MaPrimeRénov' : face au mécontentement, le dispositif maintenu pour les travaux isolés de rénovation
Le ministère chargé du Logement a indiqué ce mardi 17 juin que le guichet de dépôt de nouveaux dossiers d'aides MaPrimeRénov' pour des rénovations énergétiques d'ampleur fermerait dès le 23 juin jusqu'à la mi-septembre et a présenté ses pistes pour "un meilleur fonctionnement du dispositif". En revanche, face au mécontentement du secteur du bâtiment, le gouvernement a décidé de maintenir le guichet pour les travaux isolés. Parallèlement, deux textes réglementaires qui durcissent les règles d'accès au statut de mandataire, tandis qu'un autre vient modifier les modalités d'application des certificats d'économie d'énergie (CEE) pour les travaux de rénovation d'ampleur.

© @valerieletard/ Réunion de concertation autour de MaPrimeRénov'
Le ministère chargé du Logement a indiqué ce mardi 17 juin que le guichet de dépôt de nouveaux dossiers d'aides MaPrimeRénov' pour des rénovations énergétiques d'ampleur fermerait dès le 23 juin, et ce, jusque "vers le 15 septembre". Le gouvernement avait précédemment annoncé une suspension "d'ici le 1er juillet", une date anticipée, après avoir reçu des centaines de dossiers par jour en juin. Cette suspension ne concerne en revanche pas les aides pour des travaux isolés (dits "monogestes") ni pour les copropriétés.
Une réunion avec les professionnels de la filière de la rénovation énergétique était organisée ce mardi par le ministère chargé du Logement, qui a présenté ses pistes pour "un meilleur fonctionnement du dispositif". Parmi les pistes concernant les rénovations d'ampleur : la baisse des plafonds de travaux éligibles à une subvention, l'arrêt d'un bonus réservé aux logements les plus énergivores et le recentrage sur des logements jugés "prioritaires", à savoir les passoires énergétiques chauffées à partir d'énergies fossiles.
Un travail est lancé sur un "référentiel de prix" avec la filière pour limiter le gonflement des devis et détecter les abus. "On constate en 2025 une forte augmentation du coût des travaux par rapport à 2024 (+7%) sur la rénovation d'ampleur, qui est sans commune mesure avec l'inflation (environ 2%)", indique le ministère.
Jean-Christophe Repon, président du syndicat des artisans du bâtiment Capeb, se "satisfait" de ces annonces et de la volonté d'un meilleur "pilotage" des aides à la rénovation d'ampleur. "On voit que les moyens mis sur la rénovation d'ampleur sont peut-être un peu trop importants pour ne pas éviter l'effet d'aubaine et la fraude", a-t-il réagi auprès de l'AFP. Il ajoute que les paramètres précis de plafond et de recentrage des aides, déjà présentés lundi à la presse, ne sont "pas actés" et feront l'objet d'échanges entre professionnels et Etat. Une nouvelle "réunion de concertation" sera organisée mi-juillet.
Pas d'interruption pour les rénovations "monogestes"
Le gouvernement aimerait aussi hiérarchiser "les gestes prioritaires" pour les aides concernant des travaux isolés, ce guichet-là, donc, ne fermera en revanche pas pour l'été. "C'est une décision qui a été prise par le gouvernement à la suite de l'écoute de la filière qui avait manifesté (...) un fort mécontentement", avait expliqué la veille, lundi 16 juin, le cabinet de la ministre chargée du logement Valérie Létard. Ces travaux isolés de rénovation portent par exemple sur l'installation d'une chaudière ou la pose de fenêtres. Toutefois, le maintien des aides pour ces opérations de moindre ampleur pour l'été n'est pas "une pérennisation sans conditions", a averti le ministère, qui mentionne de possibles modifications des règles concernant les travaux "monogestes" à l'"horizon 2026".
La Fédération française du bâtiment, vent debout contre la suspension de MaPrimeRénov annoncée le 4 juin dernier, a salué ce maintien de l'aide pour les travaux monogestes, une "belle et grande victoire". "Le travail de fond et de négociation engagé depuis dix jours, puis la décision d'une mobilisation nationale et locale (...) ont porté leurs fruits", peut-on lire dans son communiqué de lundi. "C'était une revendication légitime", a fait valoir son président, Olivier Salleron, auprès de l'AFP. "La rénovation par gestes, ça fonctionne, c'est plus simple, beaucoup moins cher (que la rénovation d'ampleur NDLR), ça fait entre 35% et 50% d'économies d'énergie en plus. Et ça fait travailler beaucoup d'artisans", a-t-il détaillé.
La FFB avait voté vendredi une résolution appelant à "des mobilisations de terrain" pour protester dès le 2 juillet si la suspension des aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' était maintenue. Elle prévoyait "des actions revendicatives de terrain" en l'absence "d'avancées notables, concrètes et rapides". Olivier Salleron avait promis une mobilisation avec "camionnettes, engins de chantier, camions, qui sont plus gros que des tracteurs". Plusieurs associations professionnelles du bâtiment avaient demandé a minima le maintien des subventions pour les aides à la rénovation par gestes.
Au 31 mai 2025, 122.000 ménages ont bénéficié de MaPrimeRénov', avec 78.000 rénovations par geste et 44.000 rénovations d'ampleur, "principalement, à 80%, sur des logements classés F ou G". Les travaux monogestes bénéficient en moyenne de 4.000 euros d'aide publique, contre 40.000 euros pour des rénovations d'ampleur.
Durcissement des règles autour des mandataires
Face aux nombreuses tentatives de fraude, l'Etat a l'intention de dénoncer des Accompagnateurs Rénov' et mandataires frauduleux, via du "name and shame", et de territorialiser ces interlocuteurs dont le conseil est obligatoire dans les dossiers de rénovation d'ampleur. Il a déployé une "taskforce anti-fraudes interministérielle" pour écarter les fraudeurs du marché, a-t-il fait savoir ce mardi lors de la réunion avec les professionnels. Huit millions d'euros d'aide font actuellement l'objet de contentieux et de procédure de recouvrement, avait indiqué la veille le ministère. La "fraude potentielle" calculée par Tracfin serait de l'ordre de 50 millions d'euros.
Ce mardi 17 juin ont justement été publiés au JO un décret et un arrêté qui durcissent les règles d'accès au statut de mandataire, qui permet de percevoir des aides publiques à la rénovation énergétique pour le compte d'un tiers. Lors d'une demande d'aides MaPrimeRénov', que ce soit pour des travaux isolés ou pour une rénovation d'ampleur, un particulier peut désigner un mandataire de perception de fonds, outil utile pour éviter au propriétaire de devoir avancer le prix des travaux à une entreprise. À partir du 1er juillet, le niveau d'exigence pour accéder à ce statut va être relevé et des documents permettant à l'État de mieux les contrôler seront demandés, notamment un extrait de casier judiciaire et un justificatif de trésorerie.
"Les textes réglementaires parus ce jour vont permettre de renforcer significativement les exigences de trésorerie des mandataires interdisant de ce fait à des mandataires 'coquilles vides' sans moyen de se mettre sur ce marché", a commenté le ministère. "Les mandataires se verront imposer la réalisation d'un plan de contrôle extrêmement strict qui permettra de les surveiller et de les évaluer" et des "sanctions à leur encontre seront renforcées très significativement" (jusqu'à 6% du chiffre d'affaires), est-il ajouté.
"Actuellement la majeure partie des flux financiers frauduleux utilisent le dispositif de mandat financier", selon Hugues Sartre, porte-parole d'un groupement d'entreprises du secteur de la rénovation énergétique dénommé Gere. "N'importe quelle personne morale ou physique pouvait être mandataire financier et l'Agence nationale de l'habitat (Anah) n'a aucun pouvoir pour refuser ce mandat à un acteur", déplore-t-il. Pour lui, "ce texte est une bombe dans le bon sens", qui va permettre à l'Anah, qui distribue les aides MaPrimeRénov', de révoquer et sanctionner un mandataire n'entrant pas dans les clous.
Un arrêté pour modifier les conditions des certificats d'économie d'énergie
Les mesures annoncées ce mardi concernant par ailleurs les certificats d'économie d'énergie (CEE), qui vont permettre "d'abonder d'environ 250 millions d'euros de recettes supplémentaires" en 2025 le financement des rénovations globales. Le gouvernement ouvre "de façon plus générale une réflexion pour sécuriser les ressources de l'Agence nationale de l'habitat (Anah)".
Là encore, un texte réglementaire a été publié au JO, cette fois samedi 14 juin : un arrêté modifiant les modalités d'application de ces CEE pour les travaux de rénovation d'ampleur. Ces travaux bénéficient désormais d'une bonification pour les ménages aux ressources modestes, ce qui devrait inciter les entreprises concernées par les CEE à les financer.
L'arrêté prévoit que le volume total de certificats d'économies d'énergie délivrés à une entreprise pour le financement d'une rénovation thermique d'ampleur chez un ménage modeste est multiplié par un coefficient de 4, lorsque ces travaux sont "valorisables" par l'Anah, c'est-à-dire lorsqu'ils font l'objet d'un octroi de subventions MaPrimeRénov'.
Les CEE financent déjà 30% des aides pour la rénovation énergétique globale d'un logement et le gouvernement prévoit qu'avec cet arrêté, cette part monte à 60%, selon le cabinet de Valérie Létard. "Cet arrêté bonifie une action prioritaire pour donner les moyens à l'Anah de mettre en oeuvre la politique de rénovation d'ampleur des logements énergivores", indique samedi le ministère de l'Économie.
L'arrêté paru samedi prévoit aussi un coefficient de bonification de 2 pour les rénovations thermiques globales qui se font au profit de ménages modestes mais non éligibles à MaPrimeRénov', comme les résidences secondaires ou les logements sociaux. La condition pour bénéficier de cette bonification est la signature de la charte d'engagement "Coup de pouce Rénovation d'ampleur des maisons et appartements individuels".
On rappellera que les CEE sont un dispositif basé sur le principe du pollueur-payeur, qui oblige les fournisseurs d'énergie à financer des actions de réduction de la consommation d'énergie et d'amélioration de l'efficacité énergétique. Désireux de trouver des recettes dédiées à la transition énergétique ne pesant pas sur le budget de l'État, le gouvernement entend réorienter fortement ce système, qui représente une enveloppe colossale de 4 à 6 milliards d'euros chaque année, vers la décarbonation de la mobilité et l'amélioration de la performance énergétique des logements.
Références : décret n° 2025-545 du 16 juin 2025 modifiant le décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique ; arrêté du 16 juin 2025 modifiant l'arrêté du 14 janvier 2020 relatif à la prime de transition énergétique ; arrêté du 13 juin 2025 modifiant l'arrêté du 29 décembre 2014 relatif aux modalités d'application du dispositif des certificats d'économies d'énergie. |