La filière de la rénovation énergétique gronde contre la suspension de MaPrimeRénov'

Levée de boucliers contre la suspension de MaPrimeRénov' : la filière de la rénovation énergétique tout entière s'inquiète de l'arrêt temporaire des demandes d'aides et le secteur du bâtiment envisage des manifestations.

Les ministres de l'Économie et du Logement ont confirmé mercredi 4 juin une fermeture "cet été" du guichet de dépôt des dossiers de demande d'aide MaPrimeRénov' pour les rénovations énergétiques globales et les travaux d'isolation et de remplacement de chaudière ponctuels.

Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), juge la décision du gouvernement de fermer ce guichet "injustifiable, inqualifiable", risquant de mettre "sur le carreau 100.000 salariés du secteur". La FFB compte profiter de son congrès national le 13 juin pour "décider des mesures à prendre", indique Olivier Salleron à l'AFP. "Ça va gronder", ajoute-t-il, manifestation, blocage, montage de grues dans des "lieux stratégiques" étant envisagés.

Même volonté de protester du côté du syndicat des artisans du bâtiment, la Capeb, qui s'organise pour définir "un mouvement" afin de "réagir fortement et dire notre mécontentement", selon son président Jean-Christophe Repon.

La rénovation énergétique représente 30% de l'activité des adhérents de la FFB et 600.000 salariés, selon Olivier Salleron. "Les TPE, PME, artisans, tout le monde est vent debout. Avec en plus la crise grave et historique du logement neuf, trop c'est trop, on ne va pas se laisser crever sans rien dire", gronde-t-il.

Colère identique chez les fabricants de pompes à chaleur ou chauffe-eau dont certains "suspendent" déjà leurs décisions d'investissement dans des agrandissements d'usine, souligne Teoman Bakoglu, délégué-général adjoint de la FIEEC qui regroupe les industries électriques, électroniques et de communication. "S'il n'y a plus de carnet de commandes, les usines s'arrêtent", a-t-il dit à l'AFP.

"Besoin de stabilité"

Dans un communiqué commun, 19 organisations professionnelles de la rénovation énergétique expriment leur "stupéfaction" et leurs "inquiétudes". "Sans stabilité du dispositif, a fortiori sans sa pérennisation, et sans sa simplification, ce sont des milliers d'entreprises d'installateurs, d'artisans du bâtiment, de distributeurs et d'emplois industriels qui sont directement fragilisés", dénoncent ces fédérations de professionnels du bâtiment, du chauffage, de l'énergie, de l'électricité ou encore du génie climatique. Le collectif de fédérations estime que la réunion prévue ce vendredi 6 juin au ministère de l'Economie pour discuter du marché de la rénovation énergétique n'a "plus lieu d'être car sans objet désormais" et demande à être reçue par le Premier ministre.

La suspension concerne uniquement les nouveaux dossiers. "Les dossiers non frauduleux déposés avant la fermeture seront instruits et payés dans les meilleurs délais, et une démarche d'accélération de l'instruction sera mise en place", a précisé le ministère chargé du Logement.

Les aides à la rénovation énergétique ont "besoin de stabilité", assure Christophe Ferrari, président de la métropole de Grenoble et vice-président d'Intercommunalités de France chargé de l'habitat, pour qui cet énième changement du dispositif MaPrimeRénov' est "la meilleure façon pour que les particuliers n'aillent pas dans la rénovation énergétique".

"Les intercommunalités, au travers de leurs plans locaux de l’habitat, leurs maisons de l’habitat, leur implication dans les comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement… sont pleinement mobilisées et en contact direct avec les Français et les petites et moyennes entreprises du BTP pour les accompagner dans l’effort de rénovation énergétique des logements", écrit l'association dans un communiqué diffusé mercredi, en demandant à "disposer dans les meilleurs délais de l’ensemble des informations sur les intentions du gouvernement concernant l’avenir du dispsotif".

"Il n'y a pas de sujet budgétaire"

Cette pause du dispositif est motivée par "un encombrement [de nouvelles demandes] en ce moment et un excès des fraudes", selon Éric Lombard, qui évalue à "16.000" le nombre de "dossiers suspicieux", soit "12% du stock". S'exprimant mercredi au Sénat lors des questions au gouvernement, le ministre de l'Economie a assuré que "naturellement, une fois que cela sera réglé, le processus pourra continuer" et précisé ultérieurement devant la commission des affaires économiques du Sénat que le gouvernement avait "bien l'intention de rétablir le fonctionnement avant la fin de l'année". "Il n'y a pas de sujet budgétaire. On a prévu au budget 3,6 milliards et on a dépensé pour le moment 1,3 milliard", a-t-il aussi déclaré.

Pourtant, de nombreuses collectivités, dont la Meuse, l'Ardèche, la métropole de Lyon, disent constater un épuisement des crédits. Sept d'entre elles ont écrit début mai au ministère chargé du Logement pour alerter sur une "situation de blocage", disant "faire face à une explosion des demandes d'aides et à une insuffisance des crédits Anah (Agence nationale de l'habitat) alloués".

Le nombre de logements rénovés avec des subventions de MaPrimeRénov' a triplé au premier trimestre par rapport à la même période de 2024, alors que le budget prévu pour 2025 avait été réduit.

En 2024, 44.172 dossiers frauduleux avaient été détectés par l'Anah avant leur mise en paiement, ce qui représentait 229 millions d'euros de fraudes évitées.

 

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