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Biodiversité - Quand les abeilles essaiment dans les collectivités

C'est un paradoxe : les abeilles résistent mieux dans les villes que dans les campagnes, où les pesticides et le frelon asiatique déciment les essaims à vive allure. Pour contrer ces dangers, les collectivités se mettent à la culture des abeilles. Ce qui nécessite son lot de précautions.

Les abeilles sont-elles définitivement de retour dans nos villes ? Parmi les dernières collectivités à avoir cédé à la tentation d'installer des ruches sur les toits de leurs bâtiments, on trouve le conseil général de Loire-Atlantique en ce mois de mai 2012 et la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, en avril.  A cela rien de bien nouveau : ces dernières années, des centaines d'autres ont franchi le pas. "Pour certaines, c'est un juste retour des choses : Paris comptait à une époque des milliers de ruches possédées par des amateurs, il y en a aujourd'hui près de trois cents", indique Nicolas Géant, apiculteur urbain et auteur du guide "Ma ruche en ville" (éditions Agrément). En Loire-Atlantique et dans les Yvelines, les collectivités ne se sont pas lancées sans raison ni coup de pouce : elles ont adhéré en installant leurs ruches au programme "Abeille, sentinelle de l'environnement". Initié en 2005 par l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), il fait l'objet d'une journée nationale les 22 et 23 juin prochain et se taille un franc succès dans les villes et agglomérations (une vingtaine d'adhérents dont Clermont-Ferrand et Saint-Brieuc), mais aussi auprès des départements et des régions (une quinzaine dont la Seine-et-Marne et la Bourgogne).

Ruchers de sensibilisation

Mais à quoi servent ces ruches ? Pour l'Unaf, "ce sont des ruchers de sensibilisation, des ruchers-témoins d'environ 30.000 à 40.000 abeilles par colonie, qui permettent d'interpeller les élus, les habitants et les écoles sur la question de la surmortalité des abeilles". Produire du miel n'est donc pas le but premier, même si des dégustations généralement couplées à une action pédagogique sont ponctuellement organisées. La plupart du temps, les collectivités inscrivent cette initiative dans un cadre plus global de maintien de la biodiversité. Et certaines, à l'image du conseil général des Vosges, se distinguent en jetant une passerelle avec l'enjeu d'insertion économique. Dans ce département, les équipements apicoles n'ont pas été loués ni achetés, mais fabriqués par des habitants dans le besoin qui sont ensuite missionnés pour les entretenir. Autre bonne idée : les ruches ont été placées non seulement sur les sites du conseil général mais aussi dans des jardins d'insertion et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Ailleurs, d'autres inscrivent l'initiative dans le cadre de leurs Plans de développement durable et Agendas 21. C'est le cas du conseil général du Pas-de-Calais : la préservation des abeilles figure au rang de mesure prioritaire de son programme d'actions. Quant aux conventions passées avec l'Unaf, qui fournit l'appui et l'encadrement technique nécessaires à l'installation et l'entretien des ruches, elles s'inscrivent aussi dans la durée (sur trois ans par exemple à Saint-Quentin-en-Yvelines).

Se préparer et non improviser

Par ailleurs, l'initiative n'est pas si anodine qu'elle ne le paraît et nécessite en amont une préparation. A Paris, où un nouveau rucher va être installé en juin dans un jardin, l'élu porteur du projet a dû faire voter une délibération en conseil d'arrondissement en vue de déposer la déclaration préalable d'aménagement de l'équipement. "En entreprise comme en collectivité, à fortiori au sein des bâtiments reçevant du public, les aspects réglementaires et de sécurité (circulation des employés sur les toits, modification du plan de prévention interne, pose de clôture de protection et de signalisation) sont à passer en revue avant de se lancer", prévient-on chez Orange, une entreprise qui installe ce mois-ci une soixantaine de ruches sur vingt de ses sites répartis dans l'Hexagone. "Je recommande aux collectivités qui veulent se lancer de ne pas le faire à la légère et de s'appuyer sur le savoir-faire de professionnels car l'entretien d'une ruche nécessite un suivi", ajoute Yves Védrenne, président du Syndicat national d'apiculture (SNA). Cet organisme propose également ses services aux collectivités et entreprises. Il attire l'attention sur une certaine dérive tarifaire. "Pour 2.500 euros la première année et 1.500 euros ensuite par an, une commune peut se doter de trois ruches avec un suivi assuré par un apiculteur sérieux. Dépenser plus pour de simples ruchers est exagéré", conclut-il.