Les dépenses sociales des départements tirées à la hausse par la masse salariale

La dernière étude annuelle de l'Observatoire national de l'action sociale (Odas) sur les dépenses sociales et médicosociales des départements montre que celles-ci ont faiblement augmenté en 2022. Ceci grâce à la baisse de la dépense de RSA. Tous les autres champs - enfance, handicap, dépendance - marquent en revanche des hausses. Lesquelles s'expliquent principalement par les revalorisations salariales consécutives au Ségur de la santé.

Comment se portent les dépenses sociales et médicosociales des départements ? Il y a un an, le baromètre offert par la traditionnelle étude de l'Observatoire national de l'action sociale (Odas), portant sur les chiffres de 2021, témoignait d'un répit, avec une augmentation presque historiquement faible de ces dépenses, grâce à la reprise de l'activité et ses effets sur le nombre de bénéficiaires du RSA. Les interrogations pour la suite restaient toutefois fortes, notamment par rapport à l'enjeu des ressources humaines (voir notre article du 29 juin 2022).

L'édition 2023 de cette étude (chiffres 2022), présentée ce mardi 27 juin, se situe bien dans le sillage de la précédente, en ce qu'elle montre une baisse des dépenses de RSA. Une baisse de 4%, représentant 480 millions. Du fait du poids du RSA dans les dépenses sociales des départements (un quart de la dépense nette), cette baisse explique la faible hausse du total de ces dépenses. L'ensemble de la dépense nette sociale et médicosociale n'a en effet augmenté que de 2,7% en 2022, soit moins que l'inflation.

Cette année encore, l'Odas n'est pas en mesure de prévoir si cette baisse va se poursuivre, soulignant que "les sorties du RSA concernent surtout les allocataires récents". Le noyau dur des allocataires les plus anciens, qui cumulent les difficultés, y compris dans certains cas avec des problèmes de santé ou troubles psychiatriques, sera lui évidemment moins perméable à la seule embellie du marché du travail. Par ailleurs, l'impact de la réforme de l'assurance chômage, ainsi que de la création de France travail, sera à évaluer à partir de l'an prochain.

Le poste RSA / insertion est en fait la seule explication à la baisse globale des dépenses des départements… puisque tout le reste a augmenté. Tout le reste, ce sont, côté allocations, des dépenses d'APA en hausse de 4% et des dépenses de PCH en hausse de plus de 11%. Mais ce sont aussi des dépenses de personnel, qui marquent un bond inhabituel : +6,1% en 2022 (elles passent de 3,95 milliards à 4,19 milliards), alors que les courbes des années précédentes affichaient généralement des hausses comprises entre 2 et 3%.

L'Odas voit dans ce bond des dépenses de personnel le fait marquant de cette édition. A l'origine d'au moins la moitié de cette courbe ascendante : les revalorisations salariales liées à l'application du Ségur de la santé. Que ce soit pour les agents des départements (+130 millions d'euros… mais ce sera sans doute +180 millions en année pleine, donc dès 2023) ou pour les établissements et services médicosociaux (+430 millions côté établissements, +410 millions côté services). L'impact n'est en fait pas toujours facile à évaluer, dans la mesure où les choses se sont faites par étapes à partir de juin 2022 (on se souvient des "oubliés du Ségur") et que certains départements ont en outre "fait le choix d’élargir le bénéfice du Ségur à d’autres catégories de personnels ou de raisonner en logique de mission plutôt que de statut pour limiter les inégalités de traitement", souligne l'Odas. Et d'autres extensions restent à venir. La hausse des dépenses de personnel aurait d'ailleurs dû être plus forte encore s'il n'y avait pas eu autant de postes vacants et de difficultés de recrutement parmi les ESSMS, relèvent les experts de l'Odas. En sachant que s'agissant des agents des départements, il faut ajouter aux mesures Ségur le coût du dégel du point d'indice intervenu en juillet 2022.

Se penchant ensuite sur les "secteurs" de l'action sociale, l'Odas constate que c'est celui de la protection de l'enfance qui a le plus augmenté en 2022 : +6,9% de dépense nette, soit +570 millions. En rappelant que 85% de cette dépense est absorbée par les mesures de placement. La hausse des coûts touche aussi bien l'accueil en établissement que l'accueil familial, là encore en lien avec des revalorisations salariales, y compris pour les assistants familiaux. Le nombre d'enfants accueillis n'a, lui, augmenté que de 1,4%, même si quelques départements ont ouvert de nouvelles places. Les difficultés de recrutement pourraient expliquer le fait que le nombre d'enfants accueillis n'ait pas augmenté davantage. On notera que si 2.300 mineurs non accompagnés (MNA) supplémentaires ont été pris en charge en 2022, ce nombre reste très inférieur à celui des années d'avant-Covid.

Sur le terrain du handicap, la dépense nette a augmenté de 5,4%. Une hausse notamment portée par la dépense liée à PCH : +11,8%, soit 280 millions d'euros de plus en un an, qui s'explique par divers facteurs, dont l'ouverture à de nouvelles catégories de bénéficiaires, la hausse du nombre d'heures d'aide humaine pour les handicaps lourds ou encore la création du forfait parentalité. Le concours de la CNSA a toutefois été sensiblement renforcé, couvrant ainsi 200 millions sur les 280. Les deux-tiers de la dépense dans le champ du handicap relèvent toutefois non de la PCH mais de l'hébergement (ou accueil de jour). Un poste en hausse de 4,3% même si le nombre de personnes accueillies augmente très peu (avec toutefois de fortes disparités entre départements).

Enfin, la dépense nette dédiée aux personnes âgées dépendantes sont en hausse de 3,7% (+270 millions). Les concours de la CNSA étant en revanche stables, la charge nette a augmenté de 5,3%. L'APA représente pas moins de 85% de cette dépense. Le coût de l'APA à domicile augmente davantage (+5%) que celui de l'APA en établissement (+2,4%). Le nombre de bénéficiaires étant stable, ce sont là encore les revalorisations salariales, mais aussi les tarifs horaires (avenant 43 et tarif plancher) qui portent la hausse de l'APA à domicile. Un degré de dépendance plus lourd est également évoqué. Côté établissements, la dépense d'aide sociale à l'hébergement est restée stable.

* Dépense nette : il s'agit de la dépense brute "défalquée des recettes (récupérations d’indus, participations des usagers, remboursements à d’autres départements ou à l’assurance maladie…)". La charge nette correspond quant à elle à la dépense nette défalquée des concours de l'État, qu'il s'agisse de dotations, des financements de la CNSA ou de recettes fiscales.

 

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