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Santé - Tuberculose : une compétence déléguée aux départements qui peine à trouver sa place ?

Dans son numéro du 15 juin 2010, le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) - édité par l'Institut de veille sanitaire (InVS) - publie un article consacré à la "Tuberculose résistante en Seine-Saint-Denis : étude de dépistage autour des cas". Bien que centrée sur les aspects épidémiologiques, cette étude, portant sur quinze patients ayant un prélèvement respiratoire positif à une forme de tuberculose multirésistante (Mycobacterium tuberculosis multirésistant), se montre critique sur l'organisation du dépistage en Seine-Saint-Denis, où le département a choisi de conserver cette compétence après l'acte II de la décentralisation (loi du 13 août 2004). Elle témoigne des difficultés rencontrées par les départements pour trouver leur place dans un dispositif sanitaire qui reste très largement piloté par l'Etat.
Il ressort de l'étude du BEH - menée par des médecins de plusieurs hôpitaux de Seine-Saint-Denis - que le circuit du dépistage présente de nombreux dysfonctionnements, en particulier dans le suivi des "sujets contacts" (personnes en contact avec le sujet malade - cas index -, personnes qu'il est indispensable de dépister et de suivre avant qu'elles ne deviennent éventuellement contagieuses, afin d'éviter l'extension de la maladie). Les auteurs pointent notamment l'absence de liste des sujets contacts dépistés dans les dossiers de certains centres de lutte antituberculeuse (Clat), le "peu de communication entre les Clat et les autres acteurs potentiels du dépistage (médecin traitant, hôpital, sanatorium...)", le manque de communication entre Clat d'un même département, l'absence de retour systématique au Clat coordinateur des résultats de dépistage autour d'un cas index effectués par les Clat des autres départements... Pour les auteurs de l'étude, ces dysfonctionnements sont "à l'origine d'une absence de dépistage chez de nombreux sujets contacts". Parmi les préconisations figurent notamment l'amélioration du lien entre les Clat et les services cliniques et bactériologiques, la réalisation systématique d'un entretien par le Clat auprès du patient au cours de son hospitalisation, ainsi qu'"une optimisation des moyens humains et de l'organisation de la lutte antituberculeuse pour permettre un dépistage plus exhaustif des sujets contacts (à leur domicile ou, au minimum, en dehors de leurs heures de travail)".
La publication de cette étude intervient après la découverte, en novembre dernier, de trois cas de tuberculose au sein du collège Louise Michel, à Clichy-sous-Bois, qui a conduit à soumettre la quasi totalité des élèves à un test et à des radios pulmonaires. Le département, qui consacre des moyens importants à la lutte contre la tuberculose, avait alors signé une nouvelle convention avec l'Etat en vue de financer des tests auprès "des populations à risques les plus élevés" (personnes vivant dans les foyers d'hébergement, les squats ou les campements). Les cas survenus au collège de Clichy-sous-Bois avaient également conduit les élus de l'opposition départementale à demander que l'Etat revienne sur la levée de l'obligation vaccinale par le BCG, effective depuis juillet 2007 (voir notre article ci-contre du 11 juillet 2007).
Si elle est le territoire métropolitain présentant la plus forte prévalence de la tuberculose (30,7 cas pour 100.000 habitants), la Seine-Saint-Denis est loin d'être le seul département à avoir choisi de conserver la compétence santé - dont le dépistage de la tuberculose - et à avoir passé en conséquence une convention avec l'Etat. C'est aussi le cas de nombre de grands départements urbains (les Bouches-du-Rhône, la Gironde, la Haute-Garonne, le Nord, les Hauts-de-Seine, l'Essonne, le Val d'Oise...). Mais certains départements à dominante rurale ont également choisi de continuer d'intervenir en matière de dépistage de la tuberculose, à l'image du Gers ou de la Haute-Loire. Accordée du bout des lèvres aux départements lors de l'acte I de la décentralisation, reprise par l'Etat - au nom de l'efficacité - lors de l'acte II (alors que, le même mois, l'Etat faisait son grand retour dans la prévention avec la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique), mais déléguée aussitôt par convention dans de nombreux départements, cette compétence résiduelle peine manifestement à trouver sa place...

 

Jean-Noël Escudié / PCA