Archives

Tourisme : l'État aurait-il renoncé à sa fonction d'investisseur ?

Et si, en matière de tourisme, l'État avait renoncé à sa fonction d'investisseur et d'État stratège ? C'est en tous les cas ce qu'avance Émilie Bonnivard, députée (LR) de Savoie. Dans son rapport sur le règlement du budget et d'approbation des comptes de 2018, elle déplore le retrait de l'État de la politique de structuration de l'offre touristique.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, Émilie Bonnivard, députée (LR) de Savoie, a présenté un rapport sur l'action de l'État en matière de tourisme. Le champ étudié par la rapporteure spéciale de la commission des finances de l'Assemblée est très restreint, puisqu'il porte sur les crédits de la seule action 7 "Diplomatie économique et développement du tourisme" du programme 185, intitulé "Diplomatie culturelle et d'influence", de la mission "Action extérieure de l'État". Une action qui correspond à un modeste budget de 37,4 millions d'euros, géré par "le seul opérateur de la politique touristique de la France, Atout France". Mais ce périmètre très limité au regard de l'ensemble du budget fonde justement les critiques exprimées dans le rapport.

8% du PIB et aucun programme budgétaire

Émilie Bonnivard estime qu'"il n'est pas concevable, alors que le secteur représente près de 8% de notre PIB, que la politique touristique ne dispose pas même d'un programme dans notre architecture budgétaire", empêchant ainsi, de fait, les parlementaires d'exercer leur droit d'amendement.

Pour autant, la rapporteure spéciale estime que "ce petit budget dédié à Atout France est bien dépensé par cet opérateur". La subvention de l'État de 37,4 millions d'euros a en effet permis de lever 38,4 millions d'euros en 2018 sous la forme de partenariats publics (collectivités territoriales) et privés, "ce qui est exceptionnel". Par ailleurs, les objectifs quantitatifs sont "plutôt en voie d'être atteints", avec 89,4 millions de touristes internationaux en 2018.

Sans surprise, la rapporteur s'oppose donc à la diminution de 4 millions d'euros du budget d'Atout France prévue par le gouvernement, "soit une diminution de 12,5% de l'effort de l'État pour ce budget déjà très restreint dédié au tourisme" (voir notre article ci-dessous du 22 janvier 2019). Elle estime que "cette décision n'est ni opportune eu égard au contexte, ni juste eu égard au poids du tourisme dans notre économie". Dans ces conditions, elle en déduit que "le gouvernement a décidé de ne pas investir le tourisme comme filière économique ou outil d'aménagement du territoire, puisqu'il a supprimé en 2018 le budget dédié au tourisme dans la mission Économie relevant du ministère de l'économie et des finances" (qui n'était que de 1,27 million d'euros) et regrette qu'il "renonce à agir en État stratège et en investisseur dans le domaine touristique, aux côtés des acteurs locaux, pour adapter et construire les offres touristiques de demain".

Une réforme de la taxe de séjour "trop complexe"

La rapporteure spéciale pointe également certaines actions sectorielles. Elle estime ainsi que l'expérimentation de "France tourisme ingénierie", lancée en janvier 2018 (voir notre article ci-dessous du 19 janvier 2018) et pilotée par Atout France en partenariat avec la Banque des Territoires, a débouché sur "d'excellentes initiatives locales", comme à la Grande-Motte (notre photo). Elle déplore en revanche qu' "aucun dispositif fiscal incitatif national" n'a été mis en place pour répondre à la question des lits froids (rénovation de l'immobilier de loisirs des années 70-80, notamment dans les stations de ski).

De la même façon, la rapporteur regrette l'inadaptation des outils financiers pour la préservation de l'hôtellerie familiale et indépendante, "qui a le mérite de couvrir le territoire national". Elle préconise des pistes telle qu'une exonération partielle de droits de succession en contrepartie de travaux et d'une transmission d'activité, en l'occurrence une sorte de Pacte Dutreil renforcé, ciblé sur les seules activités hôtelières.

Enfin, sans attendre le premier bilan global coûts/bénéfices à fin 2019, Émilie Bonnivard juge la réforme de la taxe de séjour "trop complexe". En ce domaine, elle estime qu'"une réelle simplification est nécessaire, sous peines d'importantes erreurs de calcul et de collecte".

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis