Suspension de MaPrimeRénov’ : Intercommunalités de France se mobilise pour décentraliser via une proposition de loi

Intercommunalités de France plaide pour décentraliser la politique de rénovation énergétique de l’habitat, avec en première ligne MaPrimeRénov’ qui vient d’être (en partie) suspendue par l’État cet été pour permettre d'identifier les dossiers frauduleux. Son président, Sébastien Martin, député de Saône-et-Loire, souhaite porter une proposition de loi en ce sens pour rendre le dispositif plus performant. Déjà nombreuses à accompagner quotidiennement les ménages dans leurs travaux, les communautés urbaines, d’agglomération et métropoles, en partenariat avec les départements, se verraient confier ce guichet unique de proximité.

Intercommunalités de France appelle à une décentralisation des politiques de rénovation énergétique du logement. Son président Sébastien Martin, fraîchement élu député (Droite républicaine, Saône-et-Loire), porte une proposition de loi en ce sens, dont il a dévoilé l’architecture globale lors d’un point presse ce 10 juillet. Une concertation devrait s’engager dès cette semaine avec la ministre du Logement, Valérie Létard, et François Rebsamen, le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, ainsi qu’avec d'autres associations d’élus (AMF, France urbaine, Départements de France) pour aboutir à la rédaction d’un texte précis à l’automne. "Intercommunalités de France plaide depuis des années pour avancer vers la décentralisation des politiques de l’habitat et du logement", relève Sébastien Martin, "et donc l’idée que l’on propose aujourd’hui n’est pas que le fait d’une actualité liée à la suspension du dispositif MaPrimeRénov’ par le gouvernement et à la manière dont les choses se passent sur le terrain autour des fameux Mon accompagnateur Rénov [MAR] et des fraudes diverses et variées". 

Jusqu’à 100% des dossiers frauduleux

Deux agglomérations en pointe sur ces questions en dressent un constat accablant. "Avec l’arrivée sur le territoire des MAR privés extérieurs, on s’est aperçu très vite que ces dossiers-là étaient souvent frauduleux. On a donc dû mettre en place des processus extrêmement couteux en temps et énergie pour nos équipes pour déjouer toutes les ruses, qui vont de l’usurpation d’identité des bénéficiaires, jusqu’à l’usage de faux, notamment en termes de diagnostic initial des maisons ou de diagnostic final après travaux, en passant par de la collusion d’intérêts entre le MAR et l’entreprise qui fait les travaux", illustre Anne Terlez, vice-présidente de l'agglomération Seine-Eure et vice-présidente du conseil départemental de l’Eure. Ce contrôle des dossiers s’est avéré efficace : "À ce stade, sur l'agglomération Seine-Eure, 100% des dossiers déposés par un MAR extérieur au territoire sont frauduleux." La communauté d’agglomération du Grand Chalon ne fait pas exception, comme en témoigne également la directrice Habitat et Foncier, Nathalie Civelli. "Suite à l’évolution de MaPrimeRénov’ en 2024 avec des MAR extérieurs, on a des suspicions de fraude quasiment sur chaque dossier, nous obligeant à développer des contrôles avant et après travaux, avec pratiquement les mêmes statistiques : sur 10 visites, on en a 8 qui sont irrégulières" (audits énergétiques avec des superficies différentes de la réalité, murs indiqués non isolés alors qu’ils le sont, etc.). 

Des situations bloquées

L’ensemble des MAR extérieurs vont au maximum des subventions qu’ils peuvent obtenir et donc au maximum des travaux "pas du tout en adéquation avec le projet du ménage". Leur démarche est "pro-active" (par téléphone, SMS…) avec pour conséquence une baisse de fréquentation de l’espace habitat conseil organisé par l’agglomération. "Ces ménages ne bénéficient pas des conseils neutres et nécessaires à leurs projets et sont orientés par les MAR extérieurs sur un projet qu’ils n’ont pas décidé, sans forcément de visites à domiciles, de conseils sur les travaux", déplore-t-elle. L’agglomération est par ailleurs contrainte d’assurer le "service après-vente" auprès des ménages face à des "dossiers très mal ficelés" pour lesquels l’instruction est difficile et la situation bloquée. Ce sont ainsi 200 dossiers au Grand Chalon qui ne peuvent aboutir en l’état...

Des exemples parlants, estime Sébastien Miossec, président de Quimperlé Communauté et président délégué d'Intercommunalités de France. L’élu, qui porte également la casquette d’administrateur de l’Anah, pointe "une sorte de déconnection" entre la capacité d’une administration centrale, y compris via une agence (l’Anah), de gérer une très grande diversité de situations et une multitude de dossiers et le terrain. Et valorise au contraire le service de proximité mis en place à Quimperlé au bénéfice des habitants souvent désorientés, et qui à ses yeux, "est vraiment ce qui a généré des travaux". 

Mettre les choses à bonne échelle

C’est ce que propose Intercommunalités de France en soutenant la décentralisation de la politique de rénovation de l’habitat dans son ensemble, dont MaPrimeRénov’ est certes un des gros volets. "Que l’État s’occupe de rénover ses universités, ses hôpitaux, ses prisons, etc. (…) et nous, collectivités locales, nous sommes à même de nous charger d’accompagner nos concitoyens pour changer leurs fenêtres, pour mieux isoler leur maison, pour les aider à choisir le bon mode de chauffage, en fonction du type d’habitat et du territoire dans lequel ils vivent", appuie Sébastien Martin. "Il s’agit de faire confiance aux territoires pour s’occuper en proximité de la rénovation de l’habitat car l’on voit bien les usines à gaz auxquels nous sommes confrontés". Les deux exemples de territoires évoqués, "qui s’organisent pour faire les contrôles, pour examiner les dossiers pour le compte de l’État [au titre de la délégation des aides à la pierre de type 3], c’est une infime minorité, partout ailleurs ce sont les services de la DTT à la préfecture qui ne sont pas sur-dotés qui doivent faire ce boulot très complexe", relève-t-il. 

Ce futur guichet unique serait confié aux intercommunalités urbaines en partenariat avec les départements pour la partie rurale. Sur le volet financement, la proposition de loi, qui sera déposée prochainement, prendrait comme base de calcul, sur le modèle d’un transfert de charges, les dépenses mobilisées localement par l’État sur une moyenne des trois dernières années. Comment le faire ? "De manière pragmatique, c’est-à-dire proposer une expérimentation pour deux ans dans une dizaines de territoires qui seraient prêts à recevoir cette compétence avant une généralisation". Cette proximité coûtera "moins cher", fait valoir Sébastien Martin : "200 dossiers sont dans les tuyaux sur un territoire comme celui du Grand Chalon - de 51 communes et 117.000 habitants -, pour chaque dossier les MAR touchent presque 2.000 euros, 200 x 2000, cela fait 400.000 euros, soit l’équivalent de dix agents au Grand Chalon qui pourraient faire le boulot dans le cadre d’un vrai service public en toute objectivité et en ayant la connaissance du tissu artisanal local." 

 

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