Rénovation du bâti scolaire : Dominique Faure invite à son tour les collectivités à s’endetter

Auditionnée par le Sénat, la ministre chargée des collectivités territoriales a invité les collectivités, "saines, très peu endettées et qui ont de l’épargne", à s’endetter pour rénover leurs écoles. Consciente des difficultés des maires ruraux à monter les dossiers, elle les a par ailleurs incités à "avoir le réflexe ANCT [Agence nationale de la cohésion des territoires], BdT [Banque des Territoires] et préfets". 

De rénovation du bâti scolaire, il fut finalement peu question lors de l’audition, ce 7 juin, de Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, par la mission d’information sénatoriale consacrée à cette question. L’on n'a appris guère plus que ce l’on sait déjà depuis la présentation du plan gouvernemental du 9 mai dernier (voir notre article du 10 mai). "En fait, le point d’entrée pour une commune qui a un projet de rénovation d’une école, c’est la Banque des Territoires (BdT)", a résumé la rapporteure de la mission, Nadège Havet (Finistère, RDPI). 

Auparavant, la ministre s’était pour l’essentiel bornée à décrire les contours du dispositif "ÉduRenov'", porté par la BdT, non sans omettre de rappeler les enjeux : "Un besoin d’investissement de 5,2 milliards d’euros par an, sur dix ans, soit plus du double du niveau actuel du financement", le tout pour rénover "51.000 écoles publiques" (l’entourage du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, en recense 49.000 – voir notre article du 4 mai). "Si la compétence construction et entretien est de la responsabilité des communes, et parfois des intercommunalités, un tel défi ne peut être réalisé sans le soutien de l’État, d’où la présentation d’un plan spécifique", a justifié la ministre. Mais in fine, les débats auront, comme souvent, surtout porté sur les moyens des communes, qu’ils soient financiers ou administratifs.

Maires pusillanimes

Pour Dominique Faure, la principale difficulté n’est toutefois nullement financière. "Les sous sont là", lance-t-elle, vantant les 1,5 milliard de DETR [dotation d'équipement des territoires ruraux], "qui a doublé depuis 10 ans", les 500 millions de DSIL [dotation de soutien à l'investissement local], les 2 milliards du fonds vert ou encore le tiers financement (voir notre article du 31 mars), dont elle attend beaucoup. "Je suis emballée", s’est-elle exclamée (avant de concéder que "ce n’est qu’une expérimentation" et qu’il "faut voir comment le maire comprend cela"). Aussi, "avant de me demander de l’argent, consommons déjà ce que l’on a", a-t-elle prévenu. Et ce, d’autant que selon elle, les collectivités ne manquent par ailleurs pas de moyens. "L’épargne, elle, y est." Et d’arguer des difficultés qu’elle rencontre "quand elle va à Bercy", où on lui indique que "la réalité, c’est qu’il y a 50 milliards d’euros de trésorerie dans les collectivités" et où l’on se demande "pourquoi les collectivités ne s’endettent-elles pas". "Aujourd’hui, les communes sont saines, sont très peu endettées, ont de l’épargne. On apparaît comme des enfants gâtés quand on va à Bercy", ajoute-t-elle encore.

Une situation qui contraste fortement avec celle de l’État, ce qui conduit d’ailleurs la ministre à s’emporter contre les demandes adressées à ce dernier de "rendre neutre l’inflation pour les élus locaux". "Dans quel pays on est ? On a 3.000 milliards d’euros de dette, et il faudrait que les maires puissent fonctionner comme s’il n’y avait pas d’inflation ?", a-t-elle vitupéré.

Dominique Faure a donc à son tour (voir notre article du 6 février) exhorté les maires, "excellents gestionnaires, qui n’aiment pas s’endetter", à le faire. Et ce, d’autant que les taux d’intérêt sont faibles, estime-t-elle. "3%, ça reste pas cher."

Maires désorientés

Pour la ministre, l’enjeu réside davantage dans "la capacité à agir". Elle concède ici les difficultés des élus des communes rurales à "monter les dossiers". Pourtant, là encore, les moyens existent, estime-t-elle. Le défi est surtout de les faire connaître. "On a du mal. Je ne sais pas comment procéder", a-t-elle avoué à deux reprises, flattant par ailleurs ses hôtes : "Le meilleur moyen, c’est les sénateurs." Après avoir plutôt écarté l’idée d’un numéro vert dédié aux élus locaux, elle a invité ces derniers à "avoir le réflexe ANCT [Agence nationale de la cohésion des territoires], avoir le réflexe de la BdT [Banque des Territoires], avoir le réflexe du sous-préfet ou du préfet". 

La ministre a par ailleurs une nouvelle fois levé le voile sur le plan France ruralités, que "la Première ministre doit annoncer à la fin de la semaine prochaine". D’abord, "les 100 chefs de projets, financés par l’État, déployés auprès des préfets de chaque département, au service des maires ruraux", qu’elle a déjà évoqués (voir notre article du 2 juin). "Un maire rural lèvera le doigt, et il aura le droit à 1, 2, 3, 5 jours, 1 semaine ou 15 jours d’ingénierie pour analyser son projet. Si c’est plus long, alors il y aura un package Cerema ou autre qui viendra travailler le projet", décrit-elle. La ministre précise encore que "la première tâche de ces chefs de projets sera de faire l’inventaire de toutes les ingénieries qui existent". Ensuite, en faisant part de son souhait "qu’une fois qu’un projet aura obtenu le label France Ruralités, l’État mettra 40% [de financement], le département 20% et la région 20%", aux termes d’une "miniconférence des financeurs réunie par le préfet", avec "un seul dossier, de 4 pages". "Les maires en ont marre de constituer les dossiers", argue-t-elle. Elle y travaille, mais il lui reste à obtenir "une délibération de chaque département et de chaque région".

Fonds vert

La ministre a au-delà admis qu’il fallait aussi simplifier les démarches. "Christophe Béchu a pris conscience de l’absolue nécessité de simplifier l’accès au fonds vert", avoue notamment Dominique Faure. Rappelant que ce fonds est géré par la DGALN (Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, qui dépend du ministère de la Transition écologique), contrairement à la DETR et à la DSIL, qui le sont par la DGCL (Direction générale des collectivités territoriales, qui dépend du ministère de l'Intérieur), elle confesse : "On souhaiterait que ce soit aussi simple. On a un peu de mal." Elle souligne toutefois que son ministre de tutelle, Christophe Béchu, "s’est engagé" à conduire cette simplification "avant la fin juin". Un fonds vert dont elle a par ailleurs confirmé qu’il serait reconduit l’an prochain, à la même hauteur, au moins. "On va partir sur 2 milliards. On espère plus."

Pour sa part, elle s’est engagée à faire le nécessaire auprès de son collègue Pap N’Diaye, ministre de l’Éducation nationale, pour amender le "guide du bâti scolaire", notamment afin qu’il tienne compte des spécificités territoriales. "Dans les deux mois", a-t-elle d’abord lancé, avant de prendre conscience des difficultés. "Avant la fin de l’année", alors.

 

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