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Fonction publique - Respect de la laïcité : les agents publics vont être mieux formés et épaulés

La ministre de la Fonction publique a annoncé six mesures pour aider les agents des trois fonctions publiques à réagir lors de situations qui remettent en cause la laïcité dans les services publics. Annick Girardin recevait, ce 9 décembre, un rapport de la commission sur la laïcité et la fonction publique présidée par l'ancien ministre Emile Zuccarelli.

Le gouvernement va développer de nouveaux outils en direction des agents de la fonction publique, tels que des formations, des ressources en ligne et la mise en place de "référents" pour les aider à appliquer et faire appliquer le principe de laïcité, a annoncé la ministre de la Fonction publique, ce 9 décembre, jour anniversaire du vote de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat.
Six mesures prioritaires vont être mises en œuvre d'ici la fin du quinquennat, a affirmé Annick Girardin, après avoir reçu des mains d'Emile Zuccarelli, ancien ministre (radical) de la Fonction publique, le rapport de la commission "laïcité et fonction publique" qu'il a présidée pendant six mois. Les six priorités sont issues de ce rapport qui avance au total 20 propositions "concrètes".
La ministre veut d'abord renforcer l'information et la formation des agents sur la laïcité. Certes, des initiatives ont déjà été prises en la matière : une formation est dispensée depuis peu dans une trentaine d'écoles de service public, dont l'Institut national des études territoriales (Inet). De plus, à l'initiative de l'Etat, 10.000 professionnels de la politique de la ville, de la jeunesse et des sports vont être formés dans les deux prochaines années. Par ailleurs, de nombreux guides ont été élaborés, un des derniers étant celui de l'Association des maires de France.

"Un référent laïcité dans chaque administration"

Mais ces initiatives "restent insuffisamment coordonnées et de fait méconnues des fonctionnaires", estime la commission, qui était composée de représentants des syndicats et des employeurs publics, d'élus, d'historiens et de sociologues. Le gouvernement va donc rendre obligatoire une formation pour tous les agents publics, que ce soit lors de l'entrée dans la fonction publique, après une mobilité ou une promotion. Annick Girardin envisage des formations "sur des cas concrets, sur les expériences et le vécu" des agents qui ont déjà été confrontés à des difficultés sur l'application de la laïcité.
Le gouvernement prévoit aussi la diffusion d'une brochure spéciale à tout agent au moment de sa prise de poste. Pour aller plus loin, celui-ci pourra consulter un portail internet commun aux trois fonctions publiques, proposant des ressources en ligne. Le gouvernement compte encore développer un baromètre sur la laïcité dans la fonction publique pour "identifier les réactions des agents" et "quantifier leurs difficultés sur le terrain". Aujourd'hui, les données sur ces questions font défaut. Un autre projet vise à faire du 9 décembre une "journée d'échange sur la laïcité" afin que cette dernière "soit mieux comprise". "La parole n'est pas suffisamment libre, il y a encore des sujets tabous, la laïcité en fait partie", a estimé la ministre.
Enfin, l'exécutif a décidé qu'un référent laïcité sera identifié "au sein de chaque administration". L'objectif est d'"accompagner les agents" quant à l'obligation de neutralité et à l'application de la laïcité. "Je souhaite que ces référents forment un réseau", afin que l'on puisse "les joindre quand on en a besoin", a dit Annick Girardin. Elle envisage la création d'"une plateforme dématérialisée qui permettrait une réponse rapide". Mais toutes les administrations n'auront pas les moyens de désigner un référent, notamment les collectivités locales. Si ces dernières ont des questions, elles doivent pouvoir les poser à un référent de l'Etat, qui pourrait être un directeur de préfecture, estiment les professionnels qui ont œuvré aux côtés d'Emile Zuccarelli.

"Le dialogue est la meilleure réponse"

Parmi les recommandations de la commission que le gouvernement n'a pas retenues pour l'instant, plusieurs ont pour but d'"éclairer les situations ambiguës". Parmi ces situations, la commission mentionne "la question des autorisations spéciales d'absence pour fêtes religieuses". Alors que sa prise en compte varie d'un employeur à l'autre, il conviendrait, estime la commission, d'appliquer une norme unique à l'ensemble de la fonction publique. Par ailleurs, sur des questions "propices aux interprétations divergentes", des circulaires ministérielles seraient les bienvenues, ajoute-t-elle. En précisant qu'un rappel du droit serait par exemple nécessaire sur la question de l'accompagnement des sorties scolaires par les parents.
Autre question complexe : l'intervention des structures privées. Il n'est pas toujours aisé de déterminer si elles sont chargées d'une mission de service public et si, donc, les règles de la laïcité s'appliquent à leurs personnels. C'était ainsi la question de fond dans l'affaire de la crèche Baby-loup, association dont une salariée portait le voile. Pour aider ces organismes, la commission recommande qu'ils puissent solliciter la préfecture pour qu'un avis juridique leur soit rendu.
Le dialogue est "la meilleure réponse" aux difficultés nées de l'application de la laïcité, estime Emile Zuccarelli. Son rapport indique par exemple qu'un temps d'échange au cours de l'entretien professionnel annuel entre l'agent et son chef de service peut permettre de "désamorcer" les problèmes.

"L'angoisse monte sur ces questions"

Après avoir mené une cinquantaine d'auditions, notamment de spécialistes et de fonctionnaires de terrain, la commission présidée par l'ancien ministre de la Fonction publique estime que "le nombre de situations problématiques est assez faible (…) dans la plupart des structures publiques". Parmi ces situations, il a cité les demandes d'autorisations d'absence pour fêtes religieuses, le port de vêtements ou de signes religieux par les agents, ou le refus de ceux-ci de respecter l'autorité du supérieur hiérarchique lorsqu'il est de l'autre sexe. Les tensions proviennent davantage de la relation avec les usagers, a précisé Annick Girardin. Pour qui, dans ce domaine, les fonctions publiques territoriale et hospitalière sont les plus concernées. "Les usagers sont de plus en plus exigeants", a-t-elle affirmé.
Les difficultés vécues par les agents surviennent dans un contexte de "sensibilité accrue tant des agents que du public sur cette question de la laïcité", a-t-elle ajouté. "Les incidents ont un retentissement très important, a pour sa part déclaré Emile Zuccarelli. Un fonctionnaire les a rencontrés, mais il y en a cent autres qui craignent d'y être confrontés." "L'angoisse monte sur ces questions. Les agents ne se sentent pas équipés. Ils se demandent : si ça m'arrive, comment je fais", a complété Annick Girardin. Pour qui "il faut dépassionner ces sujets".

Thomas Beurey / Projets publics

Agents et usagers du service public : la laïcité a "deux visages"
Selon le rapport, "la laïcité constitue la modalité française d'organiser la liberté de conscience qui implique, pour les pouvoirs publics, de respecter une posture de neutralité en matière de culte. Il s'en déduit que les agents publics ne peuvent – pendant leur service – afficher leurs convictions religieuses, tandis que les usagers sont libres de le faire tant qu'ils ne troublent pas l'ordre public ni ne réclament, pour ce motif, un traitement différencié."

 

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