Pour le Conseil d'État, les collectivités aussi doivent agir dans "le temps long"

Dans l'étude annuelle qu'il a présentée ce 10 septembre, le Conseil d'Etat appelle à "inscrire l'action publique dans le temps long". Ce qui le conduit notamment à proposer le renforcement de la capacité de prospective des collectivités… Et à promouvoir les avantages de l'autonomie fiscale locale.

"Toutes les politiques gagnent à être projetées dans le temps long", plaide le Conseil d'État dans son étude annuelle, rendue publique ce 10 septembre. Ce "temps long", précise-t-il, dans ce rapport élaboré sur la base de cinq conférences et plus de 200 auditions, "cest la capacité de la puissance publique à inscrire son action dans une durée pouvant aller jusqu’à une ou deux générations".

L'État a naturellement vocation à "mener une action à l’épreuve du temps", mais il "ne peut être stratège tout seul" : il doit agir en lien avec le secteur privé et les autres acteurs publics, dont les collectivités territoriales, estime la juridiction. 

A la faveur de la décentralisation, celles-ci sont nombreuses à avoir développé "des travaux de prospective visant à penser l’évolution et l’avenir", ce qui facilite "l'inscription dans le temps long" des politiques publiques. Mais ce mouvement se heurte à "l'enchevêtrement" des compétences des collectivités territoriales entre elles et avec l'État et à l'efficacité très mitigée des divers outils de coordination que le législateur a mis en place, critique l'institution du Palais-Royal. Qui appelle à ce que la capacité des collectivités à anticiper et préparer le futur soit encouragée.

Autonomie fiscale locale

Pour cela, il faut par exemple développer "un appui méthodologique" en mettant des données à leur disposition ou favoriser "une montée en compétence de services consacrés à la prospective dans les grandes collectivités", préconise-t-elle. De même, les juges appellent à "consolider" l'ingénierie publique qui est à la disposition des acteurs locaux et à "en garantir l'accès à toutes les collectivités, en particulier dans les territoires ruraux et périphériques, souvent moins bien dotés".

Il faut aussi plus généralement accroître les "marges de manœuvre" accordées aux collectivités territoriales pour permettre à celles-ci de "se projeter dans le temps long", estime le Conseil d'État. Notamment en ce qui concerne leurs finances. Dans ce domaine, le remplacement depuis plus de vingt ans d'impôts locaux par des fractions de produits nationaux a conduit à une "dépendance accrue des collectivités à l’égard de la loi de finances annuelle", laquelle ne favorise pas la "prévisibilité" du financement du secteur public local. Le Conseil d'État en conclut qu'il faut "rouvrir le débat relatif à [leur] autonomie fiscale". Les élus locaux, qui militent en bloc pour une restauration du levier fiscal des collectivités, devraient apprécier. 

Par ailleurs, les collectivités seront plus agiles si les outils permettant d'adapter les politiques publiques aux spécificités des territoires sont plus efficaces. Or, la différenciation, l'expérimentation et le pouvoir préfectoral de dérogation aux normes ont eu jusque-là "des résultats décevants", considèrent les juges. Qui prônent, enfin, la poursuite de "l’effort de clarification des compétences des collectivités territoriales".

Lois de programmation des finances publiques

Les agents et cadres territoriaux doivent aussi, selon eux, être concernés par un effort visant à améliorer la formation tant initiale que continue sur "les méthodes de la prospective" et les "problématiques scientifiques".

L'obligation pour le Parlement d'élaborer chaque année le budget de l'État "pèse sur la capacité à penser et à agir sur le temps long", constate par ailleurs le Conseil d'État. En déplorant en même temps que les lois de programmation des finances publiques n'aient que peu influé sur les objectifs des lois de finances, du fait de leur caractère non contraignant. 

Pour donner plus de force aux lois de programmation, l'institution propose deux pistes :  favoriser leur "rôle de référence centrale", et ce à cadre constitutionnel inchangé, ou bien leur donner une réelle portée contraignante, à l'issue d'une modification de la Constitution.

L'étude qui vient d'être publiée constitue, selon le Conseil d'État, le troisième volet d'un "triptyque" qui s'était d'abord intéressé (étude 2023) au "dernier kilomètre de l'action publique" (voir notre article), avant de traiter (étude 2024) "la souveraineté" (notre article).

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis