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Surprise ! : l'objectif de 50 milliards d'euros de recettes touristiques internationales en 2020 était atteint... en 2016

Dans un communiqué du 30 janvier 2018, intitulé très sobrement "Présentation des chiffres révisés du tourisme en France", la Banque de France lance un véritable pavé dans la mare. Jusqu'à présent en effet, les objectifs fixés par Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères en charge du tourisme, repris par ses successeurs et très récemment réaffirmés par Edouard Philippe dans sa restitution du dernier comité interministériel du tourisme (voir notre article ci-dessous du 19 janvier 2018) étaient simples et faciles à mémoriser : 100 millions de touristes et 50 milliards d'euros de recettes touristiques internationales à l'échéance de 2020.

Une "révision partielle" à dix milliards d'euros

Mais, dans son communiqué, la Banque de France explique que "dans le cadre d'une démarche régulière d'amélioration de la qualité statistique, [elle] procède à une révision partielle des données de la balance des paiements, portant essentiellement sur les chiffres du tourisme". Pour ces derniers, le terme de "révision partielle" tient de l'euphémisme. La Banque de France indique en effet que "les chiffres 2017 de la balance des paiements seront publiés le 10 avril 2018, comprenant le montant précis des révisions portant sur le tourisme. Les recettes nettes issues du tourisme international s'en trouveront augmentées d'environ 10 milliards d'euros par an, montant qui est à rapprocher du chiffre des recettes de tourisme de 38 milliards d'euros en 2016".
Autrement dit, les recettes touristiques de 2016 n'étaient pas de 38 milliards, mais d'environ 48 milliards d'euros (+26%), à deux doigts de l'objectif des 50 milliards fixé pour 2020. Et, pour 2017, l'estimation révisée serait de 54 milliards d'euros de recettes touristiques internationales, soit quatre milliards de plus que l'objectif 2020.

Un écart qui laisse songeur

Devant un écart d'une telle ampleur - et même si "l'année 2018 marque l'aboutissement de travaux approfondis, menés depuis 2015, de révision de chiffres portant sur le tourisme, et plus généralement sur les services de voyages" -, les explications de la Banque de France laissent quelque peu songeur : "Des enquêtes plus précises et davantage adaptées aux nouvelles formes de tourisme en France, l'exploitation de données digitales et le rapprochement des chiffres des organismes statistiques officiels étrangers ont fortement modernisé l'outil statistique et permis un chiffrage d'une qualité accrue, permettant de mieux mesurer cette activité"...
Lors d'un point presse, Jacques Fournier, le directeur des statistiques de la Banque de France, a précisé que le nombre d'enquêtes menées sur leurs dépenses auprès des touristes quittant le territoire a été fortement accru auprès des Chinois (+45% entre 2016 et 2017), des Indiens (+72%) et des Japonais (+88%), pour atteindre un total de 60.000 questionnaires par an pour 190 pays de provenance.
De même, un accord passé avec les banques françaises a permis "une pleine exploitation des données des cartes bancaires" des touristes, portant sur le montant des dépenses, mais aussi sur le nombre de cartes et de transactions, tandis qu'un accord avec un "important opérateur national" a également été passé pour exploiter des données issues de la téléphonie mobile.
Après cette révision, le panier de dépenses des touristes chinois (hors transports) est ainsi passé de 413 euros par séjour et par visiteur à... 1.647 euros. Les chiffres précis des nouvelles recettes touristiques internationales seront annoncés le 10 avril, lors de la présentation des données définitives de la balance des paiements pour 2017. Mais, d'ores et déjà, la question se pose d'une révision à la hausse de l'objectif 2020 fixé par le gouvernement.