Education prioritaire - Pour le Conseil national des villes, la réussite éducative passe par la coopération

"Coopérer pour une égalité éducative territoriale". L'avis du Conseil national des villes tombe à pic alors que le ministère délégué à la Ville et le ministère de l'Education nationale peinent à formaliser leur convention d'objectifs, entre réforme de la géographie prioritaire et refondation de l'école. Accueillir les parents, reconnaître le travail de chacun, se faire confiance... et peut-être, un jour, parvenir à coopérer. Telles sont les quelques clés de réussite identifiées par le CNV.

Adopté le 28 mars dernier, l'avis du Conseil national des villes intitulé "Coopérer pour une égalité éducative territoriale" s'appuie sur des auditions et des déplacements réalisés en 2011 et 2012. De cet "état des lieux qualitatifs des dispositifs", les membres du CNV ont conclu que "les idées et les réalisations foisonnent dans les territoires où, grâce notamment au dispositif de réussite éducative, des portes se sont ouvertes et un certain décloisonnement des services municipaux et locaux s'est opéré". Pour dépasser cette étape du "foisonnement", ils formulent neuf recommandations classées en quatre axes.

Reconstruire une école au coeur de la cité

Le quatrième axe, appelant à "allier les politiques urbaines et les politiques éducatives", ne comporte qu'une seule recommandation, mais non des moindres puisqu'il s'agit d'"adapter les locaux et installer l'école, le collège et le lycée au coeur de la cité". Sous cet intitulé a priori anodin, c'est l'ouverture de l'établissement scolaire sur le quartier par des aménagements de lieux d'accueil pour les parents, l'ouverture des locaux hors temps scolaire ("pour remédier au relatif abandon socioéducatif du quartier quand l'établissement scolaire ferme ses portes" en fin d'après-midi ou pendant les vacances), l'organisation d'activités périscolaires mais aussi "citoyennes et intergénérationnelles", considérant que dans "ces espaces où des fonctions éducatives s'exercent, émergent les concepts d'éducation formelle et informelle".
Par exemple, alors qu'il est communément admis que toute politique de réussite éducative passe par une meilleure association des parents, voir même à une coéducation (admis y compris par la ministre déléguée à la Réussite éducative, voir notre interview ci-contre du 20 février 2013), la question du lieu où se dérouleraient les échanges est rarement abordée. "Les salles des parents restent très rares au sein des établissements, observe le CNV. La réflexion sur l'architecture scolaire est renvoyée à la seule initiative et responsabilité des chefs d'établissements." Pour le CNV, "adapter les locaux scolaires, allier le beau au fonctionnel, inciter les établissements à se doter de ces lieux d'émancipation sont le gage d'une socialisation facilitée".
Pour le CNV, la question spatiale doit être posée dans le cadre des programmes et politiques de réussite éducative. "L'attention devrait se porter sur le rôle et les compétences des collectivités territoriales", suggère le CNV invitant à réfléchir autour de la question suivante : "Comment les villes, les départements et les régions se saisissent des contingences pédagogiques et singulièrement de celles résultant des difficultés culturelles et sociales des quartiers de la politique de la ville ?"

"Travailler dans un souci de proximité"

Le CNV formule trois recommandations visant à "optimiser la mise en synergie de tous les acteurs de l'éducation pour mieux travailler ensemble". Il suggère dans ce cadre de "repenser la gouvernance pour rendre cohérent les dispositifs et mieux coordonner les acteurs" avec pour principe de base d'"éviter les juxtapositions des dispositifs".
Jusqu'à présent, la mise en cohérence des divers dispositifs (Coup de pouce, CEL, PRE, RAR, Eclair, Reaap, Ecole ouverte (1)) pouvait être assurée par les contrats éducatifs locaux (CEL), auxquels succéderont les projets éducatifs territoriaux (PEDT) introduits dans le cadre de la refondation de l'école de Vincent Peillon. Sans surprise, le CNV observe que le CEL peut être "fédérateur" lorsqu'"il réussit à organiser un partenariat associant tous les acteurs éducatifs du territoire : communes, Etat, école, parents, associations et organismes sociaux". Mais c'est rarement gagné d'avance au regard de "la complexité des dispositifs et la lourdeur des contraintes administratives". Le CNV insiste alors sur "la dimension humaine de ces actions". D'abord, la reconnaissance des animateurs des différents dispositifs et "leur intégration à part entière dans les équipes éducatives" ; ensuite celle des personnels de l'Education nationale dans les dispositifs installés par les collectivités territoriales (notamment les PRE dont les collectivités sont à l'initiative et assurent la coordination). Alors, il est possible de constituer un "réseau" dans lequel les membres sont attachés à "travailler dans un souci de proximité" dans le contexte territorial.
En corollaire, le CNV souligne la nécessité de partager les informations nécessaires pour accompagner au mieux les parcours éducatifs des enfants en difficulté (niveau scolaire, contexte social et familial, santé physique et psychique…) et propose ainsi aux acteurs d'élaborer une charte de confidentialité.
Et pour faciliter la cohérence des différents dispositifs, le CNV recommande d'inscrire les projets et les contrats Politique de la ville et Education nationale de manière pluriannuelle et "dans une même temporalité" ; quatre ans leur semble la bonne période à retenir.

Reconnaître et professionnaliser les métiers spécifiques

Enfin, le CNV recommande de "valoriser et accompagner des métiers spécifiques". Il met l'accent sur de nouveaux métiers occupés par des personnes sur lesquelles il estime que repose en grande partie l'efficacité de certains dispositifs et dont il dénonce la précarité des statuts. Et de citer : animateur de lieux d'accueil parents, assistant d'éducation coordonnant des projets internes, adulte relais, coordonnateur de projets individuels de réussite, médiateur scolaire… "Les personnes qui les occupent sont souvent peu qualifiées, formées sur le terrain", de plus "ces contrats sont souvent limités dans le temps" et "relèvent de dispositifs type contrats aidés ou emplois d'avenir qui sont générateurs de temps partiels". Tout cela fait que l'intégration de ces personnes dans les équipes éducatives n'est pas toujours réussie.
Bref, des postes "peu attractifs", occupés par des personnes dont "il faut avoir conscience de la fragilité". Le CNV suggère de "réfléchir localement à l'accompagnement, à la mise en place d'une formation spécifique dépassant la seule analyse des pratiques et des difficultés" et "d'engager la réflexion vers la professionnalisation de ces métiers". A court terme, cela pourrait passer par "l'organisation de formations certifiantes, valables dans le cadre d'une VAE (validation des acquis de l'expérience)".
D'autres professionnels, tels que les travailleurs sociaux, les éducateurs PJJ et ASE (2) et même les enseignants, devraient quant à eux pouvoir "bénéficier d'une véritable formation continue pour bénéficier des nouveaux apports de la recherche en sciences de l'éducation, sociologie, éducation, psychopédagogie…"

Valérie Liquet

(1) Coup de pouce, contrats éducatifs locaux (CEL), programme de réussite éducative (PRE), Réseau Ambition réussite (RAR), Ecoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite (Eclair), Réseau d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents (Reaap), Ecole ouverte.
(2) Educateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et Aide sociale à l'enfance (ASE).