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Surveillance et évaluation de l’état des eaux : publication d’arrêtés modificatifs sur fond de doutes sur l’atteinte des objectifs

Deux arrêtés modificatifs dictés par l’émergence de nouvelles méthodes de surveillance mais aussi l’évolution du niveau d’exigence relatif au "bon état des eaux" de la directive cadre européenne sur l’eau (DCE) sont parus ce 11 mai. Pour l’Autorité environnementale (Ae), qui a notamment passé au crible la nouvelle génération de schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), le fossé se creuse encore avec les objectifs fixés. 

Deux arrêtés modificatifs consacrés respectivement au programme de surveillance de l’état des eaux et aux méthodes et critères à mettre en œuvre pour délimiter et classer les masses d'eau et en dresser l'état des lieux sont parus ce 11 mai. Le ministère de la Transition écologique les avait soumis à consultation publique en mars dernier (lire notre article du 1er avril 2022) soulignant la nécessité de "poursuivre la mise en conformité avec les exigences de la DCE [Directive cadre sur l’eau] et de prendre en compte les progrès de connaissance en matière de méthodes et principes de surveillance des eaux de surface et souterraines".
La dernière vague de révision remonte en effet à 2018 et précédait le troisième cycle de gestion de la DCE 2022-2027. Dans l’intervalle les états des lieux - validés par les bassins en 2019 - faisant le bilan de l’état des masses d’eau, des pressions s’exerçant sur ces dernières et de leurs impacts potentiels sont entre autres venus bousculer les pratiques. Des diagnostics qui constituent par ailleurs le socle des onze schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) pour la période "2022-2027" et de leurs programmes pluriannuels de mesures (PDM) associés. 

Les objectifs de bon état des eaux ne seront pas atteints en 2027

L’analyse simultanée de tous les Sdage permet d’appréhender les chances que se donne la France, avant l’ultime échéance de 2027, d’atteindre le bon état des masses d’eau requis par la DCE. Un exercice auquel s’est livrée l’Autorité environnementale (AE) au cours de l’année 2021 comme en témoigne son dernier rapport annuel. Et le constat est sans appel : "les objectifs fixés traduisent un volontarisme que ni le retour d’expérience du cycle précédent, ni les évolutions des dispositions ne rendent crédible, faute de prescriptions et de moyens proportionnés pour les atteindre". L'Ae met ainsi en perspective "des ambitions fortes pour la qualité des masses d’eau (+ 20 % par rapport aux Sdage précédents)" - certes encore loin de l’objectif d’atteinte du bon état des masses d’eau en totalité en 2027 fixé par la DCE, à l’exception du Sdage de Corse, dont une grande partie des masses d'eau est d'ores et déjà dans un état jugé bon - et "des réponses qui seront probablement insuffisantes pour les atteindre".
Des déséquilibres importants sur certains grands bassins hydrographiques sur la ressource en eau, aggravés par les changements climatiques, sont pointés. En corollaire, les objectifs affichés en terme de qualité de l’eau "ne prennent pas en compte cette tension sur la ressource", remarque son président Philippe Ledenvic. L’Ae relève également le caractère trop souvent incitatif et insuffisamment prescriptif des actions, sans référence aux objectifs et à des résultats à atteindre, ni pour les nitrates, ni pour les pesticides. 
Globalement, les questions d’eau restent "peu présentes" dans les autres plans/programmes, ainsi que dans un nombre important de dossiers de projets, déplore-t-elle. Philippe Ledenvic relève notamment des problèmes de caractérisation spatiale, mais aussi fonctionnelle, des zones humides, une sous-évaluation de la prise en compte de la protection des eaux souterraines, tout particulièrement dans le cadre des zones d’aménagement concerté (ZAC), et enfin de vraies difficultés dans le traitement des eaux pluviales et du risque de pollution des eaux par leur rejet.

 
Références : arrêté du 19 avril 2022 modifiant l'arrêté du 12 janvier 2010 relatif aux méthodes et aux critères à mettre en œuvre pour délimiter et classer les masses d'eau et dresser l'état des lieux prévu à l'article R. 212-3 du code de l’environnement ; arrêté du 26 avril 2022 modifiant l'arrêté du 25 janvier 2010 établissant le programme de surveillance de l'état des eaux en application de l'article R. 212-22 du code de l’environnement, JO du 11 mai 2022, textes n° 2 et 3.