Santé, social, médicosocial : la rentrée s’annonce chargée

Accès aux soins dans les territoires, service public de la petite enfance, solidarité à la source, pacte des solidarités, attractivité des métiers, PPL Bien Vieillir, accessibilité et suites de la dernière Conférence nationale du handicap… L’été des nouveaux ministres Santé et Solidarités, et autres ministres délégués et secrétaires d’État sur ces sujets, sera studieux. Aurore Bergé s’est montrée, en outre, désireuse d’ouvrir de nouveaux chantiers sur le congé parental et le soutien aux familles, notamment monoparentales. 

 

Dans les politiques sociales et de santé, les collectivités et les associations auront à la rentrée de nouveaux interlocuteurs au gouvernement, suite au remaniement "technique" du 20 juillet dernier (voir notre article). Députée depuis 2017 et présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée jusqu’à sa nomination, Aurore Bergé a pris la suite de Jean-Christophe Combe au ministère des Solidarités. Après un an passé aux côtés de la Première ministre en tant que directeur de cabinet, Aurélien Rousseau est devenu quant à lui ministre de la Santé et de la Prévention, en remplacement de François Braun.

Accès aux soins : des "médicobus" pour lutter contre les déserts médicaux

Le nouveau ministre de la Santé devra, dès cet été, s’atteler à l’épineux dossier de l’accès aux soins. Le 13 juillet 2023, avant d’être confirmée dans ses fonctions de ministre chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, Agnès Firmin-Le Bodo a présenté un plan "Pour des solutions concrètes d’accès aux soins dans les territoires". Ce dernier vise à "permettre à plus de 2 millions de Français supplémentaires d'avoir accès à un médecin". Issues du Conseil national de la refondation (CNR) Santé (voir notre article du 4 mai 2023), les mesures consistent à déployer des "médicobus" dans des déserts médicaux et à augmenter le nombre d’assistants médicaux (voir notre article du 13 juillet 2023), mais également à créer de nouvelles maisons pluriprofessionnelles de santé et à généraliser les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Prévoyant notamment le rattachement automatique des soignants aux CPTS, la proposition de loi Valletoux a été adoptée le 16 juin 2023 à l’Assemblée nationale (voir notre article du 16 juin 2023), après un vif débat sur la liberté d’installation des médecins (voir notre article du 13 juin 2023). L’examen du texte au Sénat n’a pas encore été planifié. Le 19 mai 2023, la possibilité d’un accès direct aux orthophonistes, aux infirmiers en pratique avancée et aux kinésithérapeutes avait été actée, avec la promulgation de la loi Rist (voir notre article du 22 mai 2023). Le CNR Santé sera également relancé à la rentrée, a annoncé le chef de l’État le 21 juin dernier, sachant que des modalités de pérennisation des CNR territoriaux étaient déjà prévues sur ce thème (voir notre article du 3 avril 2023). 

Envisager "un congé parental plus court mais mieux indemnisé"

La nouvelle ministre des Solidarités et des Familles s’est vu préciser ses attributions par un décret présenté en conseil des ministres le 26 juillet 2023 et publié le lendemain au Journal officiel. Quasiment identique à celui de son prédécesseur, le décret met formellement un peu plus l’accent sur la famille, aux côtés des autres domaines que sont la solidarité, la cohésion sociale, l’autonomie et le handicap.

En matière de politique familiale, Aurore Bergé hérite surtout du déploiement du service public de la petite enfance, dont les contours sont déjà connus (voir nos articles de juin et juillet 2023) et ont donné lieu à des dispositions dans le cadre du projet de loi Plein Emploi (voir notre article du 8 juin 2023). Dans une interview donnée à Ouest-France quelques jours après sa nomination, elle confirme les 200 millions d’euros par an de revalorisations salariales (voir notre article du 29 juin 2023), qui aboutiront selon elle à 1.800 euros bruts par an supplémentaires pour une auxiliaire de puériculture en crèche. 

"Je veux donner la priorité à nos enfants et à nos adolescents", affirme Aurore Bergé dans cette même interview. Parmi les sujets cités : l’ouverture d’une réflexion sur "un congé parental plus court mais mieux indemnisé" - en cohérence avec plusieurs rapports publiés sur le sujet, ce que rappelle l’ancienne ministre des Familles Laurence Rossignol sur Twitter - et le soutien à la parentalité notamment sur de de "nouveaux risques" tels que "la place des écrans et les conséquences sur les troubles du langage et du neurodéveloppement". Concernant les adolescents, la ministre dit vouloir s’inspirer de la méthode du CNR "pour connecter partout en France les initiatives qui fonctionnent avec des maires, des magistrats, des spécialistes de l’adolescence, des professionnels de santé, des acteurs de terrain". Suite aux émeutes de cet été, "on voit qu’il y a une surreprésentation des enfants de familles monoparentales", ajoute l’ancienne députée des Yvelines, appelant à "[s’occuper] de ce phénomène de société".

Protection de l’enfance : les départements sonnent l’alerte

Sur ces sujets, Aurore Bergé devra articuler son action avec deux secrétaires d’État qui ne lui sont pas rattachées : Prisca Thevenot, qui a succédé à Sarah El Haïry à la jeunesse et au service national universel (SNU) auprès des ministres de l’Éducation nationale et des Armées, et Charlotte Caubel, confirmée à l’enfance auprès de la Première ministre.

En matière de protection de l’enfance, les départements ont plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme ces derniers mois, sur le manque de moyens pour la pédopsychiatrie avec une tribune d’une vingtaine de départements en janvier, sur la saturation des structures et l’augmentation du nombre de mineurs non accompagnés en mai (voir notre article du 12 mai 2023) puis de nouveau en juin lors de l’assemblée générale de Départements de France et, plus récemment, sur la situation jugée intenable dans plusieurs départements dont le Nord et la Gironde.

En 2022, selon l'Observatoire national de l'action sociale (Odas), parmi les "secteurs de l’action sociale", c’est la dépense de protection de l’enfance qui a le plus augmenté et les difficultés de recrutement pourraient expliquer le fait que le nombre d'enfants accueillis n'ait augmenté que de 1,4% (voir notre article du 28 juin 2023).

Solidarité à la source : les délais seront tenus, assure Aurore Bergé

Sur le front de la lutte contre la pauvreté, le pacte des solidarités maintes fois reporté (voir notre article du 13 janvier 2023) serait finalement présenté "à la rentrée" par la Première ministre et sa nouvelle ministre des Solidarités. Ce nouveau plan interministériel a pour but de "s’occuper des plus vulnérables : les enfants, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées…", résume Aurore Bergé dans le quotidien régional. Les départements avaient demandé en juin "des garanties sur la pérennité à hauteur de 50% du financement de l’État".

Le pacte doit aborder d’autres chantiers qui avaient été préparés par Jean-Christophe Combe : la lutte contre le non-recours avec le démarrage d’une expérimentation dans 39 territoires (voir notre article du 6 juillet 2023) et le chantier de la "solidarité à la source" (voir notre article du 28 avril 2023), avec depuis le 1er juillet 2023 la publication du "montant net social" sur chaque fiche de paye (voir notre article du 17 février 2023). "Une première étape essentielle", pour la ministre des Solidarités qui assure que les délais seront tenus concernant le pré-remplissage, promis pour 2024, des formulaires de demande de revenu de solidarité active (RSA) ou de prime d’activité.

Si la réforme du RSA relève du ministre du Travail, Aurore Bergé devra veiller à une bonne articulation entre les évolutions actées dans le cadre du projet de loi Plein emploi et les efforts déployés pour lutter contre le non-recours aux droits sociaux et la pauvreté. Une demande de cohérence formulée récemment par le collectif associatif Alerte (voir notre article du 11 juillet 2023), qui s’oppose au renforcement des sanctions pour les bénéficiaires du RSA prévu dans le projet de loi.

Autre chantier résolument transversal : celui de l’attractivité des métiers du social. Coordonnées par le Haut conseil du travail social, des propositions opérationnelles sur ce sujet, sous la forme d’un "livre blanc du travail social", doivent être remises à la ministre courant septembre (voir notre article du 22 juin 2023).

La PPL Bien vieillir adoptée "par l’Assemblée nationale avant la fin de l’année"

Aurore Bergé devra aussi travailler "à des mesures visant à favoriser le recrutement et la fidélisation des métiers du sanitaire, médico-social et social" dans le cadre de la feuille de route du gouvernement sur le bien vieillir, a mis en avant la Première ministre à l’occasion de la remise du rapport de la députée Christine Pires-Beaune sur le reste à charge en Ehpad (voir notre article du 27 juillet 2023).

Le mot "Autonomie" ne figure plus à l’intitulé du ministère et, suite aux retards pris sur ce sujet tant au Parlement qu’au niveau des annonces gouvernementales (voir notre article du 18 juillet 2023), certains acteurs comme Luc Broussy, co-auteur de l’un des rapports issus du Conseil national de la refondation (CNR) sur le bien vieillir, y ont vu un signe de mauvais augure. La proposition de loi (PPL) Bien vieillir reste à l’ordre du jour, à en croire Aurore Bergé. L’examen de ce texte est même "une priorité", affirme la ministre qui souhaite une adoption "par l’Assemblée nationale avant la fin de l’année"... soit un passage au Sénat reporté à 2024 ?

La ministre cite "la lutte contre la maltraitance" comme l’une des "questions importantes" traitées par la PPL. Sur ce sujet, un rapport sur les "protections juridique et sociale" des personnes vulnérables, a été remis par l’avocate Anne Caron-Déglise à Jean-Christophe Combe quelques jours avant la fin de son passage au ministère des Solidarités. La restitution des états généraux de la maltraitance doit également avoir lieu début septembre. 

Aurore Bergé déclare par ailleurs vouloir "continuer à travailler sur la transparence et la qualité des pratiques et la reconnaissance des professionnels" en établissement. Et estime que le dispositif Ma Prime Adapt’, opérationnel à partir du 1er janvier 2024, "va changer la vie des gens" souhaitant vieillir à domicile.

Les départements comptent en tout cas sur l’appui de l’État pour la mise en œuvre progressive des "services autonomie à domicile", suite à la publication du décret (voir notre article du 18 juillet 2023). Et, avec ou sans loi sur le grand âge, ils restent en attente des prochaines étapes concernant le service public départemental de l’autonomie (SPDA). Présidé par Dominique Libault, auteur du rapport de préfiguration de ce service (voir notre article du 17 mars 2022), un comité de suivi et d’orientation du SPDA a été installé le 12 juillet dernier (voir le communiqué). 

Handicap : accélérer sur l’accessibilité 

Nouvelle ministre déléguée chargée des personnes handicapées, Fadila Khattabi devra assurer le suivi des quelque 70 mesures annoncées par Emmanuel Macron en avril dernier, lors de la Conférence nationale du handicap (voir notre article du 27 avril 2023). À un an du démarrage des Jeux olympiques et paralympiques Paris 2024, les progrès en matière d’accessibilité seront suivis de près. Suite à la signature d’une "charte d’engagement pour une société pleinement accessible" entre l'État et l'Association des maires de France, Départements de France, Régions de France et France urbaine, une programmation est attendue.

Outre les nouveautés dans les domaines de l’école inclusive et de l’accès à l’emploi, le déploiement de "50.000 nouvelles solutions médico-sociales" a été annoncé par le chef de l’État, sur des besoins spécifiques (polyhandicap, personnes handicapées vieillissantes, enfants en situation de handicap confiés à l'aide sociale à l'enfance…) que les collectivités sont invitées à faire connaître localement. Des évolutions sont également prévues sur les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les prestations, dont la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) qui sera effective au 1er octobre prochain (voir notre article du 15 mai 2023). 

Portant sur l’aide sociale à l’enfance et le handicap, une mission a également été confiée à Stéphane Haussoulier, président du département de la Somme et du groupe de travail "Autonomie et Handicap" de Départements de France, avec des conclusions annoncées pour l’automne.

 

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