Taxe foncière : malgré une accalmie en 2025, l’UNPI alerte sur la tendance de long terme
Alors que la taxe foncière n’a progressé que de 1,7% en 2025 dans les grandes villes, l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) dénonce une hausse de fond selon elle plus alarmante : +37,3 % en dix ans. Dans son dernier rapport, l’organisation appelle notamment à une réforme en profondeur de cet impôt devenu, dit-elle, insoutenable pour les propriétaires.

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C’est un répit pour les propriétaires. La taxe foncière sur les propriétés bâties (TF) a connu une accalmie marquée en 2025, affichant une progression moyenne de seulement 1,7% dans les 200 plus grandes villes de France. Une progression modérée, qui tranche nettement avec les fortes hausses des années précédentes. Ce chiffre est issu du 19e rapport de l’Observatoire national des taxes foncières, publié par l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). Le document, qui compile les données de plus de 34.000 communes, a notamment pour objectif d’alimenter les débats parlementaires autour du projet de loi de finances pour 2026.
Cette modération conjoncturelle ne saurait toutefois masquer une progression structurelle : sur la décennie 2014-2024, la TF a bondi en moyenne de 37,3 %.
Un effet décélération avant tout législatif
L'Observatoire de l’UNPI apporte une clarification pour comprendre la modération fiscale observée en 2025. La hausse de 1,7% est, en réalité, intégralement due à la revalorisation annuelle de la base de calcul de la taxe, à savoir la valeur locative cadastrale.
En revanche, le taux d'imposition voté par les collectivités locales est resté quasi stable en 2025, avec une augmentation moyenne de seulement +0,04%. Cette stabilité des taux locaux intervient après des années de fortes augmentations (mais pas partout), notamment en 2023.
L’UNPI relie cette modération à l’approche des élections municipales de 2026. Frédéric Zumbiehl, juriste de l’UNPI, a ainsi rappelé que l’Observatoire avait déjà constaté "ce phénomène en 2019 avec une baisse de 0,7% du taux de taxe foncière". Les futures municipales auraient donc "freiné l’ardeur des maires et l’augmentation des taux locaux".
La décennie sous pression : quand l’inflation dicte l’impôt
Si les élus locaux ont globalement maintenu leurs taux en 2025, la hausse cumulée du produit de taxe foncière sur dix ans interpelle l'UNPI. Entre 2014 et 2024, l'augmentation moyenne de 37,3% est considérée par l’UNPI comme largement disproportionnée : elle est notamment 4,3 fois supérieure à l’augmentation des loyers (+8,7%) et 1,9 fois supérieure à l’inflation (+19,9%) sur la même période.
L'UNPI, rappelle la mécanique souvent incomprise de cet impôt : bien distinguer le taux d’imposition local (voté par les communes et expliquant environ un tiers de la hausse totale entre 2014 et 2024, selon l’UNPI), et la revalorisation légale des valeurs locatives (mécanisme national, représentant les deux autres tiers de l'augmentation totale, soit +23,5% sur 10 ans). Depuis 2018, la valeur locative (l’assiette de l’impôt) est indexée sur l’inflation. C’est ce choix législatif, indépendant des budgets locaux, qui a provoqué une accélération récente. Les coefficients de majoration ont atteint des niveaux historiques en 2023 (+7,1%) et 2024 (+3,9%). L’UNPI calcule ainsi qu’à taux inchangés, la seule revalorisation légale aurait entraîné une hausse de 15,1% de la taxe foncière entre 2021 et 2024.
Le rapport souligne que les élus ont la possibilité de baisser leur taux communal pour compenser la revalorisation automatique, comme l'ont fait certaines communes (onze ont abaissé leur taux en 2025 parmi les 200 plus grandes villes). Cependant, l'UNPI constate que "l’écrasante majorité des collectivités décident, au mieux, de reconduire leur taux".
Le défi de la compensation et de la dynamique démographique
L'analyse de l'UNPI s'intéresse également aux conséquences de la suppression de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences principales. Celle-ci aurait "eu tendance à pousser les collectivités à augmenter la taxe foncière", avance l’UNPI. En cause : la complexité et le dynamisme parfois insuffisant des mécanismes de compensation mis en place par l’État pour remplacer les recettes perdues.
Le rapport établit une corrélation significative : entre 2019 et 2024, plus la population municipale a augmenté, plus la taxe foncière a eu tendance à s'accroître. L'UNPI interprète ce phénomène comme la preuve que, si l'augmentation du nombre d’habitants génère des dépenses supplémentaires pour la collectivité, les compensations de l'État pour l'ancienne taxe d’habitation n'augmentent pas toujours au même rythme. En l'absence de marge de manœuvre sur l’ancienne taxe d’habitation, l’UNPI souligne que "si les collectivités souhaitent augmenter significativement leurs recettes, elles ne peuvent plus augmenter que le taux de la taxe foncière".
Des impacts variés selon les territoires
Les chiffres révèlent des situations locales très contrastées. Paris affiche, de loin, la plus forte augmentation décennale parmi les 50 plus grandes villes : +87,9% entre 2014 et 2024. Cette hausse spectaculaire s'explique par le relèvement important de son taux communal en 2023. Malgré cela, son taux de taxe foncière reste l'un des plus faibles du panel (21,2% en 2024). Les taux les plus élevés sont observés à Grenoble (67,92% en 2024) ou dans des départements où l'ancien taux départemental était très élevé, comme l'Aude (taux moyen de 63,28%).
Ces disparités s’expliquent par la combinaison du taux voté localement et de la valeur locative du bien, qui est très différente entre une commune francilienne aux valeurs immobilières hautes (comme Boulogne-Billancourt, avec un taux faible de 15,78% en 2024) et une commune où les taux sont très élevés mais appliqués à une base foncière plus modeste.
Les propositions de l’UNPI
Face à ce qu’elle considère comme une situation "intenable" pour les propriétaires, l'UNPI formule plusieurs propositions de réforme. Sylvain Grataloup, président de l’UNPI, rappelle que la taxe foncière est devenue un "élément d'arbitrage au moment de l'accession à la propriété". L'organisation propose notamment de remplacer la taxe foncière par une "contribution locale des usagers des collectivités (Cluc)", qui serait payée par l’ensemble des habitants (propriétaires et locataires), de réformer l’indexation des valeurs locatives, en l'alignant sur l’indice des loyers d’habitation (ILH) plutôt que sur l’inflation, et de permettre aux propriétaires bailleurs de récupérer partiellement la taxe foncière auprès de leurs locataires, à l’instar de ce qui se fait pour les baux commerciaux.