". L'évolution se traduira par l'élargissement de la composition des commissions aux opérateurs et aux différentes catégories de collectivités et chaque préfet désignera un correspondant numérique/téléphonique afin de répondre aux questions des élus et relayer les difficultés du terrain.

Ensuite, dans la perspective d'un renforcement de la panoplie des moyens d'accès aux réseaux, le déploiement du WiFi gratuit dans chaque bourg-centre sera encouragé. Les collectivités pourront faire appel au fonds de soutien à l'investissement local, dans le cadre des contrats de ruralité, pour déployer les réseaux. Elles pourront également bénéficier de l'appui méthodologique du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) et de l'Agence du numérique.

Enfin, l'Etat va promouvoir les "territoires collaboratifs expérimentaux" sur la base des recommandations du député Pascal Terrasse auteur d'un rapport sur le développement de l'économie collaborative (sur ce rapport, voir notre article du 10 février 2016). A cet effet, un appel à projets pour favoriser l'émergence de nouvelles plateformes et espaces de co-working va être lancé. Il sera doté d'une enveloppe "de 30 millions d'euros, dont au moins la moitié fléchée sur les territoires ruraux".

Economie : entreprises, commerce, agriculture...


Le volet économique du CIR mise d'abord sur la création d'entreprises et compte naturellement s'appuyer pour cela sur la nouvelle Agence France Entrepreneur, qui vient d'entrer en service et a bien vocation à s'intéresser à "tous" les territoires fragiles, y compris les territoires ruraux, notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR). L'Agence vient d'ailleurs d'éditer un guide sur l'entrepreneuriat en milieu rural (voir notre article du 3 mai).

S'agissant du soutien au commerce, on saura que dans le cadre des futurs contrats de ruralité, une enveloppe de 20 millions sera fléchée en faveur de projets d'accompagnement de commerces (et activités artisanales) de proximité portés par des collectivités. Les dossiers "seront expertisés dans le cadre des procédures du Fisac" récemment rénové, est-il précisé.

Enfin, trois objectifs affichés lors du CIR découlent de la loi pour l'avenir de l'agriculture. Notamment avec les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE), l'une des mesures phare de cette loi (voir notre article de décembre 2015). L'objectif de 200 GIE en 2015 fixé par Stéphane Le Foll (voir notre article d'octobre 2015) ayant été atteint, il s'agit maintenant de doubler leur nombre pour atteindre un total de 400, via des appels à projets lancés en région par les Draaf et les Daaf, avec un calendrier différent selon les régions (tous sont recensés sur le site du ministère de l'Agriculture).

Autre disposition de cette même loi pour l'avenir de l'agriculture mise en avant : les groupements d'intérêt économique et environnemental forestier (GIEEF) qui permettent à plusieurs propriétaires de forêts privées de les gérer en commun. Un objectif de 100 GIEEF d'ici la mi-2017 est fixé. Il est en outre prévu de mener d'ici la fin de l'année dans chaque région une expérimentation de gestion conjointe entre forêt publique et privée.

Il est par ailleurs question de circuits courts alimentaires grâce aux projets alimentaires territoriaux (PAT), eux aussi prévus par la loi d'avenir, avec un objectif : "la labellisation d'un projet alimentaire territorial par département à échéance fin 2017, et la création de 500 projets d'ici 2020".


Habitat : renforcer les objectifs de l'Anah

Le gouvernement avait annoncé, en mars 2016, l'augmentation de 50.000 à 70.000 du nombre de logements rénovés au titre du programme "Habiter mieux" de l'Anah (voir notre article du 4 mars Rénovation énergétique : 70.000 logements visés en 2016 par le programme "Habiter mieux" de l'Anah et du 30 mars "Habiter mieux" : l'Anah adapte son budget 2016 pour atteindre les 70.000 logements rénovés). Le CIR a décidé que 40% des crédits de l'Anah seront dédiés à la rénovation des logements en milieu rural, soit un objectif de près de 30.000 logements. "Cet engagement permettra de maintenir un tissu de petites entreprises, le plus souvent artisanales, et donc de soutenir l'activité économique dans les territoires ruraux", est-il souligné.


Tourisme : développer les SPôtt

Après douze premiers contrats de structuration des pôles touristiques territoriaux "SPôTT" signés en 2015 (voir notre article du 25 juin 2015 Les douze premiers SPôTT sélectionnés), le CIR annonce qu'un second appel à projets sera lancé en juin 2016, qui sélectionnera "une dizaine de projets supplémentaires" en septembre. "Ils bénéficieront d'un soutien financier de l'Etat sous forme de journées-conseil en ingénierie d'Atout France pour structurer le projet touristique".


Culture : soutenir la numérisation des circuits de cinéma itinérant

Pour assurer la pérennité des 102 circuits de cinéma en milieu rural (couvrant 1.748 communes dont trois quarts de moins de 2.500 habitants), le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) délivre des aides pour leur numérisation. Le gouvernement indique que 86 circuits seront équipés en numérique d'ici la fin 2016 pour un montant total de 7,1 millions d'euros. Il assure que "le soutien aux circuits de cinéma itinérant se prolongera au-delà de 2016 pour les crédits destinés à l'exploitation" et précise que "en tant qu'exploitants, ils bénéficieront des aides de droit commun du CNC, y compris au titre du classement Art et essai".
Un accord signé vendredi 13 mai 2016 à Cannes par l'ensemble des professionnels du cinéma, devrait permettre aux communes rurales (et aux villes de moins de 50.000 habitants) "un meilleur accès à une offre diversifiée de films et notamment aux films indépendants 'porteurs'".

Normes : un peu de tout...

Comme cela avait été le cas lors du CIR de Vesoul, celui de Privas a donné lieu à une liste de 16 nouvelles  "mesures de simplification des normes des collectivités". Des mesures de nature et de portée hétéroclites.

Six d'entre elles portent uniquement sur les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) : diversifier la gamme de véhicules autorisés, encourager la mutualisation des achats de véhicules, favoriser la coopération entre les pharmacies à usage intérieur, clarifier le régime applicable aux conventions de prestations de services entre Sdis, collectivités et leurs groupements au regard des règles de la commande publique, revoir le contenu des formations des officiers de sapeurs-pompiers...

En matière d'urbanisme, deux dispositions liées à la dématérialisation, pour l'heure exposées de façon trop succincte pour en déterminer le contenu précis : encourager la généralisation des télédéclarations en matière d'actes d'urbanisme ; autoriser les collectivités à "mettre à disposition par voie dématérialisée les documents de l'enquête publique" (il en avait certes été question en 2014 déjà lors de la présentation par François Hollande de "50 mesures de simplification"... voir notre article du 30 octobre 2014). 
Pas plus de détails sur le terrain du patrimoine lorsqu'il s'agit de "simplifier le régime des abords des monuments historiques", sachant que cette question a fait l'objet de débats et d'amendements dans le cadre du projet de loi Création dont l'examen parlementaire n'est pas encore achevé (voir notre article du 25 mars).

Il est par ailleurs question de marchés publics avec le fait de "permettre le rattrapage en procédure formalisée de certaines offres incomplètes lorsqu'il s'agit d'une erreur", ce qui semble correspondre à ce qui est déjà prévu par le nouveau décret Marchés publics du 25 mars 2016.

Une disposition concerne l'état civil : supprimer l'obligation de transcription des actes de décès à la mairie du domicile du défunt. Elle a en fait tout récemment fait l'objet d'un amendement en commission dans le cadre de l'examen du projet de loi "Justice du 21e siècle" (voir notre article du 19 mai).

En matière de fonction publique territoriale, la liste inclut deux propositions dans le cadre de la négociation en cours sur "la santé et la sécurité au travail 2" menée par Annick Girardin (alléger l'organisation du contrôle médical et les règles de reprise du travail après une longue absence).
Sont enfin mentionnés la plateforme France Connect, le dispositif Marché public simplifié (MPS), la mise à disposition des données fiscales aux collectivités... et on attendra d'en savoir plus sur le "Dites-le-nous une fois pour les collectivités territoriales".